Synode: comment les amendements ont modifié la synthèse finale (2/2)

Le rapport de synthèse voté à Rome dans la soirée du 28 octobre 2023 par les membres du Synode sur l’avenir de l’Église est le fruit d’intenses discussions qui ont eu lieu dans les derniers jours de la session d’octobre. La première version présentée le 25 octobre aux membres de l’assemblée a fait l’objet de 1’251 amendements. L’agence I.MEDIA, qui s’est procuré le brouillon du rapport de synthèse, revient sur les changements les plus significatifs.

Les rédacteurs affirment dans le document officiel que la synodalité représente «l’avenir de l’Église». Mais une première version contenait l’assertion: «toute marche en arrière semble impossible». Une rhétorique utilisée par certains évêques allemands – eux-mêmes engagés depuis trois ans dans un Synode national aux allures de grande réforme – qui pourrait avoir fait grincer des dents dans l’aile opposée. L’expression a donc sauté.

Le brouillon envisageait par ailleurs la constitution d’une commission d’étude théologique pour affiner la compréhension de la synodalité; une suggestion également supprimée. Semblant épargner les susceptibilités, le texte renvoie à des travaux déjà effectués par la commission théologique. En revanche, l’idée d’une commission est conservée pour les «implications canoniques» de la synodalité. Sur ce sujet technique, un paragraphe entier a été introduit, assurant que «semble être arrivé le moment d’une révision du Code de droit canonique», et demandant à ce sujet «une étude préliminaire».

Ne pas institutionnaliser un «mouvement d’interrogation perpétuelle»

Selon les informations d’IMEDIA, un cardinal membre du C9 a fait une intervention remarquée durant les débats à huis clos. Il a assuré que le Code de droit canon pouvait être modifié et n’était pas un critère de discernement à lui seul.

Autre suppression qui mérite d’être soulignée: la possibilité d’un «Synode permanent d’évêques élus par les conférences épiscopales en soutien au ministère pétrinien». Cette formulation a disparu, pour faire place à la requête de «valoriser et renforcer l’expérience du C9 comme conseil synodal au service du ministère pétrinien». Ce conseil de cardinaux (moins d’une dizaine) est une création du pape François qui, dès le début de son pontificat en 2013, a voulu s’entourer de cardinaux venus des quatre coins du monde pour l’assister dans son gouvernement et la réforme de la Curie romaine.

« Le partage des responsabilités entre laïcs et clercs reste sujet à controverse »

Pour un observateur, trois éléments pourraient avoir poussé les membres de l’assemblée à retirer le projet d’un Synode permanent autour du pape. D’abord, la peur de «bureaucratiser» et «d’alourdir» davantage les processus de consultation et de décision dans l’Église, alors que des structures existent déjà. Ensuite, la crainte de constituer une sorte «d’élite» parmi les catholiques, avec des personnes expertes de la synodalité qui finiraient par ne plus être représentatives du peuple de Dieu. Enfin, la volonté de ne pas institutionnaliser un «mouvement d’interrogation perpétuelle» dans l’Église.

Le rapport entre le rôle des laïcs et des clercs approfondi

Le partage des responsabilités entre laïcs et clercs reste sujet à controverse, et a subi des nuances avec les amendements. Par exemple, sur la question délicate des «ministères», certains usages de ce mot ont été changés au profit de son étymologie, sans doute plus parlante: «service». Un nouveau paragraphe demande d’éclaircir «d’éventuelles ambiguïtés» sur le terme «une Église toute ministérielle» utilisé dans l’Instrument de travail de ce Synode.

Dans la même veine, on note que des précisions ont été apportées sur la participation des laïcs. Ainsi la première version parlait simplement de la mission conférée par le «baptême», alors que la version finale préfère parler de «sacrements de l’initiation chrétienne» (baptême, communion, confirmation). En d’autres termes, pour les décisions, les évêques souhaitent s’entourer de laïcs qui vivent concrètement leur foi, comme l’avait expliqué un participant à I.MEDIA. Il s’agit de confier le discernement à des personnes formées et préparées.

Nouveau ministère?

Dans le premier texte, l’assemblée s’inquiétait du manque de participation des prêtres – peu représentés parmi les participants – dans le Synode, préoccupation qui s’élargit dans le document final aux diacres et aux évêques, en appelant clairement à «comprendre les motifs de la résistance à la synodalité de la part de certains d’entre eux».

« L’idée d’une liturgie spécifique pour les mariages mixtes a été écartée »

Pour rappel, le rapport de synthèse plaide pour «une plus grande créativité dans l’institution de ministères sur la base des exigences locales». Il suggère d’élargir les charges du ministère de lecteur – que le pape François a ouvert aux femmes en janvier 2021 –, qui pourrait devenir «un véritable ministère de la Parole de Dieu» pouvant inclure «la prédication». En outre, les pères et mères synodaux envisagent un nouveau ministère dont les couples mariés pourraient être investis, afin de «soutenir la vie familiale» et «accompagner les personnes qui se préparent au sacrement du mariage». Ces perspectives étaient bien présentes dans la première mouture.

Abus et cléricalisme, les focus de l’assemblée

La crise des abus a également fait l’objet d’amendements. Dès l’introduction, au paragraphe 1/a, les rédacteurs ajoutent une phrase affirmant qu’il reste à accomplir «un long chemin vers la réconciliation et la justice, qui demande d’affronter les conditions structurelles qui ont permis de tels abus et de réaliser des gestes concrets de pénitence».

La partie sur les diacres et les prêtres, plus développée, porte des propositions nouvelles pour promouvoir la «transparence» et le devoir pour les clercs de «rendre des comptes». On peut y lire aussi un ajout sur le cléricalisme «qui peut se manifester non seulement chez les ministres mais aussi chez les laïcs».

« En plus des indigènes, le texte parle de ‘descendants afros’ et des victimes du racisme »

Autres initiatives nouvelles: dans la partie sur les évêques, il est demandé de vérifier les critères de sélection des candidats à l’épiscopat, et ce «en équilibrant l’autorité du nonce apostolique avec la participation de la conférence épiscopale». Et l’assemblée a glissé le projet de «services pastoraux» à attribuer aux prêtres qui ont quitté le sacerdoce. Ce paragraphe est l’un de ceux qui a fait le moins l’unanimité dans les votes.

Dans le domaine œcuménique, le document a été aplani. Une première version, supprimée, parlait de «résistance au dialogue, à la rencontre, et au travail commun» entre confessions chrétiennes. Et l’idée d’une liturgie spécifique pour les mariages mixtes a été écartée.

Les voix du Sud plus présentes

À la lecture de la version finale, il semble que de nombreux amendements aient fait droit aux voix du Sud. Plusieurs éléments viennent appuyer cette impression. Dans la partie sur les pauvres comme protagonistes dans l’Église, beaucoup plus détaillée que la première version, plusieurs catégories de personnes marginalisées ont été introduites. En plus des indigènes, le texte parle de «descendants afros» et des victimes du racisme. Ce mot et ses dérivés, qui n’était présent qu’une seule fois dans le brouillon, revient à cinq reprises dans le rapport final. Un paragraphe entier a été ajouté sur la lutte contre «les systèmes qui créent ou maintiennent l’injustice raciale au sein de l’Église».

« La mention nominative de pays en guerre – Ukraine, Terre sainte et Moyen-Orient – a été supprimée »

Dans ce qui semble également faire écho aux voix de pays du Sud, les rédacteurs soulignent que «dans certains lieux l’annonce de l’Évangile a été associée à la colonisation et même au génocide», ce dernier terme étant ajouté.

L’Afrique entendue

La mention nominative de pays en guerre – Ukraine, Terre sainte et Moyen-Orient – a été supprimée pour ne garder que le terme générique de «nombreux pays sur divers continents», laissant supposer une protestation de pays africains notamment en proie à de nombreux conflits oubliés.

Enfin, alors que le terme LGBTQ+ a été évacué de la mouture initiale, l’ajout dans la synthèse finale d’un paragraphe sur une thématique spécifiquement africaine montre comment ce continent a su se faire entendre lorsqu’il a fallu amender le texte. Dans le rapport final, il est demandé aux conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) de «promouvoir un discernement théologique et pastoral sur le thème de la polygamie et sur l’accompagnement des personnes en union polygame qui se rapprochent de la foi». (cath.ch/imedia/hl/ak/rz)

I.MEDIA

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