Abbé Vincent Marville: «Je ne suis pas là avec un projet politique»

Arrivé à Fribourg à la fin de l’été 2023, l’abbé Vincent Marville reprend la modération d’une équipe pastorale de 27 personnes, au service de toute l’agglomération fribourgeoise. Faire consensus entre traditions bien établies et habitudes nouvelles, tel est le souhait de l’ancien curé de Neuchâtel.

Les choses se sont très vites passées. A l’annonce du départ de l’abbé Philippe Blanc, fin mai 2023, l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg a choisi l’abbé Vincent Marville – alors encore en poste de curé à Neuchâtel – pour le remplacer.

Après 14 ans à la tête de «l’église rouge», Vincent Marville change de canton et devient curé de la dizaine de paroisses que compte le décanat de Fribourg. Le Vaudois hérite également de la modération de l’équipe pastorale, nouvellement formée de 27 personnes – prêtres, diacres, religieux, religieuses, agents pastoraux laïcs et bénévoles laïcs – qui ont pour mission de répondre aux besoins spirituels et ecclésiaux des fidèles du Grand-Fribourg.

La messe d’installation, le 10 septembre à la cathédrale de Fribourg, avec Mgr Charles Morerod et sa représentante Céline Ruffieux-Morel, a officialisé l’envoi en mission du nouveau curé des paroisses et de l’équipe décanale.

Planification et consensus

Au moment où Vincent Marville reçoit cath.ch chez lui, à la cure du Christ-Roi, courant novembre, il est en train de planifier les temps forts de l’année pastorale. La période de Noël 2023 étant déjà «sur les rails» depuis quelques temps, c’est désormais l’organisation du Triduum pascal 2024 qui occupe son esprit.

Comment faire en sorte que chaque paroisse puisse vivre au mieux «sa» Montée vers Pâques – qui comprend habituellement quatre célébrations entre le Jeudi saint et le Dimanche de Pâques –, en tenant compte des familles, des jeunes, des chorales, du nombre de prêtres inférieur au nombre de clochers, du programme particulier de la cathédrale, des rites déjà établis, avec les traditions qui fonctionnent et celles qui font de moins de moins de sens? Essayer de contenter tout le monde est un vœu pieux. L’abbé Vincent le sait. C’est pourquoi il opte pour le consensus, en prenant le temps de consulter toutes les parties concernées avant de se prononcer.

L’abbé Vincent Marville occupe la cure de la paroisse du Christ-Roi à Fribourg | © Grégory Roth

«Conscient d’avoir une personnalité assez prégnante, je me vois plutôt dans un rôle de motivateur»

Attentes et exemplarité

Dans le cadre de sa nouvelle fonction de type capital, quel exemple le curé souhaite-t-il donner? «Mon but n’est pas de marquer cette Ville à ma sauce ou de mon empreinte, répond-il du tac au tac. Je le dis, parce que je suis conscient d’avoir une personnalité assez prégnante, et d’être tenté parfois de donner de la voix. Je me vois plutôt dans un rôle de motivateur, en encourageant les charismes des personnes qui veulent s’engager».

En tant que prêtre, c’est en premier lieu dans la liturgie qu’il entend pouvoir donner l’exemple. «Quand je prêche, j’offre toujours un contenu personnel, qui soit bref, dans un style libre et un ton familier. Si les gens prennent le temps de se déplacer, ce n’est pas pour entendre une ›homélie bis’ du pape. Et si le contenu de la prédication est très important, il ne se limite pas qu’au temps de l’homélie. Avec l’expérience, j’ai appris à soigner également le contenu non-verbal. Car c’est déjà au moment où j’arrive à l’église, à la sacristie, à la rencontre les paroissiens, que je dois être en train de prêcher: par mon attitude, par mon attention aux autres et par mon écoute. D’ailleurs, c’est souvent ce message non-verbal que les autres retiennent et emportent avec eux», révèle Vincent Marville.

«Je suis là pour apporter de la bienveillance, pour écouter, et apaiser des éventuelles tensions»

Vis-à-vis de ses nouveaux interlocuteurs, quelles sont ses attentes? «Avant tout, de pouvoir découvrir les gens et d’établir une relation de confiance avec eux. Je ne suis pas là avec un projet politique ou une vision particulière. Je suis là pour apporter de la bienveillance, pour écouter, et apaiser des éventuelles tensions. Pour l’instant, les rencontres se sont bien passées et j’ai reçu un très bon accueil. J’ai aussi eu l’occasion de recevoir quelques échos positifs et une valorisation de mon travail, ce qui est très important pour moi. »

Autorité et cléricalisme

Le pape François insiste beaucoup sur le besoin de sortir du cléricalisme. Comment le prêtre Vincent concilie ce risque avec sa fonction de curé? «Le cléricalisme est un fléau qui touche toutes les personnes qui ont des responsabilités ou des rôles. En Suisse, le prêtre n’a pas le monopole du cléricalisme, puisque on l’observe potentiellement de la part de tout le monde. Et malgré la raréfaction des vocations pastorales, je ne pense pas que l’on puisse dissocier la fonction de prêtre de la conduite pastorale».

«L’équipe pastorale est reconnaissante que je ne fuie pas ma fonction»

«En arrivant à Fribourg, j’ai senti que l’équipe pastorale était reconnaissante que je prenne cette fonction de pasteur et que je ne la fuie pas. Ce n’est pas parce que certains prêtres ont eu une attitude autoritariste ou cléricaliste, que le prêtre doit être dépossédé de son autorité. J’ose un parallèle: le rôle de parents sera toujours critiquable, mais ce n’est pas en démissionnant, en tant que parents, que la solution à l’éducation va se trouver. Avec la crise actuelle de la jeunesse, certains parents ont démissionné et comptent sur l’école pour les substituer, ajoute le prêtre, ce qui ne va pas».

Abus et transparence

L’entrée en mission de Vincent Marville coïncide avec la publication de l’étude historique sur les abus sexuels dans l’Église catholique en Suisse. Comment a-t-il vécu l’événement? «Cette crise a suscité un ciblage médiatique que je trouve assez malsain. Depuis la mi-septembre, j’ai recensé près de dix articles par jour. Ce qui s’explique par un changement de paradigme: nous sommes passés d’une époque de tabou à une époque de transparence. L’Église en souffre beaucoup actuellement, mais cela va continuer encore longtemps, et dans toutes les couches de la société. Il est clair que nous sommes spécialement regardés, parce que nous sommes porteurs d’un modèle, d’une éthique, d’un évangile. Nous ne pouvons donc pas faire comme si nous n’étions pas au courant».

L’abbé Vincent Marville se dit proche des victimes qui frappent à sa porte | © Grégory Roth

«Lorsqu’une personne est en crise, ça ne lui sert à rien que je sois moi-même en crise»

«Malgré la gravité du sujet, je reste empreint de sérénité, confie le curé. Ce qui ne me rend nullement distant des victimes. Pour le dire autrement, j’ai appris à être serein quand des personnes autour de moi sont en crises psychologiques. Dans ma famille, j’ai une sœur qui a développé une forme de schizophrénie, alors que j’étais encore enfant. Les multiples crises que nous avons vécues m’ont appris que, lorsqu’une personne est en crise, ça ne lui sert à rien que je sois moi-même en crise. Au contraire, si je reste calme, elle peut s’appuyer sur moi et retrouver ses repères. En définitive, ce que je peux apporter aux victimes, c’est de rester calme et d’être confiant pour la suite.» (cath.ch/gr)

De Lausanne à Fribourg
Né en 1972, Vincent Marville est le huitième et ‘petit dernier’ d’une fratrie lausannoise. Entré au séminaire en 1992, il étudie la théologie à l’Université de Fribourg, entrecoupé d’une année à Rome. Ordonné en 2001, il débute son ministère sacerdotal dans plusieurs paroisses du canton de Genève. En 2009, il est nommé curé de Neuchâtel, jusqu’en 2023, où il reprend la charge de curé des paroisses du décanat de Fribourg. Lorsqu’il a une plage disponible dans la semaine, il pratique le badminton. GR

Grégory Roth

Portail catholique suisse

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