Chaleur humaine et traditions à la Mission italienne de Bienne

A Bienne, la Mission catholique italienne est une institution ancienne et respectée. Les italophones de la région y trouvent une pratique de la foi adaptée à une sensibilité qui mêle respect des traditions, ferveur et bonne humeur.

Près de 10% des Biennois parlent italien, selon les statistiques de l’OFS (2018). Cela montre l’importance de la Mission transalpine locale. Ou faudrait-il dire «la mission de sensibilité italienne », comme le suggère Don Luciano Porri, son curé répondant. Car l’institution accueille aussi des Tessinois, voire des italophones d’autres nationalités, tous reliés par une façon spécifique de vivre la foi et de valoriser le contact humain.

Tel est le principal message que le groupe d’agents pastoraux de la Mission transmet à cath.ch, de passage à son siège, à la Rue de Morat. Autour d’un expresso, l’italien se mêle au français et même au suisse-allemand, pour décrire avec une joie et une fierté démonstrative la communauté.

Un lieu de soutien spirituel et pratique

La Mission catholique italienne a été fondée à Bienne en 1947, petite curiosité, non par un Italien, mais par un Suisse: l’abbé Ernest Bové. Le prêtre, qui avait vécu au Tessin, s’était soucié de la situation des travailleurs saisonniers italiens. A l’époque, beaucoup d’entre eux vivaient dans de simples baraquements et leur statut administratif était précaire. La Mission a été créée pour leur offrir à la fois un soutien spirituel et matériel.

La nouvelle structure les a notamment assistés dans leurs démarches de régularisation auprès des autorités suisses. Erigée canoniquement en 1956, la Mission italienne bénéficie depuis 1960 d’une grande autonomie.

Une partie de l’équipe de la Mission catholique de langue italienne à Bienne (de g. à d.) Antonio Costa, Francesco Margarone, Christian Barella, Mauro Floreani, Don Luciano Porri, Anna-Lisa Fiala, Vita Bellini | © Raphaël Zbinden

Les décennies qui suivent voient un afflux important de travailleurs transalpins, dans le sillage du développement économique de la Suisse. Dans les années 1960-1970, le nombre d’Italiens dans la ville du Seeland a été jusqu’à atteindre les 15’000. Dans ces deux décennies, des religieuses sont arrivées d’Italie, une crèche et une école ont été ouvertes.

La structure a clairement facilité l’intégration des nouveaux venus. «Il s’est toujours agi, au fil des décennies, d’un lieu de soutien central pour les Italiens», relève Anna-Lisa Fiala, secrétaire de l’institution. Aujourd’hui, Bienne abrite 5000 personnes d’origine italienne, ce qui en fait encore l’une des communautés issues de l’immigration les plus importantes de Suisse occidentale.

Une mission fréquentée

Outre son importance numérique, la mission biennoise est aussi très active, confirme Don Pasquale, un jeune diacre venu de Rome pour visiter les missions italophones en Suisse, présent ce jour-là à la Rue de Morat. Elle est notamment la seule à offrir un service de catéchèse. Près de 180 enfants viennent ainsi régulièrement s’éveiller à la foi dans ses murs.

Aujourd’hui, la troisième génération d’Italiens fréquente le centre de la Rue de Morat 50. L’immigration a diminué par rapport à la fin du 20e siècle, mais elle existe toujours. Ainsi, aucune baisse des membres n’a été constatée, des fidèles repartent en Italie, ou meurent, mais d’autres arrivent. Ils sont quelques centaines à venir régulièrement à la Mission. L’équipe pastorale, qui compte cinq personnes salariées, gère des activités adaptées à chaque tranche d’âge. Pour les enfants, au-delà du catéchisme hebdomadaire, des colonies de vacances sont depuis peu organisées, en été et en automne.

«L’aspect social est actuellement moins important que dans les années 1960-1970»

«Pour les jeunes après 15 ans, c’est plus difficile, comme partout ailleurs, confie Christian Barella, responsable du catéchisme, du chœur d’enfants et de la liturgie à la Mission. Après la confirmation, on ne les voit souvent plus. Mais nous sommes en train de mettre en place des activités pour leur donner envie de revenir.»

Certains jeunes se retrouvent à nouveau à la Mission dès qu’ils ont fondé une famille, une dimension primordiale pour les fidèles italophones. Les fêtes les plus populaires dans la culture italienne, que sont Noël, Pâques, les Rameaux et le Jour des défunts, sont ainsi toujours célébrées en famille.

Dimension sociale toujours présente

Mais la communauté compte également de nombreuses personnes âgées. Celles-ci sont très attachées aux sacrements et à la présence du prêtre. Les agents pastoraux effectuent maintes visites aux domiciles de ces personnes et dans les homes. Des activités particulières sont aussi proposées pour le troisième âge, notamment un dîner appelé «Table fraternelle», une fois par mois. Avec l’accord de la paroisse locale, des célébrations sont données dans les maisons de retraite. Une initiative dite «Terza età» (Troisième Âge) permet en outre aux personnes de se rencontrer et de passer un après-midi ensemble.

L’aspect social est actuellement moins important que dans les années 1960-1970. «Nos services sont maintenant plus orientés vers le religieux, mais nous aidons toujours autant que nous le pouvons les personnes sur des aspects pratiques», assure l’animateur pastoral Francesco Margarone. Il arrive ainsi que l’équipe de la Mission assiste des nouveaux arrivants, par exemple dans la recherche d’un emploi ou d’un logement.

Une messe dominicale, en italien, à Bienne | © DR

Mais, pour les italophones de la région, la Mission est surtout le lieu où ils peuvent retrouver une pratique de foi qui rejoint leurs racines. «Nous avons une manière particulière de célébrer la messe, assure Don Luciano. Il y a notamment les chants typiques que les Suisses ne connaissent pas, mais que tout le monde connaît en Italie. Si les célébrations sont certes solennelles, il y a aussi un côté décontracté. Il peut arriver que quelqu’un parle tout fort ou que l’on rie pour quelque chose en plein milieu de l’office, mais c’est normal, et la célébration continue».

Pour les Italiens, le respect des règles liturgiques est néanmoins important. Ainsi que l’imagerie traditionnelle de la messe. Même pour Anna-Lisa Fiala, née de parents italiens en Suisse et dont la principale langue est le français, la foi «à l’italienne» est un besoin profond. «Je n’arrive tout simplement pas à prier en français», confie-t-elle.

Le prêtre au centre de la pratique

Trois offices sont proposés le weekend, un à la petite chapelle Notre-Dame située à la Rue de Morat 50, et deux dans d’autres lieux de culte de la ville qui accueillent le prêtre italien – principalement l’église du Christ-Roi-, car la Mission ne possède pas d’église propre.

Le rapport au prêtre est un autre aspect qui différencie les sensibilités suisses et italiennes. «Pour nous, la proximité avec le prêtre est très importante, note Francesco Margarone. C’est quelqu’un qui est disponible 24 heures sur 24. Si l’on a un problème de couple, par exemple, on ira d’abord voir le prêtre avant d’aller voir le psychologue. Le prêtre doit aller voir les gens, chez eux, administrer beaucoup de sacrements, c’est encore une figure très centrale dans la culture italienne.»

Spécifité et ouverture

Au vu de tous ces éléments, les employés de la Mission catholique italienne jugent que l’institution a encore toute sa raison d’être dans le paysage ecclésial local. «Il y a eu des discussions sur la nécessité de garder la Mission, souligne Francesco. Certains ont dit: ‘Les Italiens sont maintenant complètement intégrés, ils parlent la langue, ils peuvent aller dans les paroisses locales’. Mais c’est autre chose qu’une histoire de langue, la mentalité est différente et nous pensons que la diversité des façons de vivre sa foi est une richesse dans l’Eglise», estime le Sicilien d’origine.

«Pour la première fois de son histoire, le président de la paroisse de Bienne est d’origine italienne»

Si les Italophones de la région biennoise tiennent à leur spécificité, ils n’en sont pas moins complètement ouverts aux autres communautés. L’action de la «Table fraternelle» se déroule notamment avec la Mission espagnole, qui se situe dans le même bâtiment de la Rue de Morat. Les curés répondants des deux communautés se remplacent mutuellement lorsqu’ils partent en vacances. Don Luciano Porri possède en effet l’atout d’être un polyglotte accompli. Né en Argentine, d’origine italienne et résidant depuis des années en Suisse, il parle l’italien, l’espagnol, mais également très bien le français. Il lui arrive également d’aider dans des paroisses francophones.

A l’image de la Bienne multiculturelle

Le paysage ecclésial de Bienne est à l’image de cette ville profondément multiculturelle et multilingue (l’OFS note en 2018 une proportion de 47% de germanophones, 43% de francophones, 10% d’italophones et 31% de locuteurs d’autres langues [nb: le total fait plus que 100% du fait que certains habitants utilisent plusieurs langues]). Quatre fois par an, une célébration a lieu dans une église de la ville mêlant les quatre langues que sont l’allemand, le français, l’italien et l’espagnol. La dernière de ces célébrations plurilingues a eu lieu le dimanche 26 novembre, en l’église du Christ-Roi.

Les interconnexions sont ainsi innombrables entre les communautés. De nombreuses personnes d’origine italienne œuvrent déjà depuis longtemps dans les paroisses locales. Et les employés de la Mission soulignent avec un brin de fierté que, pour la première fois de son histoire, le président de la paroisse de Bienne, Gabriele di Francesco, est d’origine italienne. (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

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