Immeuble de Londres: le cardinal Becciu clame toujours son innocence

Lors de la 83e audience du procès de l’affaire dite ‘de l’immeuble de Londres’, le 6 décembre 2023, la défense du cardinal Becciu a demandé son acquittement afin que «la justice soit faite» et qu’il retrouve «la dignité personnelle et sacerdotale dont il a été injustement privé». L’acquittement a ensuite été réclamé par les avocats de Fabrizio Tirabassi, concluant ainsi la phase des plaidoiries, avant deux audiences conclusives et l’annonce du verdict qui doit avoir lieu la semaine prochaine.

Les deux accusés avaient déjà commencé leur plaidoirie lors d’une précédente audience, le cardinal Becciu le 22 novembre et Fabrizio Tirabassi le 19 octobre.

Le cardinal sarde, substitut de la secrétairerie d’État de 2011 à 2018, est au centre du procès. Ce dernier concerne non seulement l’acquisition et la gestion d’un immeuble de la secrétairerie d’État à Londres, mais aussi les conditions d’embauche d’une «experte», Cecilia Marogna, par le cardinal, ainsi que le versement de 125’000 euros à une association de son diocèse d’origine dirigée par son frère qu’il a autorisé.

L’ancien préfet de la Congrégation pour les causes des saints (2018-2020) est accusé de détournement de fonds, d’abus de pouvoir, et de subornation de témoin. Le promoteur de justice a requis à son encontre sept ans et trois mois de réclusion, une interdiction perpétuelle de l’exercice de la charge publique et 10’329 euros d’amende, ainsi que la confiscation de près de 15 millions d’euros. Le cardinal clame son innocence depuis le début de l’affaire.

Mgr Perlasca, «porteur sain de la mauvaise foi»?

L’avocate du prélat, Maria Concetta Marzio, a insisté sur «l’énorme souffrance» causée sur son client par les accusations du bureau du promoteur de justice, «tant en tant qu’homme qu’en tant que prêtre». Elle a décrit un homme atteint dans sa dignité et humilié publiquement «malgré sa totale innocence».

Les accusations, affirme l’avocate du cardinal Becciu, n’ont cependant pas atteint la «respectabilité» d’une personne «qui a passé toute sa vie au service de l’Église». «Toutes les personnes qui l’ont connu n’ont jamais cessé de le respecter car elles n’ont jamais douté de son honnêteté», a-t-elle insisté.

L’autre avocat du cardinal, Fabio Viglione, a insisté sur le fait que son client était victime d’un «préjudice accusatoire» et de l’élimination par le promoteur de justice «de tout ce qui ne va pas dans le sens de son théorème». Il a aussi mis en cause le principal témoin de l’affaire, Mgr Alberto Perlasca, décrivant l’ancien responsable des finances du Saint-Siège comme un «porteur sain de la mauvaise foi» ayant inoculé son mal à un cardinal «pourtant de bonne foi».

«Pourquoi aurait-il sciemment violé la loi, pourquoi aurait-il permis à des inconnus de faire des profits illicites sur le dos de la secrétairerie d’État?», a questionné Fabio Viglione. Il a rappelé que le cardinal n’avait tiré aucun bénéfice des opérations financières examinées par le tribunal. Il a déclaré qu’il était impossible de «continuer à soutenir la responsabilité» de son client au regard des éléments présentés pendant le procès.

Fabrizio Tirabassi a fait confiance à Gianluigi Torzi

L’avocat de Fabrizio Tirabassi, Massimo Bassi, s’est ensuite exprimé. Son client a travaillé dans la première section de la secrétairerie d’État sous les ordres de Mgr Perlasca et du cardinal Becciu. Il fait l’objet de 18 chefs d’inculpation parmi lesquels ceux d’abus de pouvoir, de corruption et d’extorsion. Le promoteur de justice a notamment requis à l’encontre de l’ancien fonctionnaire 13 ans et 3 mois de prison, une interdiction perpétuelle de la charge publique et 18’750 euros d’amende.

L’avocat de l’ancien expert-comptable a soutenu l’innocence de son client, affirmant qu’il avait toujours agi «en accord avec ses supérieurs», notamment Mgr Perlasca. Il a nié avoir envoûté ce dernier tel un «charmeur de serpent». Sa responsabilité, a-t-il insisté, est un «colossal trompe-l’œil».

Pour Massimo Bassi, Fabrizio Tirabassi aurait été victime de la «malveillance» de Gianluigi Torzi, banquier accusé d’avoir extorqué le Saint-Siège, que Fabrizio Tirabassi avait introduit à la secrétairerie d’État. Cependant, a-t-il souligné, Gianluigi Torzi avait fait entrer l’entrepreneur Giuseppe Milanese dans la discussion: Tirabassi ne se serait pas méfié parce que Milanese «était un ami du Saint-Père et que nous lui faisions confiance». Cette proximité du pape était une «garantie absolue», a-t-il insisté.

Concernant les médailles précieuses du Saint-Siège retrouvées chez Fabrizio Tirabassi, son avocat a insisté sur l’existence de documents prouvant qu’elles étaient bien la propriété du père de son client ou légitimement achetées. Enfin, concernant les rétrocessions versées par la banque suisse UBS lorsqu’il travaillait pour le Saint-Siège, Fabrizio Tirabassi assure avoir touché l’argent de la banque et pas celui de la Secrétairerie d’État.

Dernières audiences et verdict

Le procès continuera le 11 décembre avec une audience conclusive consacrée aux «réponses» du promoteur de justice Alessandro Diddi. Puis il donnera la parole une ultime fois aux parties civiles. Enfin, le 12 décembre, une audience permettra à la défense des dix accusés de s’exprimer une dernière fois. Le verdict est attendu lors d’une audience qui devrait se tenir entre le 13 et le 16 décembre. (cath.ch/imedia/cd/ic/rz)

Le procès dit de ‘l’Immeuble de Londres’ est l’aboutissement de plus de deux ans d’une enquête menée par le Vatican concernant l’achat par la Secrétairerie d’État d’un immeuble à Londres pour un montant de 350 millions d’euros entre 2014 et 2018. Le Vatican maintient que la transaction était problématique et conçue pour escroquer des millions d’euros à la Secrétairerie d’État. L’investissement, initié en 2013, a été financé avec l’argent du fonds de gestion du Denier de Saint-Pierre, soit les dons des fidèles. Les accusés prétendent que leurs actions étaient légales et que les autorités du Vatican étaient au courant.

Depuis 2021, le Vatican intente une action en justice contre les personnes impliquées dans la transaction de Londres – et d’autres personnes accusées de délits financiers – au nom des parties lésées: le Saint-Siège, la Secrétairerie d’État et l’IOR (communément appelée la «banque du Vatican»).

Il s’agit du plus grand procès de l’ère moderne pour des délits financiers au Vatican, avec 10 accusés (dont l’avocat suisse René Brülhart et le cardinal italien Angelo Becciu) et une longue liste de chefs d’accusation, parmi lesquels le détournement de fonds, le blanchiment d’argent, l’abus de fonction, l’extorsion et la fraude (à noter que tous les accusés ne sont pas concernés par tous les chefs d’accusation). C’est également la première fois qu’un cardinal est jugé par des magistrats laïcs au tribunal du Vatican.

Avant d’être destitué, en novembre 2020, le cardinal Becciu était le deuxième fonctionnaire de la Secrétairerie d’État du Vatican, le puissant département curial au centre de l’enquête sur les malversations financières. Il a toujours nié tout acte répréhensible.

Toutes les accusations ne sont pas strictement liées à cette transaction. Le cardinal Becciu est soupçonné d’avoir envoyé de l’argent du Vatican à une organisation caritative dirigée par son frère, en Sardaigne. Dans ce cadre, il aurait payé une autre accusée du procès, Cecilia Marogna, pour établir des dossiers compromettants sur des membres du personnel du Vatican. RZ

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