Homélie du 24 décembre 2023 (Lc 1, 26-38)

Père Emmanuel Emmenegger – Abbaye d’Hauterive, Posieux, FR

Chers frères et sœurs,

Le 25 mars, nous avons célébré la fête de l’Annonciation. Lors de cette fête, nous avons entendu le même Évangile qu’aujourd’hui : l’archange Gabriel transmet à la Vierge Marie le message qu’elle va concevoir un enfant. Neuf mois plus tard, nous nous trouvons à la veille de la naissance de cet enfant annoncé.

Un enfant qui sera roi

Aujourd’hui, l’accent est moins mis sur l’annonce de la naissance de Jésus que sur le fait que cet enfant sera un roi. Dans la première lecture, nous avons entendu le prophète Nathan promettre au roi David qu’un de ses descendants occupera son trône et régnera. Dieu sera un père pour ce dernier et lui, un fils pour Dieu.

Nous retrouvons cette promesse dans notre évangile sur les lèvres de l’ange Gabriel : « Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »

Avec la naissance de Jésus, la promesse faite par le prophète Nathan au roi David s’accomplit donc.

Il faut toutefois reconnaître que si Jésus est bien un roi – nous avons célébré la fête du Christ-Roi il y a quelques semaines seulement –, il ne l’est pas comme la plupart des gens se l’imaginaient. En effet, à l’époque de Jésus, on attendait un Messie qui serait également roi, mais un roi qui s’emparerait du pouvoir politique et chasserait l’occupant romain du pays. Même les disciples de Jésus avaient cette attente.

Mais Jésus est un tout autre roi. Durant toute sa vie, il n’a pas eu d’ambitions politiques et il n’a pas non plus combattu contre les Romains. Ceux-ci semblent avoir été totalement indifférents à Jésus.

Jésus, un roi qui veut être aimé pour lui-même et non pour ce qu’il peut donner

Mais quel drôle de roi sera donc cet enfant dont nous fêterons la naissance demain, s’il se désintéresse complètement du pouvoir temporel et politique ? Eh bien, Jésus sera le roi du royaume des cieux, ou encore du royaume de Dieu. Ainsi, à la fin de sa vie, peu avant sa condamnation, il répondra à Ponce Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs, mais mon royaume n’est pas d’ici. » Et un peu plus loin : « Tu le dis, que je suis un roi. Je suis né pour cela et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. »

Dans le règne de Jésus se révèle la manière dont Dieu règne sur le monde. Il s’agit d’une manière humble de régner, qui ne domine pas, mais sert, qui ne s’impose pas par la force ou la manipulation, mais qui cherche le libre consentement dans le respect de la liberté. Jésus ne cherche pas non plus à acheter notre dévouement d’une manière ou d’une autre. Lorsque les gens ont voulu le couronner roi après la multiplication des pains, il s’est retiré. Non, Jésus est un roi qui veut être respecté et aimé pour lui-même et non pour ce qu’il peut donner.

C’est pour cette raison que Jésus vient dans le monde en tant que pauvre. C’est pour cette raison que Jésus a voulu naître dans une étable et non dans un palais. Son humble manière d’être roi se révèle ainsi dès le premier jour de sa vie et se poursuivra jusqu’à sa mort sur la croix.

La promesse du prophète Nathan au roi David s’accomplit, tout comme celle de l’ange Gabriel à Marie : en Jésus vient au monde un roi dont le règne ne finira jamais.
Les promesses se réalisent, mais pas comme les hommes l’avaient imaginé. Pour beaucoup, Jésus n’a pas répondu aux attentes et ils se sont détournés de lui.

Et nous ? Quelles attentes portons-nous en nous vis-à-vis de cet enfant dont nous fêtons la naissance demain ?
Attendons-nous de Jésus qu’il résolve nos problèmes temporels ? Qu’il nous offre une sécurité matérielle ? Qu’il nous libère des difficultés de la vie ?

Jésus nous offre sa propre humilité, un don qui nous libère

Bien sûr, il est au pouvoir de Dieu de faire tout cela. Les miracles de Jésus mentionnés dans les évangiles en témoignent. Cependant, Jésus veut nous donner plus que tout cela. Il veut que nous le reconnaissions comme roi et que nous le servions avec amour. En d’autres termes, il veut nous offrir sa propre humilité.

L’humilité n’est peut-être pas ce que l’on souhaiterait en premier lieu. Pourtant, c’est le seul don qui nous libère vraiment, qui nous libère de nous-mêmes et nous ouvre aux autres. Sans humilité, l’amour divin n’est pas possible. L’amour divin auquel Jésus souhaite nous faire participer.

Examinons-nous donc pour savoir ce que nous attendons réellement de l’enfant de la crèche et soyons prêts, si nécessaire, à laisser tomber les fausses attentes si elles ne correspondent pas à notre roi qui nous aime humblement.

4e Dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : 2 Samuel 7…16 ;  Psaume 88 ; Romains 16, 25-27 ; Luc 1, 26-38

https://www.cath.ch/homelie-du-24-decembre-2023-lc-1-26-38/