APIC – Reportage
Voir le vrai Père Noël en Laponie
Alain Bader, agence APIC
Romont, 21 décembre 1998 (APIC) Située au nord de la Finlande, à cheval sur le cercle polaire arctique, la ville de Rovaniemi est la capitale de la Laponie et surtout la ville du Père Noël. Entourée de vastes forêts et parsemée de nombreux lacs, cette région a depuis toujours été le berceau de contes et de légendes de Noël. La nuit polaire et les aurores boréales sont le cadre idéal pour les rencontres magiques.
Grâce à la générosité d’un mécène qui tient à garder l’anonymat, 87 enfants de Suisse romande gravement malades vont réaliser leur rêve: voir le vrai Père Noël. Parmi eux: Lucie, heureuse glânoise de Berlens, près de Romont, choisie avec neuf autres gosses habitant le canton de Fribourg. Du haut de ses sept ans, elle confie son jeune parcours.
Pendant les vacances d’été l’an passé, au bord de la mer, je n’aimais plus le soleil. Il me faisait mal à la tête. Un médecin m’a dit que j’avais une grave maladie. Tout cela, parce que, de temps en temps, je perdais un peu l’équilibre! Mes parents m’ont alors emmenée dans un centre à Lausanne. « Dans ce grand hôpital, tout le monde t’aidera. Mais tu dois, toi aussi, être décidée à guérir », m’a dit mon papa Marco.
Ma maman explique mieux que les docteurs
L’automne, je l’ai passé dans un grand lit. Passant et repassant plusieurs fois par jour, beaucoup de médecins et d’infirmières tournaient autour de moi. Tout cela pour trouver un mot que je ne comprends même pas: le médulloblastome. « Olive », ma maman, m’a mieux expliqué que les docteurs. Une boule de cinq centimètres poussait dans mon cerveau.
Une fois, j’ai presque pleuré quand Guillaume et Laure sont venus me trouver. Ah, vous ne les connaissez pas? C’est mon frère et ma sœur aînée. Elle m’a lu des histoires pendant que « Guidou » regardait les tuyaux et les appareils qui m’entouraient. Ils ont trouvé que j’avais de la chance car j’avais une télé. Il faut que je vous dise que même si on habite au château de Berlens, il n’y en a pas. Alors on écoute la radio.
« RP » travaille très tard le soir
Malgré que le grand hôpital était loin de chez nous, tous les matins papa était là quand je me réveillais. Ça me faisait très plaisir. D’autant plus qu’on l’appelle « RP », ce qui veut dire « Royale Pedze ». Tout le jour, il répare des machines à laver et le soir il retape notre maison. Alors il aime bien traîner au lit le samedi matin. Ma maman arrivait à midi et ma « Mémé » le soir. J’étais contente de ne pas être seule dans cette chambre blanche.
Quand j’ai pu me lever, j’ai été jouer au jardin d’enfants de l’hôpital. Je m’y suis fait plein de copines. Il y avait aussi les « Docteurs Rêves » déguisés en clowns. Ils vont venir trouver le Père Noël avec nous en Finlande mais c’est dommage, je crois que mon préféré, « Panosse », ne sera pas du voyage. Il était « cool ». Une fois, je lui ai fait une farce. Je lui ai caché son castor sous mon duvet. Même avec sa loupe, il ne l’a pas trouvé !
Un Saint Nicolas bizarre
J’ai été contente de rentrer à la maison un peu avant Noël de l’an dernier, de retrouver ma chambre, mes jouets et toute la famille. Mon chat aussi était content. Un soir, Saint Nicolas est venu nous trouver avec son copain tout noir. C’est vrai qu’ils savaient presque tout sur nous. En plus, ils parlaient de plein de choses avec mes parents. C’était bizarre car ils avaient même l’air de bien connaître notre maison…
Quand il a fait nuit, on a allumé le sapin avec un autre Nicola. C’est un vrai berger celui-là. Il habite les Grisons et a 176 moutons. C’est un secret entre lui et moi. Lui, il dort dehors même quand il neige. Il aime bien quand je lui récite des poèmes et moi quand il me raconte des histoires du Tibet, où il a gardé des yacks dans la montagne. Il mange beaucoup de gâteaux que fais ma maman, moi aussi d’ailleurs. Puis on a tous chanté des chansons de Noël.
Sans rideau, je vois mieux les regards imbéciles
Après nouvel-an et la radiothérapie, il y a eu la « chimio ». Plusieurs fois par semaine, nous descendions au CHUV. J’étais surtout contente de pouvoir choisir les cassettes dans l’auto. Chaque fois, j’écoutais Jacky Lagger. J’adore sa chanson de « La boule à zéro ». Je la connais par cœur: « Qui a peur de mes yeux? Sans cils et sans sourcils, sans rideau, je vois mieux les regards imbéciles ».
Depuis, je ne mange plus. Mais j’ai de la chance parce que ma maman a appris à travailler avec les malades. Tous les soirs, elle branche un appareil qui marche à l’électricité directement dans mon ventre. Marco aussi sait le faire. C’est d’ailleurs lui qui a accroché une grande girafe à côté du sachet de nourriture. J’adore cette girafe, jamais elle me quitte quand je dors. Son cou est comme mon tuyau. Je l’emmène avec moi voir le Père Noël.
Même à l’école, on a parlé de ma maladie. Pas seulement mes maîtresses, Hélène et Martine, mais aussi une spécialiste du cancer. Elle a expliqué à ma classe que si quelqu’un a la varicelle ou la rougeole, je dois rester à la maison. C’est très dangereux pour moi, mais je le sais depuis longtemps.
Le château de la joie
Lundi, je vais voir le vrai Père Noël en Laponie. Le vrai celui-là. Je le sais parce que je vais aller le voir dans le pays où il habite. Vous savez, il a une femme: la Mère Noël. Elle prépare les cadeaux et cette année, je vais l’aider. Lui va les porter aux gens avec un traîneau volant tiré par des rennes. Là-bas, les gens habitent dans des chalets et mangent du poisson cru. Mais je suis surtout contente d’aller là-bas, parce que les enfants font plein de bonhommes de neige.
On va y aller en avion, avec ma maman. J’ai quand même un peu peur que l’avion explose. Mais je me réjouis: mon papa m’a dit que par le hublot, on voyait les choses toutes petites sur terre. Quand je reviendrais, je raconterai à Laure et à Guillaume comme c’est quand on est avec un vrai Père Noël.
Aucune agitation avant le départ: Lucie a appris la patience. Autour de la table de la cuisine, la famille partage son bonheur. Un juke-box des années soixante crache sa musique nostalgique. Sur le mur en face, un poster du film « La cité de la joie » dégage son humanité. Cinq cœurs battent à l’unisson, c’est effectivement Noël au « Château » de Berlens. (apic/ab)
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