Et livre… et des raisons d’espérer
Washington, 22 décembre 1998 (APIC) « Roma locuta est »: Rome a parlé. La formule invite au respect, voire à la soumission. Mais au silence? Quand Rome a parle, le débat est-il clos? Deux Américaines, Maureen Fiedler et Linda Rabben, viennent de publier un « guide des déclarations oubliées des papes », qui montre comment celles-ci ont évolué au cours des siècles.
Cet ouvrage de 243 pages, paru chez « Crossroads Publishing Company », montre comment l’enseignement de l’Eglise a évolué dans seize domaines, en opérant une sélection dans des documents importants. Son but: réconforter les catholiques qui attendent des réformes, afin qu’ils ne perdent pas espoir. Les auteurs proposent une plongée dans l’histoire pour rappeler que le « changement » – mais non la « logique des idées » – a été « le cadre de notre héritage catholique », explique Thomas Fox dans une recension publiée par l’hebdomadaire américain « The National Catholic Reporter » (Kansas). Et que l’enseignement de l’Eglise n’a donc pas fini d’évoluer.
Pour Maureen Fiedler et Linda Rabben, le catholicisme n’est pas un itinéraire qui conduit à la perfection dans la doctrine: les pratiques pastorales et les enseignements catholiques sur des aspects importants de la foi changent, « en mieux, et parfois en pire ». Un exemple? Le pape Grégoire Ier, dit « le Grand », qui régna de 590 à 604. Il écrivait: « Quand une femme vient d’accoucher, elle est tenue de s’abstenir d’entrer dans une église pendant 33 jours si c’est un garçon et 66 si c’est une fille, ou encore qu’un homme qui dort avec sa femme ne devrait pas entrer dans une église sans s’être lavé ». En d’autres termes les relevailles. Encore d’actualité il n’y a pas si longtemps.
« Rome a parlé » retrace l’histoire des enseignements catholiques sur l’infaillibilité, le primat de la conscience, l’interprétation de l’Ecriture, la liberté religieuse, l’oecuménisme, le peuple juif, l’esclavage, la démocratie dans l’Eglise, le dissentiment, les femmes, le célibat, la sexualité, la contraception, le divorce et le remariage, la théorie de Copernic, l’évolution, la guerre et la paix, l’usure.
De quoi alimenter la discussion
Après de brèves introductions, des documents sont fournis, qui illustrent « les attitudes officielles les plus significatives de l’époque ». Ceux-ci sont suivis d’essais, signés par des experts dans les différents domaines abordés, comme Robert McClory (l’infaillibilité), Rosemary Radford Ruether (la démocratie dans l’Eglise), le Père Richard McCormick, jésuite (le désaccord théologique) ou encore Soeur Alice Laffey, de la Congrégation du Divin Sauveur (exégèse). Chaque chapitre se termine par une série de questions destinées à alimenter la discussion…
En regard, on trouvera par exemple une déclaration de Jean Paul II, prononcée lors d’une audience en 1988: » Du fait que le magistère de l’Eglise a été institué pour éclairer la conscience, tout appel à cette conscience en vue de contester la vérité de ce qui a été enseigné par le magistère implique le rejet de la conception catholique du magistère et de la conscience morale ».rC’est en 1906 que le pape Pie X, dans son encyclique « Vehementer nos », dénonçant le libéralisme comme la pire erreur du temps, condamne la loi votée en France sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, qui est sa manifestation de la plus significative, « une thèse absolument fausse, une erreur très pernicieuse…, une négation obvie de l’ordre surnaturel ».
Rome peut changer d’avis
Pour le Père Charles Curran, « il est presque impensable qu’il y a moins de 35 ans, l’enseignement catholique n’acceptait pas la liberté religieuse ». Et le chapitre 7 rappelle que l’Eglise a soutenu l’esclavage comme faisant partie de « l’ordre naturel ». Le chapitre 9 évoque « le flux et le reflux » de l’acceptation officielle du désaccord dans l’Eglise. Le Père McCormick note: « La plupart des thèmes abordés dans ce livre ont subi plus ou moins de changements graduels. Des positions hier jugées correctes sont regardées aujourd’hui comme gravement inadéquates – sur l’usure et sur la liberté religieuse, par exemple ». Le théologien jésuite relève: ce n’est pas la voie du développement que l’on constate là où le désaccord théologique est dénoncé.
L’ouvrage rappelle aussi comment la hiérarchie catholique romaine a autorisé un clergé marié durant le premier millénaire, avant de l’interdire ensuite, et il publie d’ailleurs la liste de quelques papes non célibataires.
Bref, « Rome a parlé » montre que, « contrairement à la croyance populaire, Rome peut changer d’avis, et le fait ». (apic/cip/pr)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/etats-unis-roma-locuta-est-ou-l-enseignement-oublie-des-papes/