Vocation: Edoardo, «le plus bel homme d'Italie», veut devenir prêtre

«J’ai été élu le plus beau d‘Italie, OK. Un concours qui m’a lancé dans la mode, mais qui n’a pas changé ma vie. C’est Dieu qui l’a changée«, témoigne Edoardo Santini après l’annonce de sa décision d’entrer au séminaire pour devenir prêtre.

Edoardo Santini, 21 ans, originaire de Castelfiorentino en Toscane, fait fureur depuis des semaines dans les journaux, à la télévision, sur les sites web et les réseaux sociaux, qui affichent des photos du jeune mannequin posant dans des vêtements de marque et avec un regard sensuel, accompagnées de titres du genre : «Je suis l’homme le plus beau d’Italie et je vais devenir prêtre». 

«Du mannequin sexy au séminaire»…

Une avalanche médiatique qui a pris Edoardo au dépourvu. Pour le quotidien Avvenire, le jeune homme a décidé,le 26 décembre 2023, de remettre les choses dans leur contexte.

Né en 2002, Edoardo reconnaît qu’il a toujours eu un certain esprit de compétition. «Au lycée, je me suis intéressée au cours d’art dramatique proposé par l’école: grâce au théâtre, j’ai surmonté ma timidité, j’ai donc pensé que le théâtre était ma voie. En cherchant des académies sur internet et je suis tombé sur une agence. On m’a suggéré pour la première fois que je serais parfait en tant que mannequin et on m’a encouragé à participer au concours des ›plus beaux d’Italie’. C’était en 2019 et j’avais 17 ans.»

Le jeune homme avoue y avoir trouvé un certain plaisir bien qu’il ne soit jamais considéré lui même comme particulièrement beau. «Et puis au-delà il y avait une autre pensée omniprésente, cette tension avec la foi et l’appel au sacerdoce qui me poussait depuis que j’étais enfant, mais qui n’était encore qu’un sentiment. En moi, il y avait toujours une lutte, dans tout ce que je faisais, je ressentais le besoin de trouver un sens plus profond aux choses.»

Pas un beau gosse entouré de plein de filles

Si sa famille est formée de gens ouverts, il n’y trouve cependant pas le soutien pour l’aider à discerner sa voie. «Mes questions sur Dieu s’étaient multipliées, mais je voyais toujours l’Église telle qu’elle vous est présentée sur les médias sociaux, une chose triste et anachronique», raconte-t-il.

Côté professionnel, «j’étais bien lancé, je gagnais ma vie, mais tout n’allait pas bien.» Quand on lui propose de poser nu, parce que ›tout le monde le fait’ le malaise s’accroît. «Le plus sordide, c’est le jour où l’on m’a fait tourner sur moi-même pour m’évaluer et où, à la fin, un type m’a donné de l’argent en me disant: ›la beauté se paie’. (…) Le fait est que je n’ai jamais été ce que les autres attendaient de moi, le mannequin sûr de lui ou le beau gosse entouré de plein de filles, j’étais tout le contraire.»    

«Je suis allé me promener dans les collines autour de la maison, le chapelet à la main, prêt à le cacher si je rencontrais quelqu’un.»

Le déclic Don Puglisi

Au cours de l’été 2021, le déclic survient: «un jour, il m’est venu spontanément l’idée de faire quelque chose que j’avais toujours cru réservé aux vieillards, à savoir prier le chapelet. Je suis allé me promener dans les collines autour de la maison, le chapelet à la main, prêt à le cacher si je rencontrais quelqu’un. ›Mais qu’attends-tu de moi ? demandai-je à Dieu, je ne sais même pas qui tu es?’ À cet instant, l’exemple de Don Pino Puglisi (un prêtre assassiné par la mafia en 1993 à Palerme NDLR) s’est illuminé dans mon esprit.»

De retour chez lui, Edoardo écrit à Don Alberto Ravagnani, «un prêtre que j’avais vu sur YouTube», qui l’invite à rejoindre d’autres jeunes à l’oratoire de Saint-Philippe Neri à Busto Arsizio: «J’étais réticent, j’avais peur qu’il me présente à des jeunes bigots ou un peu extrémistes.» En fait, il passe une semaine tout à fait normale avec des jeunes tout à fait normaux, «mais qui m’ont transmis leur foi avec une joie supplémentaire. J’ai expérimenté ce que signifie ‘être Eglise’ et ne pas ‘aller à l’église’, c’est-à-dire la relation avec les autres, la prière commune, le soin – des autres et de moi-même.» Edoardo découvre aussi que la foi est un chemin et que pour que la graine germe il fallait écarter les pierres.  

«Il y a de nombreuses façons de «parler» de Dieu, il n’est pas nécessaire d’avoir le mot Dieu sur les lèvres, le premier témoignage, c’est la vie.»

De retour à Florence, il rencontre le recteur du séminaire, mais le moment n’est pas encore venu. Parallèlement il poursuit sa carrière de mannequin: «Je me suis demandé si Dieu ne voulait pas que je sois actif dans ce monde-là. En effet, je n’avais plus honte de ma foi et si cela arrivait, j’en parlais calmement, même sur le plateau, avec un collègue mannequin ou un photographe… Il y a de nombreuses façons de «parler» de Dieu, il n’est pas nécessaire d’avoir le mot Dieu sur les lèvres, le premier témoignage, c’est la vie.» Mais l’appel vers la prêtrise ne faiblit pas.

Son père spirituel lui propose en 2022 de s’installer dans une paroisse en dehors de Florence, où «j’ai vécu l’année la plus heureuse de ma vie aux côtés des deux prêtres, et accueilli par toute la communauté, ma deuxième grande famille.»

Entrée en année propédeutique

Après cette expérience, il écrit à l’archevêque Betori pour lui demander d’entrer en année propédeutique au séminaire, qu’il a commencée en octobre 2023. «Les journaux ont déjà fait de moi un prêtre, mais c’est une période de discernement pour savoir si je dois ou non entrer au séminaire.», souligne-t-il. Inscrit à la Faculté de Théologie de Florence, il passe sa vie dans une paroisse.

«Nous n’avons pas l’habitude de partager notre foi, c’est un scandale de parler de Dieu, si vous allez à l’église, vous vous sentez jugés. Cet été, je suis allé aux JMJ de Lisbonne et des jeunes m’ont demandé avec étonnement : «Mais pourquoi veux-tu être prêtre? Ce n’est qu’après avoir entendu mon histoire qu’ils ont trouvé le courage de parler de Dieu, il n’est pas facile de dire ›je crois’, c’est une étape compliquée.»  

«La façon tumultueuse dont ma vidéo est devenue virale m’a perturbé.»

«Je ne serai plus mannequin, bien sûr, mais il ne faut jamais renier le passé, les expériences positives et les belles personnes sont partout, encore plus là où on ne les attend pas. Je suis la somme de ces expériences et de ces rencontres, je continuerai à offrir ce que j’ai acquis jusqu’à présent, mais de manière différente», relève le jeune homme.

Dieu est ineffable

L’attention dont il fait l’objet le flatte, «mais cela me met aussi en colère, parce qu’il y a tant de gars qui ont une vocation plus profonde et qui sont plus compétents que moi, mais personne ne les considère. (…) Les followers se sont décuplés en quelques heures et c’était agréable tant que les gens demandaient à comprendre, mais ensuite la façon tumultueuse dont ma vidéo est devenue virale m’a perturbé. Cependant, la grande majorité des commentaires étaient positifs.»

Interrogé sur le renoncement à une femme, Edoardo répond: «Même dans les moments où j’étais amoureux, la pensée du sacerdoce a résisté. Et j’ai toujours pensé que si l’on est avec une fille, c’est pour viser un avenir ensemble, pas seulement pour s’amuser.»

«Dieu est ineffable, je ne peux pas dire avec des mots humains ce qu’Il représente pour moi, je peux seulement témoigner que c’est le bonheur, le vrai bonheur, avec un B majuscule», conclut-il. (cath.ch/av/mp)

Maurice Page

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