Des drapeaux hindous érigés sur des églises en Inde

Des drapeaux safran ont été érigés sur des églises par des extrémistes hindous dans l’État du Madhya Pradesh. Pour les observateurs, ces événement manifestent une transformation majeure de l’Inde, de la démocratie et d’un modèle de laïcité à un Etat nationaliste menaçant pour les minorités.

A la veille de la consécration fastueuse du temple dédié au Dieu Ram, le 22 janvier 2024 à Ayodhya, dans l’Uttar Pradesh (nord de l’Inde), en présence du Premier ministre Narendra Modi, un groupe d’extrémistes hindous a ciblé plusieurs églises chrétiennes à plusieurs centaines de kilomètres de là, à Jhabua, dans l’État central du Madhya Pradesh. Des drapeaux safran ont été plantés avec des louanges à Ram, la divinité hindoue  Des images devenues virales montrent un homme grimpant sur le toit d’une église évangélique du village de Matasula afin d’ériger un drapeau nationaliste hindou au-dessus de la croix.

Le pasteur Kidar Singh, qui dirige la communauté affiliée à l’Église de l’Inde du Sud , une Église protestante autonome, a indiqué que «plus de 50 d’entre eux se sont rassemblés et voulaient installer des drapeaux safran sur ma maison et au sommet de l’église. Ils ont menacé de faire démolir l’église sous de fausses accusations de conversions illégales».

«Beaucoup de pressions viennent d’en haut»

Des scènes similaires se sont répétées dans trois autres villages de la région. Mgr Paul Muniya, évêque pentecôtiste local, a déclaré que la police avait essayé de convaincre sa communauté de ne pas porter plainte. «Ils nous ont conseillé de gérer la situation avec amour, comme c’est enseigné dans notre religion », a-t-il confié. « Ils nous ont assuré qu’ils déposeraient un procès-verbal introductif [First Information Report – FIR] si de tels incidents devaient se reproduire, mais que pour l’instant, ils ne feront rien parce qu’il y a beaucoup de pressions qui viennent d’en-haut. »

Ces événements se sont déroulés alors que des responsables religieux non hindous au Madhya Pradesh n’ont pas manqué de publier des messages de félicitations à l’occasion de l’inauguration du temple. Mgr Pierre Kharadi, évêque catholique de Jhabua, a notamment envoyé ses meilleurs vœux « au nom de toute la communauté chrétienne catholique« .

Pour Eglises d’Asie, ces évènements montrent combien l’inauguration du nouveau temple géant à Ayodhya est une étape majeure dans la transformation de l’Inde, d’un modèle de démocratie à l’indienne et de laïcité à un nouveau paysage socio-politique menaçant pour les minorités religieuses, en particulier les musulmans et les chrétiens.

L’Inde aux hindous

Quand Narendra Modi est devenu Premier ministre pour la première fois, en menant son parti pro-hindou du BJP (Bharatiya Janata Party) à la victoire lors des élections nationales de 2014, il était soutenu par le mouvement nationaliste hindou du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh), qui soutient l’idée d’une hégémonie hindoue en Inde. Depuis, le BJP et le RSS n’ont pas perdu de vue cet objectif de faire de l’Inde une nation exclusivement hindoue.

Pour les chrétiens, le défi est de repenser leur mission, en particulier en matière d’évangélisation, alors que des groupes extrémistes hindous dénoncent les conversions religieuses. Les chrétiens reçoivent déjà des demandes de placer des statues de Saraswati (la déesse hindoue de la connaissance) dans leurs établissements éducatifs et d’introduire des prières et des hymnes invoquant ses bénédictions. On peut donc s’interroger sur le sort réservé aux minorités, dont les chrétiens, dans une politique indienne dominée par les hindous. (cath.ch/eda/mp)

Maurice Page

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