APIC – Reportage
Quand tout semble perdu, il y a toujours au bout du chemin Kamil et sa famille
Jacques Berset, Agence APIC
Haïfa, Israël, automne 1998. « L’alcool, j’ai commencé tout jeune; la drogue, dès l’âge de 11 ans… » Le parcours classique d’un toxicomane précoce: vols, prison, tentatives ratées de s’en sortir. Une vraie descente aux enfers pour le jeune Abed, puis enfin la baraka, la dernière planche de salut: la Maison de la Grâce, institution créée à Haïfa par Kamil et Agnes Shehade-Bieger, un couple palestino-suisse.
Initiative unique en son genre en Israël, généreusement soutenue par les chrétiens de Suisse, la Maison de la Grâce est une lueur d’espoir pour les ex-prisonniers, drogués, familles à la rue et proscrits de toute la Galilée. Arabes israéliens pour la plupart. Travailleurs immigrés roumains à la dérive, voire immigrants juifs de Russie mal intégrés dans la société israélienne, ils sont de plus en plus nombreux à frapper à leur tour à la porte de Kamil Shehade et de son équipe de travailleurs sociaux.
Au 10 de la rue Pal Yam à Haïfa, la métropole trépidante du nord d’Israël, la Maison de la Grâce a pris ses quartiers il y a 18 ans dans les locaux de l’ancienne cathédrale melkite. Au cœur de la vieille ville arabe aujourd’hui vidée de ses habitants et rasée, le bâtiment est une oasis cernée de toutes parts par la masse de béton des buildings modernes.
Tous les lits pour les ex-prisonniers sont occupés
Près de 40 personnes y vivent: d’abord Kamil, sa femme Agnes et leurs cinq enfants. A leurs côtés, des travailleurs sociaux et criminologues salariés, des conseillers, du personnel de cuisine, des volontaires étrangers venus de Suisse, d’Allemagne, de Hollande et de Suède. L’originalité de la maison ? L’accueil d’ex-prisonniers: le dernier lit vient d’être occupé, 21 taulards sont actuellement placés là par les autorités pénitentiaires. Abed, 33 ans, est de ceux-là. Il vient de la ville voisine d’Akko, la mythique St-Jean d’Acre des croisés. Dans le bruit strident des perceuses, Abed émerge de la poussière soulevée par les ponceuses dans l’atelier dirigé par Peter t’Lam, un volontaire hollandais à la barbe poivre et sel. >, déplore le fondateur de la Maison de la Grâce.
Les Palestiniens existent enfin
Figure emblématique de la communauté arabe de Galilée, militant non-violent engagé dans de nombreuses activités pour la paix en compagnie de Palestiniens et d’activistes juifs, Kamil Shehade est une personnalité respectée par les Israéliens. Dans le passé, les autorités lui ont pourtant longtemps attribué des . N’a-t-il pas été arrêté à l’aéroport Ben Gourion, un jour de 1974, à son retour de New York. Il avait alors plaidé aux Nations Unies pour l’existence d’un Etat palestinien à côté de l’Etat d’Israël…
Dangereux pour les Juifs, qui le soupçonnaient de fomenter la révolution dans la communauté arabe d’Israël – Golda Meir n’avait-elle pas déclaré: >
Entre deux bouffées tirées d’un magnifique narguilé, Kamil parle d’une voix douce, mais déterminée. Il aligne les données, précises et documentées. L’homme sait de quoi il parle: sa famille vit depuis quatre générations à Haïfa, d’où vient sa mère. Son père est originaire de Shefar’am, une localité arabe israélienne à une vingtaine de km au nord-est de Haïfa. Avant la création de l’Etat d’Israël, Haïfa était majoritairement arabe, avec d’importantes communautés chrétiennes, qui ont été décimées. Ainsi l’Eglise melkite disposait de 5 églises desservies par 22 prêtres. >
Les Israéliens, affirme Kamil Shehade, ont toujours une bonne raison pour faire des différences, le du service militaire est imparable.
Ces cinq ou six dernières années, avant l’arrivée massive des immigrants russes, on trouvait à Haïfa de bons appartements à louer pour 200-250 dollars mensuels, alors que le salaire moyen est de quelque 1200 dollars. Ces mêmes loyers ont doublé avec l’arrivée des Juifs de Russie.
« Secnot », l’organisation qui s’occupe des nouveaux immigrés, n’a pas suffisamment de maisons à disposition, alors elle loue pour eux des appartements àà bon prix. Résultat: les propriétaires se débarrassent de leurs anciens locataires. Comme ils encaissent le loyer d’une année directement des pouvoirs publics, ils préfèrent ainsi loger les nouveaux arrivés: c’est garanti et cela rapporte plus! Les jeunes couples ne trouvent plus d’appartements abordables, ils cherchent alors à émigrer.
Pour une population qui dépasse le quart de million, le gouvernement a bâti pour l’ensemble des Arabes d’Haïfa quelque 80 appartements, en tout et pour tout !
L’espoir malgré tout…avec un autre gouvernement
Comment qualifier cette politique, questionne tout haut le fondateur de la Maison de la Grâce ?
Kamil Shehade, qui travaille en vue de l’an 2000 à un projet de avec le leader travailliste Shimon Peres, ne le cache pas: les travaillistes sous cet aspect ne se sont pas mieux comportés envers les Arabes que le Likoud et le reste de la droite. Historiquement, ce sont eux qui ont mené une politique de confiscation des propriétés arabes; la plupart des kibboutz ont été installés sur des terres prises aux Arabes sous le régime travailliste. Mais le militant palestinien israélien pense à l’avenir et réfléchit à voix haute à l’après-Netanyahou:
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