Polémique sur fond d’anti-judaïsme
Paris, 6 octobre 1998 (APIC) La » Bible des Communautés Chrétiennes » (BCC), retirée du marché en France en 1966, après que l’épiscopat français lui eut retiré son imprimatur, reparaît au Congo sous cette appellation, quelques jours après la sortie de sa version destinée à la France, rebaptisée « Bible des peuples ». Toutes deux paraissent avec le même imprimatur, celui des évêques du Congo (ex-Zaïre).
Lors de la sortie en France de la » Bible des peuples « , amputée des passages » anti-juifs « qui lui étaient reprochés, mais ignorant l’essentiel des critiques émises par l’épiscopat français, le cardinal Pierre Eyt (Bordeaux), président de la Commission doctrinale des évêques, avait taxé de « rouerie » le procédé de ses promoteurs. » Comment, demandait-il, une conférence épiscopale tout à fait méritoire […], et dans un pays qui compte de nombreux théologiens et exégètes que j’estime, a-t-elle pu donner un imprimatur sans savoir consulté l’épiscopat français qui s’était déjà prononcé sur cette Bible ? » Face à » dysfonctionnement très regrettable », il se promettait d’interpeller son confrère de Kinshasa, le cardinal Etsou.
Embarras congolais, perplexité pauliste
Au sein de l’Eglise du Congo, on se montre embarrassé. Joint par « La Croix » – qui n’a pu en revanche entrer en contact avec Mgr Ngabu, président de la conférence épiscopale, dont le diocèse de Goma est au coeur des troubles politico-ethniques -, le cardinal Etsou reconnaît avoir donné son accord à la publication au Zaïre de la BCC. » Elle est bien faite et nous n’avons pas les moyens d’importer des Bibles « , plaide-t-il, disant « ignorer totalement » que l’épiscopat français lui avait retiré l’imprimatur en 1995.
Egalement interrogé par « La Croix », Luigi Boffelli, supérieur des religieux de Saint-Paul (la première édition de la BCC a paru chez Médiaspaul), explique de son côté que les paulistes avaient sollicité l’imprimatur des évêques du Zaïre dès 1994, « avant que n’éclate la polémique française de 1995 ». « La BCC n’avait été publiée en France qu’avec l’imprimatur d’un seul évêque, dit-il. On nous avait conseillé, pour l’édition de la BCC en Afrique, de l’obtenir d’une conférence épiscopale. Mgr Ngabu, président de l’épiscopat zaïrois, nous l’a accordé en février 1995. C’est ensuite, avec les problèmes de la BCC en France, que nous avons suspendu son impression. »
L’édition « expurgée » a été relancé au début de cette année. « On est dépourvu de tout ici. On ne comprend pas cet acharnement en France », proteste L. Boffelli, qui défend sa Bible « populaire » (vendue en Afrique moins de 8 francs suisses). Et de s’insurger : » Il serait scandaleux d’affirmer que les évêques du Congo n’ont pas un souci théologique ou qu’ils se sont fait extorquer l’imprimatur. Les polémiques de la France ne doivent pas contrecarrer nos efforts et tant de sacrifices. «
Le religieux pauliste reconnaît lui aussi qu’il ignorait qu’une » Bible des peuples » devait être publiée en France avec l’imprimatur des évêques du Zaïre. Mais, observe-t-il, le copyright appartient aux frères Hurault, auteurs des deux versions de cette Bible. Lesquels affirment n’avoir jamais eu connaissance des réserves émises par l’épiscopat français dans une longue étude (150 pages) commandée à une commission d’exégètes
« Lobby biblique »
Lors de la présentation officielle de la » Bible des Peuples « , le 25 septembre, le PDG des éditions Fayard, Claude Durand, avait plaidé la liberté d’expression en faisant explicitement mention des « Versets sataniques » de Salman Rushdie. Ajoutant qu’il « ne prenait pas ses ordres au Vatican », il avait mis en cause un » lobby économique soucieux de garder le monopole de la Bible en France ».
Claude Durand remet le couvert dans un point de vue que le journal » Le Monde » publie à la une de son édition du 2 octobre. Sous le titre « Saintes Ecritures et calculs profanes », il dénonce un « déchaînement persistant » contre cette Bible, en mettant en cause les tenants d’un « quasi-monopole » sur le marché français de la Bible, « particulièrement chéri de ceux que le regretté André Frossard appelait les ’’mitres molles’’ « . L’éditeur se dit victime d’une « honteuse campagne » menée par un « lobby biblique », qui se traduirait selon lui par l’envoi anonyme de menaces contre Fayard..
Un lobby renforcé par des voix juives
Malgré la suppression des dix-neuf passages jugés « antijudaïques » par la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), l’antenne française du Centre Simon Wiesenthal a demandé au cardinal Cassidy, président de la Commission pontificale pour les relations avec le judaïsme, de condamner à nouveau la » Bible des peuples » pour signifier « l’esprit de réconciliation entre juifs et chrétiens, manifesté par Jean-Paul II ». La LICRA a par ailleurs démenti avoir donné son « aval » à la nouvelle version, comme l’a prétendu le PDG de Fayard.
La bible « pastorale » des abbés Hurault a déjà été vendue à 35 millions d’exemplaires, éditions francophones non comprises. Une édition chinoise est sous presse. Tirée à 30.000 exemplaires pour la France, la nouvelle version francophone est destinée à être diffusée principalement en Afrique. (apic/cip/cx/do/mp)
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