Le média «Religión Digital» termine une campagne de soutien au pape

Le média catholique espagnol Religion Digital va clore le 13 mars 2024 une campagne de soutien au pape François face aux attaques qu’il subit à l’intérieur de l’Eglise. Dans une interview au média allemand katholisch.de, le rédacteur en chef de Religion Digital, José Manuel Vidal, explique les raisons de cette démarche.

«Soutenir les réformes de François fait partie de notre ligne éditoriale», note José Manuel Vidal sur le site katholisch.de le 9 mars 2024. Il explique que le média espagnol en ligne a lancé en janvier sa campagne pour répondre aux critiques violentes provoquées par la publication, en décembre 2023, de la déclaration Fiducia supplicans. Le document autorise les bénédictions non liturgiques pour les couples irréguliers, notamment de même sexe.

«Selon nous, les critiques rigoristes du pape sont peu nombreux, mais ils font beaucoup de bruit, affirme José Manuel Vidal, et nous voulons y remédier». La démarche donne donc à tous les croyants – aussi bien les laïcs, que les prêtres et les évêques – «la possibilité de montrer à François qu’ils l’apprécient et qu’ils soutiennent ses réformes».

La pétition remise en mains propres au pape

Religion Digital a mis en place une adresse e-mail spéciale où l’on peut poster de brefs messages d’encouragement au pape ou tout simplement son nom pour une pétition de soutien. Plus de 7’100 participants du monde entier ce sont manifestés. L’idée est de remettre en personne au pape la pétition de soutien, ainsi que les messages, après le 13 mars, date anniversaire de son élection. José Manuel Vidal affirme avoir déjà reçu le feu vert du Vatican pour une rencontre personnelle avec le pontife, bien qu’une date exacte n’ait pas encore été fixée.

«Plusieurs évêques d’Amérique latine ont déjà participé, les évêques espagnols étant plus réticents», relève le journaliste. De nombreux ordres religieux et leurs membres participent à la démarche, en particulier les congrégations de religieuses. Certaines universités catholiques sont également parties prenantes, telle que l’Université pontificale de Salamanque. Des ONG et d’autres organisations à vocation sociale ont signé la pétition, ainsi que de nombreux théologiens, dont le Brésilien Leonardo Boff.

Vers un «schisme par tranches»?

José Manuel Vidal souligne que son média a décidé de lancer la campagne au regard de la nature particulière de l’opposition actuelle. «Les critiques à l’encontre du pape sont exprimées de manière très ouverte et polémique, cela a beaucoup changé par rapport au passé (…) Dans l’Église, il y a toujours des opinions et des sensibilités diverses, mais elles ne conduisent généralement pas à une rupture avec la communauté ecclésiale (…)». Pour le journaliste espagnol, les contempteurs actuels du pape François sont des partisans «d’une idéologie rigoriste» prête à «rompre l’unité de l’Eglise», car cette idéologie «ne comprend rien à la communion». Il estime toutefois que le schisme «n’est alors généralement qu’une menace en l’air»,  les ultraconservateurs cherchant surtout à »faire peur et à attirer l’attention». 

«Les opposants à François mènent des campagnes politiques pour déstabiliser les fidèles»

José Manuel Vidal

Pour le rédacteur en chef, «ces hommes d’Eglise n’aspirent pas à une rupture totale de la communion, mais seulement à un schisme ‘par tranches’». Cependant, «même si cela ne mène pas à une rupture officielle avec le pape François, cette démarche marque la fin du sentiment d’attachement à l’Eglise romaine et est de ce fait aussi significative qu’un schisme», affirme José Manuel Vidal. «Ce qui me bouleverse, c’est que ce sont des porteurs de pourpre qui polémiquent ainsi contre le pape, alors que la couleur de leur soutane est censée symboliser la volonté de défendre le pape et l’Eglise au prix de son propre sang si nécessaire».

Soutien de l’extrême droite

Citant notamment les cardinaux Gerhard Müller, Raymond Burke et Robert Sarah, le journaliste note qu’il n’y a encore jamais eu dans le passé de telles critiques de la part d’hommes d’Eglise aussi haut placés à l’encontre du pape. «Parallèlement, leur comportement virulent est soutenu par des mouvements politiques d’extrême droite dans le monde entier, par exemple aux Etats-Unis, mais aussi en Espagne et dans d’autres pays. Ainsi dotés d’argent et d’influence, ils mènent des campagnes politiques pour déstabiliser les fidèles, afin que toute réforme lancée par le pape François se heurte à une tempête de critiques». José Manuel Vidal mentionne notamment le «clan de Tolède», réputé pour son ultraconservatisme, dont des prêtres ont récemment publiquement souhaité la mort du pape François.

Les «progressistes» en minorité sur internet

Le rédacteur en chef de Religion Digital relève que les débats sur l’Eglise et la religion se déroulent actuellement en grande partie sur internet et dans les réseaux sociaux. Dans ces «bulles», les catholiques progressistes seraient en minorité et les «rigoristes» de plus en plus «implacables». Il indique que son site a dû désactiver sa fonction commentaire, confrontée à un trop grand nombre de messages violents.

«Avec notre campagne pour le pape François, nous voulons contribuer à ce que les voix modérées et progressistes soient à nouveau plus visibles dans les discussions sur le net – et ce grâce à un journalisme de qualité, note José Manuel Vidal». Car, selon lui, «les médias catholiques ultraconservateurs ne travaillent pas correctement, mélangeant constamment l’information et l’opinion.» (cath.ch/katholisch.de/arch/rz)

Raphaël Zbinden

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