En Uttar Pradesh, les chrétiens de plus en plus ciblés

Onze chrétiens, dont le prêtre catholique Dominic Pinto, ont été libérés sous caution le 12 mars 2024, après avoir été arrêtés le mois dernier dans l’État de l’Uttar Pradesh, au nord de l’Inde. L’affaire avait choqué les esprits, dans un contexte où  le sort des minorités religieuses se dégrade.

Les arrestations de chrétiens se multiplient en Inde. Ils sont régulièrement accusés de vouloir convertir des hindous et, en conséquence, de violer des lois qui criminalisent les conversions forcées dans certains États de l’Inde, rapporte Eglises d’Asie.

En février, le Père Dominic Pinto du diocèse de Lucknow, capitale de l’Uttar Pradesh, a été visé par une plainte d’un extrémiste hindou. Il a été accusé d’avoir organisé une réunion de prières qui aurait caché une cérémonie de conversions. « Il n’y a pas un iota de vérité dans cette allégation », a dénoncé le Père Donald D’Souza, porte-parole du diocèse de Lucknow.

Le sort des minorités religieuses se dégrade en particulier dans l’Uttar Pradesh. Cet État, le plus peuplé du pays, est dirigé par un moine hindou fondamentaliste qui n’a jamais caché son aversion pour les minorités religieuses.

Les évêques catholiques sont inquiets

Deux jours après l’arrestation du prêtre Dominic Pinto, la Conférence des évêques catholiques d’Inde (CBCI), basée à Delhi, a tiré la sonnette d’alarme. «Les attitudes poussant à la division, les discours de haine et les mouvements fondamentalistes sont en train d’éroder l’esprit laïc et pluriel qui a toujours caractérisé notre pays et notre Constitution. Les droits fondamentaux et les droits des minorités qui sont garantis par la Constitution ne devraient jamais être ébranlés», a souligné la CBCI.

L’Inde au 11e rang des pays les plus dangereux pour les chrétiens

Depuis l’arrivée au pouvoir en 2014 du Premier ministre Narendra Modi sous les couleurs du nationalisme hindou, la situation des chrétiens, catholiques, protestants, évangéliques ou pentecôtistes, se détériore constamment. Cette minorité représente 2,3% de la population indienne, formant la troisième religion du pays derrière les musulmans (14,2%) et les hindous (79,8%).

En janvier, l’organisation internationale Portes Ouvertes a positionné l’Inde au 11e rang des pays les plus dangereux pour les chrétiens. L’organisation a mis l’accent sur le fait que les États de l’Inde mettent en œuvre des lois anti-conversion draconiennes, «créant un environnement dans lequel n’importe quel chrétien qui partage sa foi peut être accusé de crime, menacé, harcelé ou même être l’objet d’actes de violence».

Adoptées par 11 des 28 États de l’Union indienne, les lois criminalisant les conversions forcées sont souvent utilisées pour cibler et menacer les chrétiens. Elles stipulent que tout changement de religion de la part d’un individu doit être signalé aux autorités locales dans les 30 jours précédant la cérémonie de conversion. Les personnes concernées doivent également prouver qu’elles n’ont pas été forcées ni manipulées dans leur choix.

Sous la pression des nationalistes hindous au pouvoir, les actes ciblant les chrétiens ont fortement augmenté en Uttar Pradesh où opèrent notamment des milices nationalistes hindoues, avec la complicité de la police. Cet État, le plus peuplé de l’Inde avec 230 millions d’habitants, a adopté la loi anti-conversion en 2021, en vertu de laquelle des dizaines de chrétiens sont arrêtés et envoyés en prison. L’Uttar Pradesh est également le terreau de théories conspirationnistes comme celle du «love djihad» qui accuse des hommes musulmans d’épouser des femmes hindoues afin de les convertir.

Des centaines d’incidents anti-chrétiens

Basée à Delhi, l’association United Christian Forum for Human Rights (UCF), qui répertorie les actes de violence commis à l’encontre de la minorité chrétienne, a comptabilisé 687 incidents sur 334 jours de l’année 2023, dont 287 perpétrés en Uttar Pradesh.

Si le nord de l’Inde est le théâtre principal de ces violences, le Chhattisgarh, au centre, est une autre région où les violences contre les chrétiens connaissent un essor préoccupant depuis 2022.

Enfin, depuis l’an dernier, l’État de Manipur, dans l’extrême nord-est de l’Inde, est en proie à un conflit interethnique d’une rare violence, qui oppose principalement la majorité hindoue de la tribu Meitei à la minorité chrétienne des Kuki. En quelques mois, 175 personnes ont été tuées et 386 sites religieux attaqués. (cath.ch/eda/mp)

Maurice Page

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