France: Rome nomme un visiteur canonique dans le diocèse de Gap
Gap 22octobre 1998 (APIC) Face à la contestation grandissante de ses choix pastoraux jugés traditionalistes, Mgr Georges Lagrange, évêque de Gap, dans les Hautes-Alpes, a fait appel à Rome. La Congrégation pour les évêques a désigné Mgr Bernard Panafieu, archevêque de Marseille, pour conduire une visite canonique du 18 au 20 novembre, puis du 14 au 16 décembre. Une procédure exceptionnelle, puisque le dernier cas est intervenu avant la première guerre mondiale, explique le Père Olivier de la Brosse, porte-parole de la Conférence des évêques de France.
Le nœud de l’affaire tourne autour de l’accueil et de la présence dans le diocèse de prêtres issues de communautés traditionalistes ayant refusé de suivre Mgr Lefebvre dans le schisme d’Ecône. Plusieurs d’entre eux y ont développé une activité pastorale que leurs confrères et de nombreux laïcs jugent peu en accord avec l’esprit du Concile Vatican II.
Sans vouloir se prononcer sur le fond de l’affaire le Père de la Brosse souligne l’humilité de l’évêque de Gap qui accepte par avance les remarques qu’on lui fera et de remettre sa démission le cas échéant. Mgr Bernard Lagrange, âgé de 69 ans est évêque de Gap depuis 10 ans.
La procédure la plus courante, en cas de tensions, entre l’évêque et les prêtres et laïcs, est la création d’une commission de conciliation, sorte de comité de discussion, rappelle le Père de la Brosse. « La venue d’un visiteur apostolique nommé par Rome représente un cran judiciaire au dessus car il accomplit un travail de médiateur en étant en position de supériorité, avec le pouvoir de suggérer à Rome des solutions » précise-t-il.
Comment réagissent les évêques de France ? Sont-ils mal à l’aise ? « Certainement pas car cela ne risque guère de leur arriver. Par delà les réserves que certains d’entre eux peuvent avoir vis à vis de leur collègue, ils le plaignent, et admirent la modestie de sa position. Il a en effet déclaré qu’il n’avait pas demandé à être évêque et qu’il attendait de cette visite canonique qu’elle l’éclaire sur sa mission d’évêque ».
Une conception trop cléricale de l’Eglise ?
N’est-il pas étonnant que Mgr Lagrange, ancien aumônier de divers mouvements d’Action catholique, ait fait appel dans le diocèse de Gap à des forces traditionalistes comme la communauté des Chanoines réguliers de la Mère de Dieu ? Pourquoi a-t-il nommé curé de Tallard l’abbé Jacques Pascal Bosi ?. A 35 ans, ce dernier, affiche la soutane et des convictions passéistes qui focalisent les divisions. Le père Maurice Martinon, curé de Briançon, évoque de son côté un malaise dû à « la conception trop cléricale que l’évêque se fait de l’Eglise ».
Le Père de la Brosse admet cette contradiction apparente. Pour l’expliquer, il suggère la comparaison avec le marin qui, à bord de son voilier, décide de ne jamais utiliser le moteur d’appoint. Tôt ou tard, l’absence totale de vent l’oblige pourtant à y recourir. En somme, face à la raréfaction des vocations proches de l’Action catholique, Mgr Lagrange n’aurait eu d’autre choix que de se tourner vers le bord opposé… Ou comme l’estime Eliane Orcière, responsable de CMR (Chrétiens en monde rural) « au lieu de stimuler le clergé et les laïcs engagés – certes peu nombreux – il a, par crainte du vide, accueilli et ordonnéé un peu n’importe qui. »
Interrogé par « La Croix » , Mgr Lagrange se défend en expliquant qu’il a voulu simplement appliquer le motu proprio « Ecclesia Dei » visant à la réintégration des traditionalistes qui avaient refusé de suivre Mgr Lefebvre dans le schisme. En outre, ajoute-t-il, cela ne représente que peu de monde dans le diocèse.
La visite de Mgr Panafieu devrait être un électrochoc pour sortir de l’impasse. Pour permettre surtout de savoir si la conception de la pastorale de Mgr Lagrange correspond à ce que les fidèles peuvent attendre de leur évêque et de retrouver le cas échéant la confiance perdue. (apic/jcn/cx/mp)
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