Lausanne: l’Espace Maurice Zundel, havre pour les «chercheurs de sens»

L’Espace Maurice Zundel, à deux pas de la gare de Lausanne, sera inauguré les 20 et 21 avril 2024. Ce lieu à vocation œcuménique propose à la population urbaine un service d’accueil, d’écoute et de recueillement, dans l’esprit du prêtre et théologien suisse Maurice Zundel (1897-1975).

L’Espace Maurice Zundel se dresse comme un vaisseau de verre sur le Boulevard de Grancy, au cœur de Lausanne. Le bâtiment comprend, sur deux étages, des salles dédiées aux diverses activités proposées. Outre un espace de rencontres au rez-de-chaussée, le lieu, créé par la paroisse catholique du Sacré-Cœur, abrite au sous-sol une chapelle, des salles pour la méditation, les conférences, ou encore une bibliothèque. A vocation œcuménique, le nouvel espace accueille aussi bien des offices catholiques, que protestants et orthodoxes.

cath.ch y a rencontré l’abbé Marc Donzé, président de la Fondation Maurice Zundel.

Dans quel but l’Espace Maurice Zundel a-t-il été créé?
Marc Donzé: Le lieu invite toute personne, habitant de Lausanne, voyageur, passant, ou pendulaire, à venir se poser, méditer, prier, converser, simplement prendre du temps, pour sortir un peu de l’agitation de la grande ville et se recentrer. C’est aussi un lieu de partage et de dialogue, ainsi qu’un endroit pour connaître ou approfondir la pensée de Maurice Zundel.

Qu’est-ce que le visiteur peut concrètement y trouver?
Il y a une permanence d’accueil. Une vingtaine de bénévoles s’enquièrent des attentes des personnes qui arrivent, peut-être juste pour être au calme, pour participer à une célébration, ou alors engager une conversation. Ces bénévoles ont reçu une formation à l’écoute ainsi qu’à la spiritualité de Maurice Zundel.

Pourquoi avoir fait l’Espace à cet endroit-là?
Il y avait déjà à cet endroit une chapelle et des salles appartenant à la paroisse du Sacré-Cœur. Le complexe était à rénover et plusieurs options ont été envisagées. Nous avons d’abord pensé à un centre paroissial bis. Mais cela n’avait pas vraiment de sens, parce qu’il y en avait déjà un qui disposait de tout ce qu’il fallait.

«L’Espace est tout à fait dans l’esprit de Maurice Zundel»

Alors – puisque nous sommes à deux pas de la gare et d’une station de métro –, pourquoi ne pas créer un espace comme il en existe dans certaines villes, pour héberger des manifestations culturelles ouverte à toute la population, en particulier aux personnes en recherche de sens? Un lieu qui ne mette pas spécialement en avant les aspects religieux. L’exemple qui m’inspire le plus dans le domaine est celui de l’Espace St-Louis d’Antin, à côté de la gare St-Lazare, à Paris.

L’Epace Maurice Zundel propose une salle de méditation | © Raphaël Zbinden

Quel est le lien entre ce prêtre du 20e siècle et le nouveau bâtiment?
Nous avons nommé le lieu selon Maurice Zundel pour plusieurs raisons. Il est attaché à l’endroit dans le sens où il a passé les 30 dernières années de sa vie dans la paroisse du Sacré-Cœur. Après un certain temps d’oubli relatif, la paroisse a constaté qu’il était de plus en plus connu, cité, apprécié, et la communauté a voulu le mettre encore davantage en lumière.

Le lieu est donc sous son patronage…
Je pense que l’Espace est tout à fait dans l’esprit de Maurice Zundel. Il y a en particulier cette volonté de privilégier la personne humaine. Beaucoup ont voulu appeler cela une «église urbaine», mais ce n’était pas très approprié, parce que ce terme signifie tout un tas de choses vers lesquelles nous ne voulions pas forcément aller. Le terme «espace» nous a paru plus adéquat. Cela évoque davantage l’ouverture et l’accueil, avec une notion de liberté.

L’esprit de Maurice Zundel inspire toute la structure.
Certainement. Déjà dans l’architecture du bâtiment, il y a cette idée d’être accueilli en haut, et d’être ensuite invité à descendre dans son intériorité, ce qui peut se manifester physiquement, en se déplaçant au niveau inférieur où se trouve la chapelle. La phrase la plus citée de Maurice Zundel était celle de saint Augustin disant: «Je te cherchais dehors, et tu étais dedans».

Maurice Zundel, né le 21 janvier 1897 à Neuchâtel et mort le 10 août 1975 à Ouchy (Lausanne), a été un prêtre et théologien atypique, souvent incompris et mis à l’écart par sa hiérarchie. Son œuvre volumineuse a toutefois eu un grand rayonnement. Sa cause en béatification a été lancée par la Fondation Maurice Zundel en 2023. Le procès a été accepté par l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), Mgr Charles Morerod. RZ

Comment cette architecture particulière a-t-elle été pensée?
Ce concept a été discuté avec la commission de construction, qui s’est montrée très ouverte à nos idées et avec laquelle nous avons très bien collaboré. La commission voulait faire une chapelle assez classique, mais nous avons opté pour quelque chose de plus «zundelien», c’est-à-dire de plus sobre. Nous avons donné la conception des meubles dans la chapelle à deux étudiants de l’Ecole cantonal d’art de Lausanne (ECAL). L’idée était de faire appel au talent et au travail des jeunes, une démarche également dans l’esprit de Maurice Zundel, qui était très attentif à la jeunesse.

L’Espace est ouvert depuis quelque temps. Quelles sont vos premières constatations?
Nous avons déjà eu des temps de célébrations, des méditations du matin, divers types de rencontres, pour l’instant surtout des groupes catholiques. La fréquentation diffère beaucoup selon les jours. Mais il me semble que les gens commencent à s’intéresser au lieu. Il faudra sans doute du temps pour qu’il soit connu dans sa spécificité.

Ne craignez-vous pas qu’une trop grande ouverture ne mène à une «dilution » des valeurs chrétiennes?
Je pense effectivement que ce risque existe dans certaines «églises urbaines», où la ligne est parfois perdue. Il faut éviter d’arriver à une forme de syncrétisme qui n’aurait plus de sens. Nous proposons des méditations zen, mais nous n’hébergerions probablement pas une cérémonie bouddhiste.

L’abbé Marc Donzé devant le rez-de-chaussée de l’Espace Maurice Zundel | © Raphaël Zbinden

Nous avons une équipe pastorale, dirigée par le jésuite Luc Ruedin, qui est chargée de discerner sur le programme, les activités à proposer, les groupes à acueillir, … Je pense que cela assurera une cohérence. Mais même si nous ne sommes pas d’accord avec tout ce qui nous serait présenté, nous sommes toujours ouverts au dialogue et à l’échange.

Certains catholiques sont critiques face à cette intégration de l’Église dans le «monde»…
Il y a un double aspect dans notre démarche. Il s’agit à la fois d’accueillir les personnes comme elles viennent, avec leur questionnement, leur chemin de vie, leurs doutes… Mais, dans le même temps, nous avons à cœur de partager nos trésors, notre foi en la résurrection. Si l’on parle d’évangélisation, elle prendrait plutôt la forme de celle de Charles de Foucauld. Quand il habitait parmi les Touaregs, il ne tentait pas de les convertir, mais il «faisait route» avec eux, en profondeur. Le but est d’accueillir et de «creuser» «avec» les personnes et non pas «pour» elles.

Donc éviter le «prosélytisme», sans se cacher d’être chrétien…
Il y a certainement un équilibre subtil à trouver entre ces deux pôles. Le document Gaudium et spes, de Vatican II, peut certainement nous inspirer en ce sens. Il estime que le monde peut apporter quelque chose à l’Église. J’aime beaucoup l’expression de Paul VI selon laquelle «l’Église se fait conversation». Il faut installer un vrai dialogue. Il y a une manière de dialoguer où l’on écoute gentiment, pour dire après: «La vérité est là». Or, il est important que l’on évite cela, que l’on ne se mette pas «au-dessus», mais dans une position d’égalité.

Nous voulons accueillir ce que les gens peuvent nous transmettre comme richesses, parce qu’il y a des cheminements d’une noblesse remarquable, dans la pensée ou la générosité. Il faut partir avec l’idée que l’on peut toujours apprendre quelque chose de l’autre.

Concrètement, il s’agit aussi pour les bénévoles de trouver cet équilibre entre présence et discrétion. Si une personne vient pour prier, il ne faut peut-être pas lui poser trop de questions. Mais comme pour toute chose qui débute, nous sommes dans une phase d’apprentissage. (cath.ch/rz)

L’inauguration officielle de l’Espace Maurice Zundel, au Bvd de Grancy 19, à Lausanne, se déroulera les 20 et 21 avril 2024. Le lieu accueillera la messe radio du dimanche 21 avril, à 9h sur RTS-Espace 2.

L’Espace Maurice Zundel abrite les écrits du théologien ainsi que de nombreux documents le concernant, à disposition des chercheurs. Ses archives, comprenant du matériel papier mais aussi audio, ont récemment été transférées du séminaire diocésain de Givisiez (FR) à Lausanne. Elles y seront traitées et triées dans un but de conservation à long terme. RZ

Raphaël Zbinden

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