APIC – Reportage
Un autre visage de la mission aujourd’hui
Par Alain Bader, de l’Agence APIC
Fribourg, 9 septembre 1998 (APIC) Un nombre croissant de jeunes souhaitent aller à la rencontre d’un « Autre Monde », pas n’importe lequel, celui appelé tiers monde. Depuis sa création à Fribourg, en novembre 1991, Voyage/Partage a exaucé les vœux de 145 bénévoles, âgés de 20 à 30 ans. Mais la demande est grande: 216 personnes sont restées sur leur faim. Dans une société où le repli nationaliste et xénophobe menace, il est urgent de créer des liens. Les jeunes qui ont vécu une expérience forte de découverte et de partage ne posent plus le même regard sur les situations et les événements.
Créé par le Groupe Interinstituts d’Animation Missionnaire en Suisse romande (GIAM), Voyage/Partage est basé à Fribourg et rayonne dans 45 pays sur les 5 continents. Accompagnant les bénévoles pour des séjours de courtes durées, il n’entre pas en concurrence avec d’autre organismes qui engagent pour plusieurs années. Néanmoins, les diverses organisations travaillent en étroite collaboration.
Beaucoup de jeunes hésitent à s’engager pour une longue période. Ils préfèrent d’abord « voir » pendant quelques mois pour évaluer leur capacité d’adaptation. Ils peuvent aussi juger si cela correspond à une vocation profonde. Les jeunes, par exemple, qui ont terminé leurs études secondaires n’ont pas de qualifications précises. Cependant, ils peuvent déjà enseigner des langues étrangères, les mathématiques, donner des coups de main à leurs hôtes pour réviser leurs connaissances en vue du baccalauréat ou d’autres examens. Toutefois, la plupart des bénévoles ont une profession soit dans les soins infirmiers, l’enseignement, le commerce, l’agriculture, les métiers du bâtiment…
Donner aux jeunes l’envie de s’engager
Les organismes qui s’occupent habituellement des programmes d’échange et de coopération avec les pays du sud demandent des personnes avec de l’expérience professionnelle pour un engagement d’au moins deux ans. D’autre part, les permanents engagés par ces organisations qui travaillent sur le terrain voient souvent les jeunes en courts séjours comme des charges improductives. Cette vision des choses peut se défendre, mais la question peut-être posée en terme d’échange: qu’est-ce que les jeunes Eglises peuvent apporter tout en permettant à un jeune d’élargir ses horizons?
Malgré de nombreux efforts, l’Eglise d’Europe est encore en position de réelle pauvreté face à cette demande. Pourtant, les jeunes découvrent sur le terrain la réalité de la mission, au-delà des stéréotypes simplistes qui ont cours dans leur pays. Cette réalité leur donne souvent l’envie de s’engager, que ce soit dans les structures d’Eglise ou dans des groupes rattachés à des organisations non gouvernementales (ONG). C’est là une nouvelle voie pour l’appel à la mission et peut-être à l’éveil de nouvelles vocations.
Les enjeux de Voyage/Partage sont importants: le phénomène est nouveau. Les jeunes d’aujourd’hui adressent une demande précise à l’Eglise pour qu’elle les aide. Cette demande surprend et dérange, car elle sort des schémas habituels. Mais elle est concrète. L’offre ne peut pas toujours répondre à la demande – grande en cette période où les postes de travail se raréfient – mais les personnes qui œuvrent au sein des jeunes Eglises s’efforcent d’y remédier.
Une démarche initiatique
Voyage/Partage renseigne, suggère, écoute celles et ceux qui veulent partir, aide à cheminer et à préciser une démarche. La mission dépassée? Sûrement pas! Mais aujourd’hui, elle a pour nom solidarité et aide humanitaire. « C’est une démarche initiatique en quelque sorte. Voyage/Partage n’est pas une agence de voyage. C’est souvent la première fois que le jeune quitte sa famille. Il doit s’investir personnellement. Par exemple, dès le début de son projet, il doit aussi rechercher de son côté un lieu pour son séjour », précise Daniel Levasseur, un des cinq coordinateurs de Voyage/Partage.
La préparation est sérieuse. Le demandeur doit présenter une motivation solide et patienter un minimum de 6 mois avant de concrétiser son projet. Temps de réflexion, mais aussi week-end de formation, entretiens avec les coordinateurs et apprentissage des rudiments de la langue du lieu d’ »atterrissage ». Les dossiers se bousculent et les places d’accueil ne sont pas faciles à trouver. Toutes les situations ne se prêtent pas aux demandes. Les jeunes doivent évoluer sur le terrain avec un minimum de sécurité. Souvent ils logent chez les missionnaires catholiques déjà en place depuis un certain temps.
Aucune hiérarchie chez Voyage/Partage. Deux fois par an une « assemblée générale » se réunit, sans caissier, sans président…et ça marche! Ceux qui sont de retour racontent leur voyage, leurs rencontres, disent ce qu’ils ont en retiré. Ceux qui vont partir disent leurs attentes, leurs espoirs…Il y a échange, partage de renseignements, de trucs et de tuyaux, le vrai bazar aux idées…
Effectivement, après le retour au pays, la réflexion se poursuit. Outre de s’être engagé dans la construction d’une société plus juste en solidarité avec les pauvres et les opprimés, d’autres souvenirs d’apparence futiles demeurent. Comme resurgit celui de Daniel Levasseur lors de son séjour au Zaïre entre 1983 et 1984: « Là-bas, les gens prennent le temps de vivre et surtout les relations humaines passent avant tout ». Ne pas oublier un détail qui a son importance: les frais du voyage sont à la charge du bénévole. (apic/ab)
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