Inde: le pape met à nouveau en garde contre un risque de «schisme»

Le pape François a une nouvelle fois mis en garde l’Église syro-malabare contre le risque d’un «schisme». Il accueillait une délégation de cette communauté indienne, le 13 mai 2024, au Vatican.

Devant le groupe syro-malabar, le pape a salué la «fidélité» à Rome de ce cette Eglise, qui compte 5,5 millions de fidèles –en majorité au Kerala, en Inde – et dont l’antique fondation remonterait à l’apôtre Thomas. «Vous êtes obéissants, et là où il y a obéissance, il y a l’Église; là où il y a la désobéissance, il y a le schisme», a déclaré le pontife. «En dehors de Pierre, en dehors de l’archevêque majeur, il n’y a pas d’Église», a-t-il insisté.

Le 266e pape a évoqué ouvertement le conflit liturgique impliquant 400 prêtres d’Ernakulam-Angamaly – diocèse le plus important de cette Église –, qui refusent de se plier à une réforme liturgique votée par leur Synode en 1999. Dans un contexte de contestations violentes, Rome a envoyé sur place plusieurs administrateurs et délégués apostoliques, sans succès.

Un détail au détriment du bien commun

En décembre dernier, avec la démission du cardinal George Alencherry – qui était à la tête de cette Église depuis 2011 –, le pape François a fait parvenir de façon inédite une vidéo où il formulait aux pasteurs dissidents une menace d’excommunication au 25 décembre si la nouvelle messe «unifiée» – qui se réalise en partie dos aux fidèles – n’était pas appliquée. «Rétablissez la communion, restez dans l’Église catholique!», suppliait le pontife, les mettant en garde contre le risque de devenir «une secte».

Ce matin, il les a avertis à nouveau «de la dangereuse tentation de vouloir se concentrer sur un détail, auquel on ne veut pas renoncer, au détriment du bien commun de l’Église (…) Manquer gravement de respect au Saint Sacrement […] en discutant des détails de la célébration de cette Eucharistie […] est incompatible avec la foi chrétienne.» Bien que la liturgie ait été respectée dans tout le diocèse le jour de Noël, de fortes tensions subsistent, tandis qu’une partie des fidèles continue à exprimer son opposition. Au Vatican, certaines voix assuraient fin 2023 que le spectre de l’excommunication était «très réel».

L’appel du pape aux réfractaires

Lors de l’audience, le pape a vu dans cette crise «la dérive de l’auto-référence», qu’il a traduite par une expression espagnole: «Je, moi, le mien, avec moi, pour moi, tout pour moi (…) Et c’est ici que le diable, […] le diviseur, s’insinue (…) défendre l’unité n’est pas une pieuse exhortation mais un devoir». Et de glisser: «Ça l’est surtout quand il s’agit de prêtres qui ont promis obéissance».

Se tournant vers le nouveau chef de cette Église, l’archevêque majeur Raphael Thattil, élu le 9 janvier dernier, le pontife argentin l’a exhorté à garder «la porte ouverte et le cœur ouvert» aux réfractaires qui reviendraient une fois «repentis». «Nous les attendons», a affirmé le pape. «Prions inlassablement pour que nos frères, tentés par la mondanité qui conduit au raidissement et à la division, réalisent qu’ils font partie d’une famille plus grande, qui les aime et les attend», a-t-il ajouté.

Répondre au mal par le bien

Le pape a aussi confié avoir donné à l’archevêque majeur, qu’il a rencontré en privé avant l’audience, la juridiction sur les fidèles de l’Église syro-malabare ayant émigré au Moyen-Orient. Nombre d’entre eux travaillent notamment dans le Golfe arabo-persique.

Dans son discours, François a également souligné le «patrimoine unique» de cette Église particulière, se réjouissant que l’État du Kerala soit «une mine de vocations». «Je suis proche de vous par la prière et je vous porte dans mon cœur tous les jours», a-t-il assuré. Il a invité à ne pas se laisser submerger par «un sentiment d’impuissance face aux problèmes» ni s’enfermer dans des «préjugés», mais à «répondre au mal par le bien».

Un conflit enlisé depuis des décennies

La longue histoire de l’Église syro-malabare, dont la fondation remonterait à l’apôtre Thomas, est liée à celle de l’Église chaldéenne, majoritairement présente en Irak aujourd’hui. Comme cette dernière, elle a subi des influences nestoriennes, avant de vivre une latinisation de son rite à partir de 1599, pour se rapprocher de Rome.

Dans les années 1970, à la suite du Concile Vatican II, qui demande aux Églises orientales de retourner à leurs antiques traditions pour être un pont vers les orthodoxes, les 35 diocèses de l’Église syro-malabare sont invitées à supprimer leur latinisation et à revenir au rite chaldéen. Mais si la province du sud, plus traditionaliste – donc plus chaldéenne – retrouve la tradition forte des origines, celle du nord, plus latinisée, résiste. Cette dernière préfère suivre l’Église latine qui instaure la messe face aux fidèles, alors que le sud, encouragé par Vatican II, célèbre dos aux fidèles, selon le rite chaldéen.

En 1999, le Synode syro-malabar – assemblée de cette Église autonome – parvient à s’accorder sur un compromis liturgique, où une partie de la célébration se fait face à l’assemblée et une autre dos à l’assemblée. Mais l’éparchie – équivalent d’un diocèse – d’Ernakulam-Angamly, marquée d’une grande vitalité et comptant 655’000 fidèles, continue la résistance. Or, de tradition, le chef de ce diocèse du nord est aussi le chef de cette Église, qui compte 5,5 millions de membres. Ce qui donne d’autant plus de poids à la dissension, vue par les experts comme un rejet de l’autorité de Rome. (cath.ch/imedia/ak/rz)

I.MEDIA

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/inde-le-pape-met-a-nouveau-en-garde-contre-un-risque-de-schisme/