APIC – Reportage

Suisse: 8e Congrès «Al-Anon» des groupes familiaux A.A. de Suisse romande et italienne

L’alcoolisme, un mal familial

Alain Bader, Agence APIC

Charmey, 28 septembre 1998 (APIC) L’alcoolisme en Suisse représente annuellement trois milliards de coûts sociaux. L’argent est moindre, compte tenu des problèmes sociaux que l’alcool génère. Fléau des familles, il cause des dégâts souvent irréparables: disputes, enfants battus, divorces, salaires gaspillés, accidents mortels,… Le Centre Réformé de Charmey, dans le canton de Fribourg, accueillait ce week-end le 8e Congrès des groupes familiaux «Al-Anon» et «Alateen». Deux mouvements issus de l’Association «Alcooliques Anonymes» (A.A.), forte de 2,2 millions de membres dans le monde. Leur but: aider les enfants et les conjoints affectés par l’alcoolisme d’un membre de leur famille ou d’un ami intime.

Le bois sied à merveille à la construction des maisons dans les Préalpes. Il accentue la chaleur que dégagent les fraternités réunies en congrès au Centre Réformé. Perchée sur la rive gauche de la vallée du Javro, en aval de la Chartreuse de la Valsainte, la Maison de la jeunesse et de l’Eglise réformée du canton de Fribourg, à Charmey, est un havre de paix en Gruyère.

«Mon père est mort de l’alcool et mon conjoint suit le même chemin. Ma mère a été la plus perturbée; elle voulait tout dominer, tout prendre en main. Les rôles étaient inversés, alors j’ai ressenti que je vivais dans une famille qui n’existait plus. En fréquentant les «Al-Anon», j’ai appris le détachement émotif: à aimer mon époux alcoolique en me détachant de son problème», constate Micheline, grand-maman pétillante de vie.

Elle croit au programme spirituel proposé et à une puissance supérieure qui lui procure la force de l’appliquer. Pourtant elle se dit athée et arrive de Belgique pour partager une foi commune. Sous leur apparence «BCBG», chaque personne concernée par la maladie de l’alcool en a été imprégnée de façon différente, certes, mais rarement sans souffrances. Les conséquences aussi sont différentes: le mouvement A.A. propose trois groupes de thérapie.

La foi en une puissance supérieure telle que chacun la conçoit

Au mur de la salle qui accueille la séance d’information publique du Groupe «Al-Anon» de Fribourg, organisateur de la rencontre, François d’Assise, humble dans son cadre, domine la quarantaine de participants: malades de l’alcool, co-dépendants ou simplement intéressés. Albert, pionnier masculin d’un groupe «Al-Anon», résume le programme spirituel proposé: «L’étude des 12 étapes du programme nous aide à affronter et à résoudre les problèmes liés à l’alcoolisme. Nous apprenons à leur faire face de manières constructive, afin d’être capables de les régler graduellement. Prises dans un sens large, elles constituent une philosophie spirituelle reflétant divers aspects de religions et de philosophies répandues dans le monde».

Tandis que les badges, représentant un oiseau en vol, des membres «Al-Anon» sont bleus, ceux de la fraternité mère «Alcooliques Anonymes» sont rouges. La chapelle, seul endroit fumeur avec la cafetaria, affiche son œcuménisme dans ses décorations. Les membres A.A. y tiennent une séance fermée dont le thème est: «Lâcher prise». La seule condition requise pour être membre des A.A. est un désir d’arrêter de boire. Son but primordial: que les A:A restent sobres et aident d’autres alcooliques à parvenir à la sobriété. Les trois groupes ne se retrouvent ensemble que dans les séances ouvertes. Ils sont unis par la foi en une puissance supérieure telle que chacun la conçoit.

L’alcoolisme est un mal familial

Accompagnées de «mouettes rieuses jaunes», les personnes qui ont choisi la séance ouverte des «Alateen» s’élèvent jusqu’au «Pigeonnier», pièce faîtière du Centre et du Congrès. Assis au milieu de la salle, les enfants sont le cœur, le noyau central, de la famille A.A. «Il m’arrive de vouloir me venger de l’alcoolique pour tout ce qu’il m’a fait; jusqu’à ce que je me rende compte qu’en vérité, je ne fais que de me punir. J’essaie de comprendre l’alcoolique au lieu de le condamner. Le programme «Alateen» m’aide à garder mon attention là où elle doit être: sur mon propre épanouissement», confie la modératrice des débats, Fabienne, souriante adolescente âgée de 16 ans.

«Alateen» regroupe des jeunes, enfants et adolescents, qui s’entraident en partageant leur expérience, leur force et leur espoir. Ils croyent que l’alcoolisme est un mal familial parce qu’il affecte, sur le plan émotif, et trop souvent physique, tous les membres de la famille. «Nous ne discutons pas de religion et ne nous impliquons dans aucune organisation extérieure. L’unique sujet de nos discussions est la solution de nos problèmes», précise Pietro, membre «Al-Anon» et guide dans un groupe «Alateen».

Les guides sont des «oreilles ouvertes sur le cœur des enfants». Ils les préparent à oser dire le mal être vécu en s’ouvrant à l’autre. «Je fais confiance aux adultes des groupes A.A. car je sais qu’ils ne me jugeront pas et ne me critiqueront pas. Garder mon anonymat me procure un sentiment de bien-être et m’aide à rester humble», avoue Stéphanie, 12 ans. Christophe, 8 ans, les yeux brillants derrière ses lunettes rondes, ne manque ni de philosophie, ni de franchise: «Parler de mes problèmes m’aide à me sentir mieux. Dans «Alateen», je prends ce qui peut me servir et pour le reste je «laisse béton». Ca me fait beaucoup de bien». Un point c’est tout.

Ultime partage: «La Prière de la sérénité»

L’après-midi dominical touche à sa fin; le 8e Congrès des groupes «Al-Anon» et «Alateen» de Suisse latine aussi. Les «Alcooliques Anonymes» partagent avec eux l’ultime séance. Elle est consacrée à la prière commune aux trois confréries. Elle résume à merveille l’ambiance qui a régné durant tout ce week-end en Gruyère. Elle clôt traditionnellement les séances de groupe.

Debout, réunis main dans la main, quelques curieux se joignent à la centaine de participants de tous âges, touchés par la maladie de l’alcool. Ils la récitent d’un même cœur: «Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse d’en connaître la différence».

Dehors, le soleil darde la Dent de Broc de ses derniers rayons. Son sommet coiffe sa précoce tenue automnale d’un nuageux bonnet gris. A ses pieds, humble rivière, la Jogne coule vers de lointains horizons avec sérénité. Un slogan A.A., lu quelque part inonde l’esprit: «Hier est déjà oublié, demain n’est pas encore là, le présent est magnifique». (apic/ab)

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