Homélie du 18 août 2024 (Jn 6, 51-58)

Chanoine François Lamon – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Frères et sœurs,
De quoi avons-nous le plus faim ? De pain ou de bonheur ? De quoi avons-nous le plus soif ? De vin ou de vie éternelle ?
L’évangile que nous venons d’entendre est la dernière partie et le point culminant du discours de Jésus sur le Pain de Vie.
La veille Jésus avait donné à manger à des milliers de personnes avec cinq pains et deux poissons. Jésus révèle le sens de ce miracle, il révèle que le temps des promesses est accompli : Dieu le Père, qui avait rassasié les Israélites dans le désert avec la manne, l’a envoyé, lui son Fils, vrai Pain de vie, et ce pain est sa chair, sa vie offerte en sacrifice pour nous.

Il s’agit donc de l’accueillir avec foi, sans se scandaliser de son humanité ; il s’agit de « manger sa chair et de boire son sang » (Jn 6,54) pour avoir en soi la plénitude de la vie. Il est évident que Jésus n’est pas en train de faire de la démagogie pour obtenir un consensus. Jésus le sait et il prononce intentionnellement ce long discours entendu depuis quatre dimanches. Cela a été un moment critique, un tournant dans sa mission publique.

Les gens et les disciples eux-mêmes, s’enthousiasmaient pour lui lorsqu’il accomplissait des miracles. Même la multiplication des pains et des poissons était une révélation claire qu’il était le Messie, au point que tout de suite la foule aurait voulu porter Jésus en triomphe et le proclamer roi d’Israël. Pensez-donc avec ce roi, plus de souci de nourriture !
Mais cela n’était pas la volonté de Jésus qui refroidit justement leur enthousiasme et provoque beaucoup de querelles parmi eux. En effet, en expliquant l’image du pain, il affirme avoir été envoyé pour offrir sa vie, et celui qui veut le suivre doit s’unir à lui de manière personnelle et profonde, en participant à son sacrifice d’amour.
C’est pour cela que Jésus instituera le sacrement de l’Eucharistie, lors du dernier repas le Jeudi Saint : pour que ses disciples puissent avoir en eux sa charité, son amour, et prolonger dans le monde son mystère de salut, comme un seul corps uni à lui.

De quoi avons-nous faim ?

En entendant ce discours, les gens ont compris que Jésus n’était pas un Messie qui aspirait à un trône terrestre. Jésus n’est pas venu pour multiplier les pains, mais pour être Pain Vivant descendu du ciel, Corps et Sang offerts en expiation pour les péchés du monde.
Jésus a donc fait ce discours pour faire perdre leurs illusions à ces foules et surtout pour susciter la décision de ses disciples. En effet, à partir de ce moment-là, beaucoup parmi eux s’arrêtèrent de le suivre.
Peut-être que nous aussi nous avons des illusions à perdre ???……. De quoi avons-nous faim ? Sûrement que, nous aussi, avons une décision à prendre !
Le discours de Jésus est déroutant. Ils sont de plus en plus nombreux à le quitter. Pourquoi fait-il cela ? Pourquoi exiger tant des hommes que nous sommes ? Peut-être veut-il nous confier quelque chose de si précieux qu’il prend le risque de nous choquer ? Quel est le secret ?
C’est que Jésus ne veut pas seulement transmettre un enseignement, mais une vie, sa vie, lui-même, en personne. Il veut que la vie de Dieu qui est en lui devienne aussi notre vie, vraiment, complètement, comme la nourriture que nous absorbons. « Mange-moi, bois-moi ! Vis de moi, comme je vis en toi ». Est-ce si incompréhensible ?
Et si c’était vrai ? Et si Dieu voulait être si proche de nous les hommes, qu’il se faisait lui-même notre nourriture pour nous ?
De quoi avons-nous faim aujourd’hui ?!… point d’interrogation, d’exclamation ou de suspension : il faut nous décider.
De même qu’un petit enfant dans le sein de sa mère puise toute sa vie de la vie de sa mère, de même Jésus veut que nous vivions de lui : « Celui qui me mange, vivra par moi ». Est-ce si inacceptable ?

L’humilité et la sainteté de Dieu


Laissons-nous surprendre, nous aussi, de manière nouvelle par les paroles du Christ : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ». Avons-nous assez faim d’amour pour avoir faim de vie éternelle ?
Redécouvrons la beauté du sacrement de l’eucharistie qui exprime toute l’humilité et la sainteté de Dieu qui s’est fait petit. Dieu se fait petit, parcelle de l’univers pour réconcilier tous les hommes dans son amour.
Recevoir la vie, en prenant le Pain de Vie, cela exige une adhésion intérieure qui nous redit, à ce moment-là, pourquoi nous venons communier, à quel Pain de Vie nous venons recevoir. Une vie qui fut livrée sur la croix pour que nous puissions mourir à l’égoïsme et à l’orgueil. Nous pouvons dire avec saint Paul, à ce moment : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi ».

L’Eucharistie nous propose l’humilité la plus folle : recevoir d’un autre le sens, oui le sens et la nourriture de sa vie. Je ne peux plus prendre conscience de mon destin et de moi-même qu’en acceptant de me recevoir d’un autre, de l’Autre par excellence qu’est le Christ ressuscité qui nous dit : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi je le ressusciterai au dernier jour ». Amen !

20e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Proverbes 9, 1-6 ; Psaume 33 ; Ephésiens 5, 15-20 ; Jean 6, 51- 58

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