APIC-Témoignage
Soeur Maria, médecin, vise la promotion humaine à travers la santé
Bernard Bavaud, de l’agence APIC
Fribourg, 21 juin 1998 (1998) Sœur Maria Martinelli, médecin-chef de l’hôpital à St-Joseph de Bébédjia au Tchad, a de la suite dans les idées. Elle veut la survie économique de cet établissement au service de la santé de la région. Formée en médecine et en chirurgie, la religieuse italienne combonienne, âgée de 42 ans, plaide non seulement pour l’accueil et la guérison des patients qui viennent s’y faire soigner. Mais aussi, tout en souhaitant que l’hôpital reste aux mains du diocèse, pour que des Tchadiens prennent un jour en main la gestion de ce précieux instrument de développement.
Sœur Maria, petite de taille, mais les yeux pétillants de détermination, est venue en Suisse accompagnée de Mgr Michel Russo, évêque de Doba, et du Père Pasquale Miniero, vicaire général, eux aussi Italiens comboniens. Pour apposer leur signature à l’acte de naissance de la Fondation en faveur de l’hôpital de Bébédjia. Une manière de trouver des ressources régulières quand le personnel étranger ne sera plus sur place.
L’hôpital St-Joseph, à mi-distance entre Moundou et Doba, dans le Sud du Tchad, a commencé ses activités en mars 1994. L’hôpital réalise les objectifs prévus par la politique sanitaire du Tchad en servant une population de 160’000 habitants dont 18’000 se trouvent dans la ville de Bébédjia.
« A cause de la guerre civile, aucune structure sanitaire ne fonctionnait vraiment dans la région », raconte Sœur Maria. Chaque année les responsables de l’hôpital essayent de répondre à des exigences plus grandes à mesure de l’augmentation des malades. « Il faut dire que le développement des activités dans et autour de l’hôpital s’inscrit dans la situation d’isolement par rapport au reste du pays et d’abandon du Sud par le gouvernement de N’Djamena », explique encore la religieuse médecin. L’hôpital a pour ainsi dire donné un coup de main à la population dans le domaine de la santé, mais il a également favorisé le petit commerce comme centre de ralliement des personnes qui y gravitent (familles qui viennent accompagner leurs malades).
Hôpital privé reconnu par l’Etat
L’hôpital fait partie des projets de développement du diocèse de Doba, dont l’un des volets est l’amélioration de la santé. Il est reconnu par l’Etat et par conséquent reçoit de sa part certaines facilités financières (vaccinations, droits de douane) . Peu à peu il a gagné une renommée de bon aloi. Géré et soutenu principalement par le diocèse de Doba, les musulmans y sont accueillis au même titre que les chrétiens. On n’y entend pas seulement les langues du Sud comme le ngambay, le kabalaye, le gabri mais aussi le sangho de Centrafrique. La réputation de cet hôpital de référence pour le District sanitaire de Bébédjia dépasse en effet les frontières. Des personnes du pays voisin n’hésitent pas à faire parfois plusieurs centaines de km pour recevoir des soins appropriés, raconte avec une certaine fierté Maria Martinelli.
L’hôpital, comporte 86 lits avec ses quatre services principaux: pédiatrie (31% du nombre d’hospitalisation), médecine (27%), chirurgie, (25%) et maternité (17 %). Le bloc opératoire (où Soeur Maria presque chaque jour pratique son art de chirurgienne) est le poste le plus lourd financièrement.
Objectif: 200’000 francs par an
…..Avec une certaine candeur et audace, la religieuse combonienne reprend le rêve de Frère Bernard Maillard, supérieur du couvent des capucins à Fribourg. Pourquoi ne pas créer en Suisse une Fondation dont les intérêts serviraient au maintien voire au développement de « son » hôpital tchadien »? Depuis le 17 juin à Grimisuat en Valais, c’est chose faite. L’objectif est ambitieux: Trouver de la part de la Fondation, chaque année, un rendement de 200’000 francs suisses.
« La somme que l’on attend de la Fondation correspond à peu près à nos dépenses courantes », reprend sœur Maria. Une paille si nous la comparons aux dépenses de santé en Europe, mais la somme souhaitée vaut de l’or chez nous. N’oubliez pas cependant, ajoute la religieuse combonienne, que nous exigeons de chaque personne passant par l’hôpital une contribution financière dont l’importance varie avec le revenu de chaque personne. Vu la pauvreté des gens, c’est très minime. Lors d’une opération, leur participation ne couvre à peine le fil nécessaire à terminer l’intervention chirurgicale. Les Tchadiens hospitalisés paient de leur poche (avec celle de quelques habitants plus riches) environ 14% des dépenses totales. A travers une application du recouvrement des coûts, la population commence à comprendre la nécessité de se prendre en charge en vue d’assurer la continuité de l’hôpital. Nos principales ressources viennent du diocèse et du Bureau d’étude de liaison des activités caritatives et de développement (BELACD) de la région.
« La formation et l’embauche du personnel tchadien est aussi une de nos priorités », insiste Soeur Maria. « Il nous manque encore beaucoup de personnel formé. c’est aussi de ma responsabilité d’enseigner les rudiments du métier à nos douze aides-soignantes. En septembre 97, nous avons engagé un jeune comptable pour remplacer un coopérant étranger qui avait assuré ce service. Nous envisageons aussi l’embauche d’un laborantin déjà formé.
Nous ne sommes pas en Suisse!
A la question, « l’hôpital possède-t-il une ambulance pour le transport des malades? » Sœur Maria a un sourire amusé. « Nous ne sommes pas en Suisse! On raconte que vous avez trop d’hôpitaux. Presque tous nos malades viennent à pied ou transportés sur des charrettes ».
Une manière de dire aux Européens. N’oubliez pas la différence énorme des équipements entre les pays. Intervenant dans le débat, le Père Pasquale Miniero insiste: « Nous allons lentement. En venant en Suisse nous ne venons pas vous demander la charité pour les Tchadiens. Malgré des résistances à cause de traditions qui pèsent encore lourd, nous savons bien que ce sont eux qui vont gérer leur propre développement dans le troisième millénaire. Ils s’engagent vraiment dans une œuvre de promotion humaine et nous en sommes fiers. Mais réclamer un peu de justice et de partage, cela nous paraît conforme à l’Evangile ». Les trois Italiens comboniens de Doba espèrent ne pas s’être déplacés en vain. Ils retrouveront très bientôt la joie de servir, mais pour un temps compté. Car les Tchadiens, malgré les conflits ethniques, prennent progressivement leur destin en main. (apic/ba)
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