Baisse démographique inquiétante:

APIC – Dossier

Le Conseil pontifical pour la famille sonne l’alarme

Rome , 21 avril 1998 (APIC) Le niveau de la population mondiale est en net recul: c’est ce que constate un récent document du Conseil Pontifical pour la Famille. Selon l’enquête effectuée par ce dicastère, le phénomène doit être attribué à la campagne continue de contrôle des naissances organisée surtout dans les pays en voie de développement en recourant à la stérilisation et à l’avortement.

La question avait déjà été traitée par le Conseil Pontifical pour la Famille en 1994, quelques mois avant la Conférence des Nations Unies au Caire. A cette occasion, des experts de l’ONU avaient critiqué les études effectuées par le Conseil pour la Famille.

Le long texte du Conseil pontifical pour la famille, intitulé « Déclaration sur la chute de la fécondité dans le monde », s’appuie sur une consultation organisée par le Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC) (4-6 novembre 1997) auprès de 14 experts démographes qualifiés. Selon Mgr Renato Martino, observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU, 51 pays (sur 185) dans lesquels vivent 44 % de la population mondiale ne parviennent plus à remplacer leurs générations. C’est le cas, entre autres, des Etats-Unis, de Cuba, de la Chine, du Japon, de l’Australie: l’indice synthétique de fécondité de ces pays, c’est-à-dire le nombre d’enfants par femme, est inférieur à 2, 1.

Les causes principales sont notamment la diminution sensible du nombre des mariages et celle de la fécondité. Les données manifestées par l’étude, conclut le document, auront des effets négatifs: une faible population d’adultes jeunes devra assurer la production du pays et supporter le poids mort d’une large population de personnes âgées, inactives et consommant toujours plus de soins et de matériel médical. « L’explosion démographique n’existe pas, mais, au nom de cette prévision apocalyptique, on a dépensé des milliards de dollars pour freiner les naissances », constate Michel Schooyans, professeur à l’Université Catholique de Louvain (UCL, Louvain-la-Neuve).

Le cas de la Chine

Le document du Conseil Pontifical a été publié en même temps que les déclarations de Mme Nafis Sadik, Directeur exécutif de la « Division de la Population des Nations Unies ». A l’occasion d’une Conférence de trois jours, qui a débuté le 25 mars et a concerné 30 pays asiatiques, en prévision de l’Assemblée générale 1999, Mme. Sadik a déclaré que l’avenir de l’économie dépendait de la planification familiale. Selon elle, en effet, les budgets prévus par les pays en voie de développement et d’autres pays riches pour la planification familiale entre 1995 et 2000 s’élèvent à 3,8 milliards de dollars; ils sont insuffisants pour couvrir la demande de dizaines de millions d’avortements. On assistera ainsi à la mort de 5 millions d’enfants au moins et du décès de 300’000 femmes en plus au moment de l’accouchement, dans le monde entier d’ici à l’an 2000.

Les estimations de Mme. Nafis Sadik, note l’agence missionnaire « Fides », qui relève de la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples, ont trouvé une confirmation avec l’attitude du gouvernement chinois qui, selon le « China Daily » du 25 mars dernier, n’entend pas mettre fin au contrôle des naissances qui a produit une baisse très nette de la croissance de la population. « Une planification familiale concrète est l’unique option pour la Chine », souligne le quotidien.

Cette opinion est loin d’être unanime, note Fides: le Directeur de l’Institut de Sociologie Chen Yijun a exprimé sa perplexité le 11 février dernier en déclarant: « Je souhaite que cette politique ne dure pas plus de cinq ou six ans, parce que l’âge moyen des femmes qui se marient est passé de 19 ans à 25 ans, et, en conséquence, il naît toujours moins d’enfants ». Le journal militaire lui-même souligne qu’un tiers des nouvelles recrues issues de cette génération sont égocentriques, inconstants et n’ont pas le sens du devoir. « L’ironie est que les tendances démographiques indiquent que ces enfants seront appelés à l’avenir à faire les sacrifices les plus grands pour faire face un pourcentage croissant de personnes âgées », note McGum dans la « Far Eastern Economic Review » (Hongkong). Selon le bureau chinois des statistiques, en 2050, plus de 400 millions de Chinois auront plus de 60 ans, ce qui signifie qu’il y aura près d’un retraité pour deux travailleurs.

L’idéologie de la peur démographique

Comme le rappelle le P. Philippe Laurent, jésuite, dans la lettre d’information de la Conférence des évêques de France (SNOP), le Conseil pontifical pour la Famille, qui suit de près les évolutions démographiques, au niveau mondial et par continents, avait déjà publié à la veille de la Conférence des Nations Unies sur « Population et développement » (Le Caire, septembre 1994) un document de travail à l’attention des Conférences épiscopales du monde: « Evolutions démographiques; dimensions éthiques et pastorales ». Le dicastère y dénonçait avec fermeté « l’idéologie de la peur démographique », diffusée sous forme de slogans: explosion démographique, bombe P, croissance galopante, exponentielle…

La récente déclaration reprend cette dénonciation contre « une vulgate globale et erronée », avec une critique des campagnes malthusiennes de certaines ONG et les cas de stérilisations forcées dans plusieurs pays (après l’Inde, le Pérou): « La vérité sur les évolutions démographiques des pays du monde n’est plus contestable. Il est de plus en plus évident et reconnu que le monde est engagé dans une très importante décélération démographique dont on peut situer le commencement aux alentours de 1968… »

Outre une baisse plus ou moins rapide de la fécondité partout (et donc un indice de fécondité inférieur au seuil de reproduction des générations dans 51 pays), le document relève dans une quinzaine de pays une décroissance absolue (plus de décès que de naissances), parfois occultée par les flux migratoires. En trente ans, note le P. Laurent, le taux de croissance annuelle de la population mondiale est passé de 2,06% (1963-1970) à 1,44% (1977), avec, certes, des différences considérables entre les continents, mais tous participent à la décélération. L’Europe stagne, vieillit et amorce une baisse absolue ; l’Afrique est encore en croissance forte (2,6 %) mais qui fléchit. Si la population mondiale va atteindre les 6 milliards en l’an 2000, les projections officielles des Nations Unies sont revues à la baisse pour l’horizon 2025.

Un retournement de tendance

Depuis plusieurs années, les Nations Unies révisent sans cesse à la baisse les hypothèses à l’horizon 2025, rappelle encore le spécialiste jésuite. La révision 1996 donne 7,494 milliards (hypothèse basse), 8,030 (hypothèse moyenne), 8,500 (hypothèse haute). L’accélération de la baisse de la fécondité dans les pays moins développés, et ce, quel que soit le contexte culturel et religieux, surprend les démographes. Ces pays accompliraient leur transition démographique beaucoup plus vite que ne l’ont fait les pays plus développés. Dans les grandes villes du tiers monde, la fécondité est déjà actuellement celle des pays d’Europe. Des démographes en arrivent à se demander si l’hypothèse basse pour 2025 sera seulement atteinte alors que, récemment encore, l’hypothèse moyenne semblait devoir être dépassée. Le retournement de tendance se confirme donc. Déjà, en 1994, avant et pour la Conférence du Caire, le Mémorandum adressé par Mgr Joseph Duval, alors président de la Conférence des évêques de France, à Edouard Balladur, Premier ministre, soulignait le fait, en s’étonnant des positions néo-malthusiennes du projet officiel du texte des Nations Unies.

Une baisse « suicidaire »

Les causes de la baisse plus rapide de la fécondité sont nombreuses, complexes et, en partie, indépendantes des cultures et des religions. La déclaration du Conseil pontifical pour la Famille reprend celle du rapport de J-C. Chesnais, démographe français, à la réunion de l’ECOSOC: baisse de la nuptialité, mariage et maternité plus tardifs, absence de politique familiale favorable aux naissances, changements du statut de la femme dans la société et, en particulier, sa scolarisation, éclatement de la famille, sans oublier la propagande active pour la contraception…

La baisse de la fécondité s’installe, semble-t-il, de façon durable et conduit à terme, si la fécondité demeure au-dessous du taux de reproduction des générations, à une baisse absolue de la population (dite « suicidaire »), cachée, un temps, par une espérance de vie plus longue et un vieillissement accentué (3e et 4e âge). Commentaire du P. Laurent: « Devant cet avenir sombre, certains démographes ont cru à un sursaut des populations et de leurs dirigeants, s’appuyant sur l’exemple de la Suède qui n’a été que passager. Le sursaut possible pour l’Europe n’est qu’une hypothèse qui ne semble pas se confirmer ».

Pour une information de vérité

D’autres problèmes démographiques demeurent et s’aggravent: l’urbanisation, le déséquilibre des générations et le poids des populations âgées, les flux migratoires, les nouvelles pandémies, les atteintes à l’environnement… Dans un style vigoureux et quelque peu polémique, le Conseil pontifical pour la Famille plaide alors pour une information de vérité: « Il est urgent que les opinions publiques et les décideurs soient parfaitement informés de ces évolutions. Il est non moins urgent d’écarter les fausses données, souvent invoquées dans des présentations masquant des sophismes purement idéologiques – pour ne rien dire des truquages statistiques. Dans le domaine de la démographie comme dans les différents domaines du savoir, les faits sont têtus et la vérité ne peut être occultée indéfiniment. On ne peut que se réjouir de constater que cette vérité apparaît de plus en plus au grand jour, puisque la division de la population des Nations Unies n’a pas hésité à réunir ce groupe d’experts pour s’interroger sur la `fécondité inférieure au niveau de remplacement’ (`Below Replacement Fertility’). Rien n’empêche que soient balayés les inexactitudes et les mensonges qui sont trop souvent exploités dans le but de `justifier’ des programmes politiques et autres, totalement incompatibles avec le respect des droits fondamentaux de l’homme ».

De soi-disants « nouveaux droits » de la femme

En cette année du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (10 décembre 1948), le Conseil pontifical pour la famille appelle à une grande vigilance pour éviter qu’à cette occasion on ne cherche à introduire de nouveaux droits de la femme (la liberté de procréation, la santé génésique…) comme la tentative avait été faite aux Conférences du Caire (1994) et de Pékin (1995).

Le Conseil pontifical avertit: « Une grande vigilance s’impose ici. La fidélité à la Déclaration implique qu’on exclue toute manoeuvre qui, sous couvert de soi-disant nouveaux droits, viserait à incorporer l’avortement (cf. article 3), à porter atteinte à l’intégrité physique (cf. ibid), à détruire la famille hétérosexuelle et monogamique (cf. article 16). Des opérations sournoises sont actuellement entreprises dans ce sens. Elles ont un but néfaste: aliéner l’être humain de certains de ses droits fondamentaux et soumettre les plus faibles à de nouvelles formes d’oppression (cf articles 4 et 5). Les mensonges dont se nourrissent ces tentatives débouchent fatalement sur la violence et la barbarie et introduisent la « culture de la mort ». (apic/cip/pr)

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