Pologne: L’»affaire du carmel d’Auschwitz» est définitivement close

Le Vieux théâtre remis au trésor polonais

Varsovie, 3 mars 1998 (APIC) Il n’y a plus d’ »affaire du carmel d’Auschwitz »: les contemplatives polonaises ont remis au Trésor polonais les bâtiments qu’elles utilisèrent comme couvent de 1984 à 1993. Il s’agissait d’un ancien théâtre délabré appartenant à la ville d’Oswiecim, situé en dehors de l’enceinte du camp de concentration, qu’elles abandonnèrent sous la pression en juillet 1993.

C’est en 1984 que des carmélites polonaises s’étaient installées dans le « vieux théâtre », un bâtiment dans lequel les nazis stockèrent le gaz Zyklon B, utilisé pour exterminer les déportés. Ce dépôt servait aussi à entreposer les restes monnayables de leurs victimes. En juillet 1993, le couvent fut totalement évacué. Six des quatorze religieuses polonaises avaient été transférées dans un nouveau couvent, construit à 200 m du Centre d’information, de dialogue et de prière érigé à un demi-kilomètre de l’ancien camp de la mort.

Dans leur carmel, les religieuses polonaises voulaient prier pour la paix, en hommage à Edith Stein, la carmélite juive allemande aujourd’hui béatifiée (et qui devrait être canonisée cette année encore), morte à Auschwitz, comme aussi le Père Maximilian Kolbe. Face aux protestations des milieux juifs, qui accusaient l’Eglise de vouloir récupérer l’holocauste et le « catholiciser », les catholiques polonais rétorquaient qu’Auschwitz I, où était situé le carmel, est aussi pour eux le symbole du martyre polonais.

La guerre des symboles

Si moins de 10% des morts d’Auschwitz étaient des Polonais (tout de même plus de 100’000!), les premiers prisonniers que le camp No1 abrita dès juin 1940 furent justement des représentants de l’intelligentsia polonaise. Là moururent par exemple presque tous les professeurs de l’Université Jagellone de Cracovie. Les autres camps – Auschwitz II (Birkenau-Brzezinka) et Auschwitz III (Monowitz) – auxquels les nazis adjoignirent une quarantaine de camps satellites plus petits, furent érigés après. Pour les Allemands, les peuples slaves, donc les Polonais, étaient aussi des « Untermenschen », des sous-hommes à réduire en esclavage. C’est pourquoi de nombreuses personnes à Oswiecim avaient signé, lors de l’affaire du carmel, une lettre ouverte de soutien aux religieuses « au nom du droit à la prière pour les victimes d’Auschwitz ».

Pas de culte catholique sur le territoire d’Auschwitz-Birkenau

Suite aux protestations des milieux juifs au niveau mondial – qui menaçaient de couper toutes les relations de la communauté juive avec le Vatican et faisaient valoir que l’engagement avait été pris de maintenir les lieux en l’état et d’y préserver une zone de silence -, des délégations comprenant des personnalités juives et catholiques, dont les cardinaux Macharski (Cracovie), Lustiger (Paris), Decourtray (Lyon) et Danneels (Malines-Bruxelles), s’étaient réunies à deux reprises à Genève.

A l’issue de la seconde « rencontre de bonne volonté » à Genève (22 février 1987), elles s’étaient engagées dans une déclaration commune: « Il n’y aura pas de culte catholique sur les territoires d’Auschwitz-Birkenau. Chacun pourra s’y recueillir selon son cœur, sa religion, sa foi. »

Le 6 septembre 1989, le Saint-Siège apportait son soutien officiel à la construction ailleurs (à 500 mètres de l’ancien camp de concentration) d’un carmel qui serait le cœur d’un centre d’information, de rencontre, de dialogue, de prière. Six mois plus tard, le cardinal Macharski en posait la première pierre. En juillet 1993, les dernières carmélites quittaient les lieux. Six des quatorze religieuses étaient alors transférées dans un couvent construit à deux cents mètres du nouveau centre. Il ne restait plus à régler que le litige juridique concernant la légalité du contrat de bail de l’ancien carmel passé entre l’ancienne supérieure des carmélites et une association polonaise de victimes de guerre et le dédommagement des carmélites pour la restauration du « vieux théâtre ».

L’affaire est aujourd’hui close, les carmélites d’Auschwitz venant d’annoncer qu’elles renonçaient officiellement au couvent situé à proximité de l’ancien camp de concentration. Au printemps 1996, les autorités polonaises avaient également décidé l’arrêt de la construction d’un supermarché en face de l’ancien camp nazi, projet qui avait suscité de nouvelles protestations internationales.

Restructuration du site

En octobre de la même année, elles avaient annoncé un programme de restructuration du site et du Musée d’Auschwitz. Les travaux (environ 120 millions de francs suisses d’investissements annoncés à l’époque) devraient être terminés d’ici l’an 2007 et mettre un terme définitif aux polémiques. Oswiecim, par la présence de l’ancien camp d’Auschwitz-Birkenau, est devenue une « ville internationale », symbole de l’extermination des juifs par les nazis, même si la majorité des juifs d’Europe victimes des nazis ne sont pas morts dans ce lieu. La Pologne a en effet compté de nombreux autres camps d’extermination: Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek, etc.

La ville d’Oswiecim, qui compte aujourd’hui quelque 70’000 habitants, cherche aujourd’hui à se développer, malgré les limitations que représente la présence partout dans la ville des symboles et des infrastructures du système concentrationnaire qu’il faut conserver. (apic/cip/be)

webmaster@kath.ch

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/pologne-l-affaire-du-carmel-d-auschwitz-est-definitivement-close/