Le pape au Nigéria du 21 au 23 mars

APIC – Dossier

Son 82e voyage hors d’Italie, son 13e en Afrique et le second au Nigéria

Un géant de l’Afrique noire aux pieds d’argile

Rome/Abuja, 13 mars 1998 (APIC) Le pape Jean Paul II entreprendra du 21 au 23 mars son 82e voyage pastoral hors d’Italie. Après la visite historique de Cuba, en janvier, le pape se rend en effet au Nigéria. C’est la 13e visite du pape en Afrique, et la 2e au Nigéria, après celle de février 1982, où il s’était rendu à Lagos, Ibadan, Onitsha, Enugu et Kaduna. Notre dossier, avec Fides, l’Agence missionnaire du Vatican.

Qu’est-ce qui pousse Jean Paul II, âgé de 77 ans, à entreprendre son 13e voyage dans un pays africain, à une époque de l’année où la température est de 35 degrés et l’humidité à plus de 95% ? Au regard des statistiques le pape se rend dans un pays qui cumule les « records »: le pays africain le plus peuplé, avec le deuxième plus grand nombre absolu de catholiques; le plus grand nombre de prêtres et de vocations religieuses, avec aussi un grand nombre de missionnaires, hommes et femmes, répandus en Afrique et dans le monde.

Du point de vue économique également, le Nigéria a quelque chose de peu ordinaire: malgré des difficultés politiques et les sanctions internationales contre le régime militaire du général Abacha, le produit intérieur croît au rythme de 2% par an grâce à la production de pétrole, la sixième du monde), une inflation diminuée de moitié (28% environ), une croissance des exportations, une réserve monétaire supérieure à celle d’Afrique du Sud. La collaboration de soldats nigérians à la pacification du Libéria et de la Sierra Leone a en outre donné une stature internationale plus imposante encore à ce géant africain.

Un géant aux pieds d’argile

Un géant aux pieds d’argile cependant, selon un message des évêques nigérians daté de septembre dernier la misère aiguë se manifeste dans le pays au plan moral, économique, politique et social. Ces misères sont visibles par l’augmentation des vols, de la violence, du chômage, de la corruption, par la diminution des services éducatifs et sanitaires, au point de faire dire aux évêques que « la qualité de vie de la plus grande partie des Nigérians a dégénéré pour en arriver à des niveaux qui sont en dessous de la dignité humaine ».

Le fait même de se présenter comme le champion de la démocratie ne suffit pas. Encore faut-il en appliquer les principes, c’est-à-dire introduire une démocratie réelle, respecter les droits de l’homme, la liberté d’expression et d’association. Le gouvernement, disent les évêques, devrait en particulier libérer tous les prisonniers politiques et leur permettre de participer à la transition vers la démocratie. Cette transition pourrait être imminente: des élections pour l’Assemblée fédérale devraient avoir lieu en juin 1998, celles des gouverneurs fédéraux sont prévues en août, avant le retrait des militaires et l’installation du nouveau président, le 1er octobre 1998.

D’autres défis attendent le pays: dans ce continent africain où les fondamentalismes et les guerres inter-ethniques détruisent des régions entières, la coexistence entre chrétiens, musulmans et animistes a besoin d’être renforcée. Il faut en outre garantir les droits de plus de 250 ethnies.

Poids lourd démographique

Par la grande étendue de son territoire, par les multiples ressources agricoles et minérales, et surtout par son poids démographique, la République fédérale du Nigéria occupe une place de premier plan parmi les Etats africains. Il touche au nord le Niger et le Tchad, le Bénin à l’ouest, et le Cameroun à l’est. L’Etat s’ouvre en outre sur le Golfe de Guinée. Son territoire recouvre une superficie de 923’773 km² (23 fois la Suisse ou 1,7 fois la France), et est divisé en 36 régions autonomes, pour une population totale de 115 millions d’habitants.

Le pays compte 5 groupes ethniques principaux: les Haoussas, les Yorubas, les Ibos, les Fulanis et les Kanuris, mais recense plus de 400 ethnies, dont 250 souches d’origine. La population, qui s’est accrue durant les dernières décennies à un rythme moyen annuel de 3,3%, vit surtout dans les grandes agglomérations urbaines. Malgré l’organisation politique et économique moderne, la tradition tribale reste fortement enracinée. Depuis 1976, le gouvernement a cherché à donner un élan nouveau à la croissance culturelle des Nigérians, en prenant des voies destinées à diminuer le taux élevé d’analphabétisme. Dès 1980, on a introduit l’école primaire obligatoire et gratuite, en donnant la possibilité d’études techniques pour répondre aux besoins de main-d’oeuvre qualifiée.

La langue officielle est l’anglais, mais les dialectes sont très répandus. Sous l’égide de l’impérialisme britannique, le pays a assimilé les traits caractéristiques de la culture dominante, en particulier dans le domaine commercial apporté par le colonialisme lui-même.

La monnaie locale est le naira. Outre sa capitale, Abuja, située au centre, le pays compte d’autres centres urbains, comme Lagos, Ibadan, Kano et Abeokuta. Après l’indépendance, le 1er octobre 1960, le Nigéria a connu plusieurs gouvernements, jusqu’au 27 août 1985, date à laquelle le contrôle du pays est passé dans les mains des militaires. Le dernier coup d’Etat, qui remonte au 17 novembre 1997, est « l’œuvre » du général Sani Abacha qui, après avoir annulé les élections présidentielles, a pris en mains le commandement de l’Etat.

65% de la population active se consacrent à l’agriculture; mais le développement accéléré de l’économie nationale est dû au pétrole, au gaz naturel et à l’énergie hydroélectrique. Les régions industrielles sont concentrées surtout dans le sud du pays relié au nord, grâce à un réseau de communications parmi les plus efficaces du continent. L’économie nigériane peut s’appuyer en outre sur une production abondante de bois, grâce à la présence de forêts étendues qui couvrent 16% du territoire. Tourné vers des modèles européens, le pays est cependant dépourvu d’assistance sanitaire adéquate: on compte un médecin pour 8’000 personnes et les structures hospitalières ne peuvent mettre au service des Nigérians qu’un lit pour 976 habitants.

Au plan religieux, le Nigéria est divisé principalement en musulmans (47%) et en chrétiens (35%). Fortes d’une tradition liée au tribalisme, diverses minorités ont conservé leurs cultes animistes. L’islam pénétra au Nigéria par les routes commerciales qui traversaient le désert du Sahara. Une partie des colonies musulmanes furent contrecarrées par les populations locales fidèles aux cultes polythéistes. La première Mission catholique, en revanche, s’installa de manière stable à Lagos en 1868, grâce au Père Francesco Borghera, de la Société des Missions Africaines (SMA).

Le Nigéria est né comme entité unique, il y a plus de 80 ans quand la colonie britannique de Lagos et les protectorats du Sud et du Nord Nigéria furent unis dans la même entité administrative.

Dure répression et exécutions

Le retour à la démocratie, annoncé à plusieurs reprises et toujours renvoyé depuis des mois, est fixé à présent au 1° octobre 1998, date à laquelle devraient se ternir les élections présidentielles. La dure répression du régime contre le processus démocratique – avec des arrestations fréquentes de dirigeants politiques et des condamnations à mort – a entraîné les protestations internationales.

En 1995, après la pendaison de neuf dirigeants de la minorité Ogoni, le Nigéria a été exclu du Commonwealth qui a imposé des sanctions économiques au pays, suivi par les Etats-Unis et l’Union Européenne. En mars 1997, les élections administratives locales ont vu la participation de plusieurs partis, dont le United Nigéria Congress Party qui a obtenu le plus de suffrages, et le Democratic Party du Nigéria.

L’image du Biafra encore présente

Le choix de Lagos comme siège de la Délégation apostolique pour l’Afrique Centre-occidentale en 1960 montre l’importance que le Saint-Siège attribue au Nigéria sur la scène africaine. La Délégation recouvrait alors, outre le Nigéria, les territoires du Cameroun, du Gabon, du Congo, de l’Oubangui-Chari (devenu République Centrafricaine) et du Tchad. Le premier Délégué apostolique fut Mgr Sergio Pignedoli nommé le 23 septembre 1960, quelques jours avant la proclamation de l’indépendance du Nigéria.

La terrible guerre civile, entre 1967 et 1970, est restée dans toutes les mémoires sous le nom de guerre du Biafra. L’Eglise Catholique fut associée au régime rebelle du Biafra à majorité catholique. Pour obtenir le soutien de l’Occident chrétien, les rebelles propagèrent l’image d’un conflit entre le Biafra chrétien et le Nigéria musulman. L’aide humanitaire apportée au Biafra par la Caritas et par d’autres organisations caritatives, fut interprétée par le gouvernement du Nigéria comme une ingérence dans ses affaires. A cette époque, une centaine de missionnaires irlandais furent expulsés du pays et ne purent pas y rentrer. C’est seulement plusieurs années après la fin du conflit, que commença le processus en vue de l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Nigéria, et qui se conclut positivement en avril 1976.

Depuis, les rapports entre le Nigéria et le Saint-Siège ont été cordiaux. Ce qui n’a pas empêché le Pape Jean Paul II de dénoncer les exécutions. Le rôle de paix et de réconciliation de l’Eglise Catholique au sein de la société civile est reconnu par la majorité de la population. Ces dernières années, des heurts à caractère ethnique et religieux ont été enregistrés dans les Etats de Kaduna et de Bauchi. Ces heurts ont concerné des groupes ethniques à majorité chrétienne, contraints, au sein de la Fédération nigériane, de reconnaître l’autorité des émirs musulmans. Les affrontements ont fait des morts dans les deux camps, et seule l’intervention de l’armée a rétabli l’ordre. (apic/fides/pr)

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