Suisse: Etude sur les rapports de la Suisse avec la dictature de Mobutu au Zaïre
Berne, 25 mars 1998 (APIC) La Suisse a été une place financière et un centre logistique important pour « l’économie de maraudage » imposée au Zaïre par le dictateur Mobutu. Dans le même temps, elle s’est montrée plus dure qu’aucun autre pays avec les réfugiés zaïrois. Tel est le résultat d’une étude de l’Action place financière suisse (AFP) commandée par la Coopération Eglises et Missions en Suisse alémanique (KEM).
« Nous tous, Eglises partenaires, sommes responsables de la mise au jour de la vérité », a souligné mardi le secrétaire central de la KEM, Claude Curchod, lors d’une conférence de presse à Berne. Beaucoup de gens n’ont en effet jamais compris comment le dictateur Mobutu, jusqu’à sa chute, a pu mener toutes ses affaires en Suisse sans en être le moins du monde empêché. De nombreuses multinationales ayant leur siège en Suisse mais aussi des entreprises purement suisses ont contribué directement au maintien au pouvoir de Mobutu Sese Seko jusqu’en mai 1997.
La version que donne cette étude intitulée » Le mobutisme guerre froide et compagnie de maraudage » n’est pas tendre pour la Suisse. Dès la fin des années 70, « le pillage du pays et les détournements de fonds massifs auxquels se livre Mobutu et sa clique sont largement connus ». Les noms de tous les acteurs sont publiés. Pourtant jusqu’à aujourd’hui la Suisse n’a pris aucune mesure contre cette économie criminelle. La Suisse n’est certes pas le seul pays à avoir montrer une complaisance coupable à l’égard de Mobutu. Elle figure en bonne compagnie avec la France, la Belgique et les Etats-Unis.
Par contre la Suisse a traité de manière beaucoup plus sévère les réfugiés zaïrois surtout à partir du milieu des années 80 n’hésitant pas à renvoyer manu militari vers le Zaïre les requérants d’asile. Les expulsions des deux opposants Mathieu Musey et d’Alphonse Maza avaient notamment secoué le monde politique suisse en 1988. A posteriori, cette attitude apparaît encore plus « monstrueuse, alors qu’on savait depuis longtemps avec quelle cruauté Mobutu traitait ses opposants quand il n’arrivait pas à les acheter », dénonce l’étude.
Où sont passés les millions de Mobutu ?
Pour Mascha Madörin, de « Action place financière Suisse », cette étude n’est que le point de départ de nouvelles recherches, notamment sur la fortune du clan Mobutu en Suisse. « En 1996 selon les statistiques de la banque nationale les fonds du Congo/Zaïre déposés dans les banques Suisse se montaient encore à 250 millions de francs dont 184 millions sur des comptes fiduciaires. Il est très difficile de croire que seul six de tous ses millions appartiennent au clan Mobutu comme on le prétend officiellement. «
Getrud Oschner plaide pour une remise de la dette du Congo. « le dictateur Mobutu laisse derrière lui une dette de 14 milliards de dollars ! Alors qu’on savait depuis au moins 1982 que les crédits accordés au Zaïre allaient directement dans les poches de Mobutu, on ne peut réclamer au gouvernement actuel de la République démocratique du Congo le remboursement de ces crédits. »
Le cas de Mobutu illustre parfaitement combien la crédibilité de la Suisse dans le monde dépend de la cohérence de son action, a souligné Christoph Stückelberger, secrétaire central de Pain pour le Prochain. La politique économique et financière ne peuvent se concevoir sans référence à la politique des droits de l’homme, des migrations, ou de l’aide au développement. Il faut aujourd’hui « la volonté politique de tous les responsable de placer les intérêts de la démocratie avant les intérêts de la place financière », conclut Gertrud Ochsner. (apic/job/mp)
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