Pour sa collaboration avec le régime franquiste

Espagne: Un évêque et des théologiens réclament un pardon de l’Eglise catholique

Barcelone, 16 février 1998 (APIC) Mgr Joan Carrera Planas, évêque auxiliaire de Barcelone, est favorable à une demande de pardon de la part de l’épiscopat pour la collaboration de l’Eglise avec le régime franquiste. Sa proposition, qui coïncide avec celle d’une trentaine de théologiens, relance la polémique en Espagne sur ce thème qui a secoué les consciences catholiques, durant la guerre civile déjà.

C’est dans le cadre d’une émission diffusée sur une radio catalane que Mgr Carrera s’est prononcé récemment en faveur d’une démarche de l’épiscopat espagnol « demandant pardon pour la collaboration de l’Eglise avec le franquisme ». Elle devrait être faite dans une optique de réconciliation et ne peut donc être un geste unilatéral de l’Eglise, car celle-ci « n’est pas la seule à avoir à demander pardon pour le déclenchement de la guerre et les années qui ont suivi », a-t-il affirmé.

Mgr Carrera a tenu à souligner qu’une telle demande de pardon devait avoir lieu dans un contexte adéquat. Une occasion favorable pourrait être, selon lui, la commémoration l’an prochain du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Espagne (1936-1939). Mais l’évêque catalan est conscient d’un obstacle: « Il sera difficile de faire partager mon idée par mes frères dans l’épiscopat en Espagne ».

Cette suggestion de l’évêque auxiliaire de Barcelone coïncide avec une initiative de l’Association des théologiens et théologiennes « Jean XXIII », qui estiment eux aussi que l’Eglise catholique espagnole doit demander pardon pour son « implication anti-évangélique » dans la guerre civile et dans le régime de Franco. Casiano Floristan l’a rappelé dans un article publié vendredi dans le quotidien « El Pais » sous le titre « Pardonner et demander pardon », avec l’appui de 28 autres théologiens membres de l’Association.

Le comportement de l’Eglise sous la dictature franquiste

Pour Casiano Floristan, professeur émérite à l’Université Pontificale de Salamanque, il est « possible et nécessaire de demander pardon pour les erreurs, les déviances et les péchés de l’Eglise catholique en Espagne, spécialement en raison de son comportement lors de la guerre civile et sous la dictature franquiste ». Il serait bienvenu, ajoute-t-il, que les catholiques expriment par la même occasion « leur propos résolu de ne pas répéter les mêmes erreurs à l’avenir ». Le théologien inscrit sa demande dans le cadre de l’appel adressé par Jean-Paul II aux Eglises locales dans sa lettre « A l’aube du troisième millénaire » pour qu’elles consentent à un « examen de conscience en vue du Jubilé, comme l’ont fait déjà les papes Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II lui-même et, récemment, les évêques de France à l’adresse de la communauté juive.

Polémique relancée

La prise de position de Mgr Carrera et des théologiens de l’Association Jean XXIII ressuscite une polémique déclenchée en octobre dernier, quand le député socialiste Luis Yanez avait invité aussi bien l’Eglise espagnole que l’armée à reconnaître leur complicité avec la dictature de Franco. A l’époque, Mgr Carrera se demandait dans l’hebdomadaire « Catalunya Cristiana » si une déclaration de repentance était opportune « après le grand pacte de la transition au nom duquel on a refusé de fouiller le passé ». Il ajoutait qu’il ne serait « opportun de rouvrir le débat que s’il y avait une demande sociale, comme cela s’est produit en France au sujet de l’antisémitisme ». Mgr Ramon Echarren Ysturiz, évêque des Iles Canaries, avait riposté dans « El Pais »: « Les gens de gauche demanderont-ils pardon pour les dizaines de milliers de chrétiens assassinés dans les années 30 pour le seul fait qu’ils étaient croyants ? »

Quant à Mgr José Sanchez, secrétaire de la Conférence épiscopale espagnole, il avait déclaré au quotidien « El Mundo » qu’il est très probable que les évêques feront comme leur collègues français, qui ont demandé pardon pour leur silence face aux crimes du régime de Vichy. Rien à voir avec le projet de réouverture juridique du dossier Franco à l’initiative du parti socialiste, précisait-il.

Si l’Eglise faisait ce geste, ce ne serait sur la pression d’aucun parti, mais à l’occasion du Jubilé de l’An 2000, « à l’image du pape, qui a demandé pardon plus d’une centaine de fois ces dernières années pour les erreurs historiques de l’Eglise catholique ». (apic/cip/ba)

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