Le Centre suisse islam et société (CSIS) est en quelque sorte un rejeton de l’initiative populaire contre la construction des minarets adoptée par le peuple suisse en 2009, a rappelé son directeur Hansjörg Schmid. Les responsables académiques et politiques ont alors pris conscience de la nécessité d’un dialogue ouvert avec les communautés musulmanes de Suisse. Confédération, communautés musulmanes et hautes écoles ont mis ensemble le CSIS sur les rails qu’il suit encore aujourd’hui. Il se veut un centre de recherche appliquée, impliquant enseignement pluridisciplinaire, formation continue et projets participatifs.
Sa présence à Fribourg, ville bilingue, au point de contact entre les cultures francophone et germanique, est bien plus qu’un symbole, elle est un pont entre les communautés.
Un message largement reçu et salué par les intervenants et les invités réunis en nombre à l’aula Joseph Deiss de l’Université de Fribourg. Représentants du monde universitaire, des autorités civiles, des communautés musulmanes et chrétiennes avaient fait le déplacement, pour redire l’importance du bien vivre ensemble.
«L’histoire du CSIS a été mouvementée et si sa légitimité a été contestée, aujourd’hui elle ne l’est plus», a rappelé la conseillère d’État fribourgeoise Sylvie Bonvin-Sansonnens. Pour la cheffe de l’Instruction publique, la peur de l’inconnu, de l’étranger ne peut être surmontée que par la connaissance mutuelle. Il s’agit d’aborder les questions non pas avec méfiance, mais avec curiosité. L’université ne doit pas éviter les sujets épineux, mais se les approprier. Il ne saurait y avoir de clivage entre morale et science, foi et savoir. Le but n’est pas d’éliminer la controverse, mais de l’affronter. L’Université de Fribourg a été fondée au XIXe siècle comme université des catholiques suisses. Si elle abrite aujourd’hui le CSIS, ce n’est pas un hasard. «Fribourg se targue d’être une ville et un canton de ponts, encore faut-il les emprunter et les franchir !»
Pour Regula Mader, vice-directrice du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) l’expertise acquise et proposée par le CSIS est aujourd’hui primordiale dans le domaine de l’asile et des réfugiés. Le dialogue avec les organisations musulmanes, notamment dans le cadre des aumôneries, est précieux pour la cohésion sociale.
«Converti à l’islam en 2005, j’ai d’abord été un musulman ›tranquille’, mais l’initiative sur les minarets m’a poussé vers un engagement politique», relate Pascal Gemperli, aujourd’hui secrétaire général de l’UVAM (Union vaudoise des Associations musulmanes). Pour le conseiller communal à Morges, au-delà des questions de vie en commun, comme les salles de prière les aumôneries, les cimetières, etc., le dialogue peut aussi aller plus loin, par exemple sur la place et le rôle des femmes. Le CSIS a connu des contestations parfois assez fortes, mais il en est à chaque fois sorti renforcé dans sa mission.
A dix ans, le CSIS se trouve confronté à de nouveaux défis face à une situation internationale instable due notamment aux conflits au Proche-Orient, à la montée en Occident du racisme et de l’islamophobie, ou encore aux mesures d’économies dans la recherche universitaire, admet Amir Dziri. Le co-directeur du CSIS invite à regarder l’avenir avec courage, motivation et aussi humour. Il faut soigner la communication, développer le réseau des multiplicateurs dans chaque canton, a-t-il dit. Cela implique aussi de poursuivre et d’élargir les efforts académiques. Le CSIS doit ouvrir de nouvelles voies avec patience, pertinence et persévérance.
Francisca Driessen Reding, déléguée aux affaires religieuses du canton de Zurich, pointe la forte inégalité qui persiste en Suisse entre les communautés religieuses reconnues, chrétiennes et juives, et les communautés musulmanes. Le chantier de la reconnaissance publique doit être ouvert et mené à terme, estime l’ancienne présidente de l’Église catholique de Zurich.
Divers ateliers ont permis aux participants d’échanger sur quelques-unes des thématiques qui occupent le CSIS: la pratique de l’aumônerie musulmane en Suisse, la recherche sur le racisme et la diversité, les études islamiques, la conversion et les sciences du Coran… (cath.ch/mp)
Maurice Page
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