Au creuset d’une vie

Sans nul doute, vous connaissez l’opéra de Mozart, La flûte enchantée? Je reste fascinée par une représentation vue dans mon enfance dont je ne me rappelle ni le lieu, ni le metteur en scène.

À un moment donné, deux personnages amoureux, donc sans cesse empêchés dans leur amour, Tamino, un prince et Pamina, une princesse, sont conduits face une espèce de porte ouvrant sur une mystérieuse et inquiétante grotte. Dans mon souvenir, ils se prennent la main, tout juste heureux de se retrouver. Et là, les deux gardiens de cette grotte chantent – c’est un opéra, n’oublions pas – et les enjoignent à traverser cette grotte.

Totalement captivée par la mise en scène et le drame se déroulant devant mes yeux, je comprenais que la princesse Pamina et le prince Tamino, qui depuis le début de l’opéra essaient de vivre leur amour en vain, et qui viennent à peine de se retrouver, vont devoir traverser cette grotte funeste. Voici un extrait, en français, de ce que chantent les deux gardiens de la grotte.

«Ici la route s’ouvre à vous, pleine d’obstacles, l’air, l’eau, le feu, la terre purifient. Celui-là qui vaincra les affres de la mort sortira du tombeau victorieux.»

L’avantage avec les opéras est qu’ils répètent ce qu’ils chantent, ainsi la dramaturgie est amplifiée et l’esprit est libre d’imaginer le pire quant à ce qu’il va se dérouler sous nos yeux. Les deux gardiens d’ajouter à l’encontre de Pamina et Tamino:

«Courage! unissez vos destins. Que rien ne vous sépare plus. Et fut-ce au prix de votre mort.»

La raison pour laquelle je n’ai jamais oublié cette scène est le flot d’interrogations qui m’ont assaillie. Que va-t-il advenir? Quelles sont ses épreuves de l’air, de l’eau, du feu et de la terre? Pourquoi ne voit-on pas ce qu’il y a dans la grotte? La princesse Pamina et le prince Tamino se sont pris l’un l’autre la main et sont entrés dans la grotte, la musique, les lumières, tout était si bien orchestré. Impossible de ne pas sentir l’enjeu: leur amour triomphera-t-il des épreuves de l’air, de l’eau, du feu et de la terre?

Heureusement, pensais-je alors, ils sont deux, enfin réunis. Et hop! Ils entrent, et nous sommes passés à la scène suivante. Frustration extrême! J’interrogeais mes parents qui m’ordonnaient de me taire. Naturellement quoique plus ou moins au courant de la fin de l’histoire de La flûte enchantée, je ne suis pas parvenue à me détacher de mes questionnements quant au contenu des épreuves de l’air, de l’eau, du feu, et de la terre. Dans les livrets distribués au début de la représentation, ces détails manquaient.

«Enfilons cette cuirasse de la foi et ce casque de l’espérance du salut»

Pourquoi est-ce que je vous parle de Mozart? Parce qu’aujourd’hui, j’espère aborder la vie avec plus de maturité intellectuelle et spirituelle. L’impatience qui me taraudait et me restreignait de profiter pleinement de l’opéra de Mozart, c’était l’impatience d’une adolescente qui n’avait encore que peu vécu. Et qui attendait nerveusement chaque année pour gagner un an de plus.

Bien sûr, cette grotte des épreuves des quatre éléments est symboliquement la grotte de la vie. Aurais-je été plus enchantée si les épreuves avaient été bien dépeintes et exposées par le menu dans la mise en scène de l’époque?

Avoir été contrainte de réfléchir aux épreuves rencontrées par Pamina et Tamino; avoir tenté de déceler leur nature; avoir sondé les uns et les autres pour connaître le fin mot de l’histoire; cette quête est revenue en mémoire lors d’un partage biblique autour de quelques versets de l’apôtre Paul. «En effet, vous êtes tous des filles et fils de la lumière, des filles et fils du jour; nous n’appartenons pas à la nuit et aux ténèbres. (…) Mettons la cuirasse de la foi et de l’amour et le casque de l’espérance du salut.» (1 Thes. 5)

À présent, au creuset de mes expériences de vie, je goûte la sobriété de l’ellipse des épreuves dans l’opéra de Mozart. Vous et moi savons que nos épreuves et joies de vie sourdent et envahissent nos quotidiens sans crier gare. Alors enfilons cette cuirasse de la foi et ce casque de l’espérance du salut, ils font plus que nous protéger, ils nous bénissent.

Nadine Manson

14 mai 2025

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/blogsf/au-creuset-dune-vie/