«Les gens passent souvent devant ces drôles de bâtiments affublés d’un toit pointu et d’un clocher sans oser pousser la porte ou sans avoir la curiosité d’y entrer, même les habitants du quartier», assure à cath.ch Fabienne Gigon, représentante de l’évêque de LGF Charles Morerod pour la région diocésaine de Genève. La Nuit des Églises est une belle occasion de faire autrement, d’autant plus qu’en temps habituels, à cause des vols et des déprédations, certains édifices sont fermés en dehors des moments de culte.
Cette manifestation œcuménique, inspirée par des initiatives similaires en Autriche et dans d’autres pays européens, a lieu en Suisse tous les deux ans depuis 2016, sous l’impulsion des Églises d’Argovie. Une vingtaine de cantons participent à sa 5e édition, dont, côté Romandie, Fribourg et le Jura et, pour la première fois, Neuchâtel, Vaud et Genève, un canton marqué par une importante vie œcuménique.
La première Nuit des Églises genevoise réunit ainsi sous une même bannière les Églises catholique romaine, protestante et catholique-chrétienne de Genève. «À Genève, les protestants sont venus nous chercher, précise Fabienne Gigon. Ils étaient désireux de participer à cet événement, mais sans les Églises des autres confessions, cela n’avait pas de sens pour eux. Après un temps de réflexion et de sondage auprès des paroisses, nous nous sommes lancés.»
Le temps de la soirée, 19 églises et temples resteront ouverts, pour permettre aux visiteurs de les découvrir autrement et de rencontrer ceux qui les font vivre. «C’est une opportunité de valoriser le patrimoine spirituel, architectural et culturel de nos églises. Un patrimoine qui est aussi celui des Genevois», indique dans le communiqué des Églises Chantal Eberlé, présidente de l’Église protestante de Genève (EPG).
«Notre idée, en participant à cet événement, est de valoriser le vivre ensemble, ajoute Silvana Basseti, responsable de l’information de l’Église catholique de Genève (ECR). Nous voulons toucher un public qui n’a pas l’habitude de franchir le seuil des Églises, d’appliquer l’idée d’une ›Église en sortie’ qui était si chère au pape François, une Église qui va à la rencontre des personnes.»
Grâce à la Nuit des Églises, les non familiers de la vie cultuelle pourront découvrir l’intérieur de ces bâtiments et s’y sentir accueillis, gratuitement. «Il n’y a aucune démarche prosélyte derrière, assure la représentante de l’évêque. L’idée n’est pas de demander aux visiteurs de participer au culte ou à la messe le dimanche suivant! Nous désirons leur montrer que les églises et les temples sont des lieux fréquentés par des gens qui leur ressemblent, que les paroissiens sont des citoyens qui vivent dans le monde. Je crois qu’il faut revenir aujourd’hui à ces fondamentaux.»
Pour réaliser cet objectif, les Églises misent aussi sur l’aspect festif et le plaisir. «Jésus était un bon vivant et nous voulons montrer que la vie des croyants passe aussi par la fête, explique Fabienne Gigon. C’est possible de la faire tout en respectant nos lieux liturgiques et la présence du Christ dans nos Églises catholiques.»
Ainsi, même un spectacle de magie a trouvé place dans le programme proposé. Il aura lieu dans la salle au-dessus de l’église du Sacré-Cœur, «loin de l’espace sacramentel proprement dit, dans un lieu plus adapté à ce type de proposition», précise Silvana Bassetti. «Ce moment qui s’adresse à tous, enfants compris, procurera sûrement de l’émerveillement et de la joie», estime-t-elle. Et comme d’autres activités artistiques proposées durant la soirée, il a aussi pour but de valoriser le travail d’un artiste local.
«Jésus était un bon vivant et nous voulons montrer que la vie des croyants passe aussi par la fête »
Fabienne Gigon
De fait, le concept de La Nuit des Églises fait la part belle à l’ouverture. «C’est l’occasion de faire de nouvelles expériences, entre tradition et modernité – tout y a sa place», stipule le site suisse qui recense tous les événements prévus dans le pays à cette occasion.
La mayonnaise a visiblement pris à Genève, où une large palette d’événements sont proposés. Ils vont des plus classiques, avec des temps de prières, des concerts ou des visites guidées des édifices et de leurs trésors, au plus insolites comme des sessions de Pilates sur chaise au temple de la Madeleine. Des animations qui font appel tant au corps qu’à l’esprit.
Citons encore en vrac: une initiation à la décoration florale liturgique à la basilique Notre-Dame, des accompagnements spirituels individuels ou un Café mortel au Sacré-Cœur, siège de l’ECR; un karaoké et une bénédiction des cyclistes et de leurs vélos à l’église St-Martin d’Onex; une rencontre avec du chant, du mime, de la musique et des chorégraphies, avec la Communauté œcuménique des personnes en situation de handicap et de leurs familles eu temple de Montbrillant; ou encore un rallye œcuménique pour ados et jeunes adultes à la découverte de temples et d’églises de la région Rhône-Mandement.
Comme dans le reste de la Suisse, les ateliers et animations ont été librement déterminés et organisés par les paroisses elles-mêmes, selon leurs sensibilités et grâce aux bénévoles. «L’offre genevoise permet un bon aperçu de la façon dont les Églises s’impliquent aujourd’hui dans la vie sociale, avec des moments cultuels et spirituels, des projets caritatifs, des activités culturelles et artistiques et même sportives, des réflexions ou des débats», fait remarquer Flore Brannon, responsable de la communication de l’EPG.
Le public sera-t-il au rendez-vous? Aucune boule de cristal ne peut l’assurer. «La palette proposée est plutôt large et devrait donc permettre à chacun de trouver une activité qui puisse l’intéresser, souligne Fabienne Gigon. L’important pour nous, Églises, c’est de proposer la rencontre.»
De ce point de vue, un résultat est déjà acquis. «Le projet de la Nuit des Églises est le fruit d’un vrai travail commun des différents acteurs des Églises du canton, prêtres, pasteurs, bénévoles, assistants pastoraux, aumôniers, etc. Il s’est révélé véritablement fédérateur, tant au niveau interne de l’ECR que sur le plan œcuménique», remarque Silvana Bassetti. Une réussite en soi. (cath.ch/lb)
Lucienne Bittar
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