Paris: surprenante vocation (281288)
Paris, 28décembre(APIC) Au coeur de la Cité, à Paris, la République
héberge une communauté de neuf religieuses, les soeurs Marie-Joseph de la
Miséricorde. De leur chapelle on entend résonner les pas dans le Palais de
justice. Le « dépôt » c’est leur maison: un grand hall gris blanc, deux étages de cellules, des passerelles grillagées. On est à la Conciergerie. 24
heures sur 24 les soeurs sont présentes. Pas étonnant, elles sont surveillantes, pour ne pas dire gardiennes de cette prison de femmes, ainsi que le
révèle le bulletin « Paris Notre Dame ».
Depuis son arrestation, la prévenue Jacqueline, 45 ans, n’a vu que des
uniformes de policiers. A sa descente du fourgon, quai de l’Horloge, c’est
une religieuse sous son voile qui verouille la cellule. A Fresnes, à Fleury-Mérogis, à Rennes, des religieuses sont infirmières ou enseignantes.
Ici, à l’ombre de la Sainte-Chapelle, elles sont surveillantes et font le
même travail que les agents de police au quartier des hommes.
Gardiennes, elles appliquent strictement le règlement. L’oeil au judas,
refusant de faire passer des lettres ou des appels téléphoniques, elles retirent les objets interdits qui auraient échappé à la fouille. Pas de
faiblesse, aucun passe-droit: il faut éviter de se « faire avoir », de se
laisser impressionner par le faux malaise, les larmes, la crise de nerf…
Si une détenue se pend dans sa cellule, ou s’ouvre les veines avec une lame
de rasoir, les religieuses sont responsables.
Surprenante vocation. En les voyant, une femme explose: « Pour des bonnes
soeurs, c’est pas possible d’être aussi vaches! ». Une autre essaie la manière douce: « J’ai été élevée chez les religieuses ».
– « Pas moi », répond la soeur. Mais le plus souvent elle se tait; « surtout ne pas répondre à l’agression », elle n’aime pas le chantage à la religion que provoque son habit.
Pas le droit à l’erreur
Pourquoi des religieuses ici, et dans ce rôle? « Nous sommes sur une
ligne de crête difficile », reconnaît Mère Marie Bernard, responsable du
« dépôt ». « Nous n’avons pas droit à l’erreur. La faiblesse serait une faute
professionnelle ». Et Pourtant… « Les femmes qui arrivent vivent un grand
malheur, nous sommes là pour les aider », dit Mère Marie Bernard. « D’abord
en les écoutant, elles ont besoin de parler ».
Les religieuses ont-elles les moyens d’adoucir les conditions de vie des
prisonnières? Les femmes arrivent fatiguées, sous pression, sales, etc. Les
soeurs pensent d’abord à des petits rien: se laver, un mouchoir…Elles
dédramatisent le plus possible et expliquent ce qui va se passer. Le planton a griffonné sur un papier, « DC », droit commun ou « CP », consignée provisoire. Sans connaître le délit, la religieuse sait au moins ce qui attend
la détenue dans l’immédiat.
« Priez pour moi, ma soeur »
Comme toute situation extrême, l’emprisonnement sert de révélateur. Il
n’est pas rare que des femmes détenues demandent la chapelle. Un jour, elles étaient trois: l’une a lu à voix haute le psaume 50, la seconde une
prière de pardon et la troisième, bouddhiste, a demandé qu’on lui apprenne
à faire le signe de croix. « Priez pour moi, ma soeur », disent-elles souvent
quand l’agent leur passe les menottes pour aller chez le juge. Mais elles
peuvent aussi être provocantes: « Ta croix je vais te l’arracher, ton Jésus
je ne l’aime pas, il est juif, je suis raciste ». Elles s’attendent toujours
à un discours moral.
Même si le travail ressemble à celui des policiers et des gardiens, les
soeurs portent un autre regard sur les femmes qu’elles surveillent: « Entre
un saint et un criminel, il n’y a qu’une nuance, nous sommes tous à plat
devant Dieu ». (apic/pnd/pr)
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