Homélie de la Pentecôte, 8 juin 2025 (Jn 14, 15-26)


Abbé Bernard Miserez – Chapelle du Vorbourg, Delémont

Il existe, paraît-il, pour les enfants de 2 ans déjà, un jeu qui tente d’éveiller chez eux la notion de contraire. Par exemple, la nuit-le jour, triste-content, grand -petit. L’enfant observe les images et s’amuse à reconstituer par paire les réalités opposées. Rien de tel pour développer chez l’enfant son sens de l’observation tout en enrichissant son vocabulaire.

Deux univers apparemment contraires et opposés

La fête de la Pentecôte nous suggère, elle aussi, de repérer deux univers apparemment contraires et opposés. Nous les rencontrons dans la Parole de Dieu ce matin. D’ailleurs, les avez-vous repérés ? Regardons ensemble si vous le voulez bien :

Dans l’Évangile, une aventure tout INTERIEURE… « si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l›aimera, et nous viendrons chez lui » : une demeure de Dieu en nous, en chacune et chacun de nous en tout homme, en toute femme quelle que soit sa vie.

Dans les Actes des Apôtres, une aventure tout EXTERIEURE… l’événement de la Pentecôte, un grand coup de vent, du feu, une aventure qui projette dehors, hors de la maison, et là, des étrangers de toutes langues et nations, le grand vent de l’Évangile commence à souffler.

L’Esprit est la Vie, comme une respiration, un échange, dedans, dehors

Intérieur et extérieur, dedans, dehors. Le Vent souffle où il veut. L’Esprit est sans frontières, sans contraires. Il est la Vie, la vie comme une respiration, un échange, dedans, dehors.

Pentecôte nous dit jusqu’où va le mystère de Pâques. Par le Christ ressuscité, le Père des cieux nous donne et nous communique son Esprit. Cet Esprit va jusqu’aux extrémités de la terre, toute langue, toute culture, toute nation comme il va jusqu’au plus profond de nous-mêmes, jusqu’à l’intime de nos vies pour nous guérir, nous vivifier, nous renouveler.

La Pentecôte célèbre la résurrection des disciples

Si Pâques célèbre la Résurrection de Jésus, le Christ, la Pentecôte, elle, célèbre la résurrection des disciples. Autrement dit, la nôtre, maintenant et chaque fois que nous osons nous ouvrir à ce don inconditionnel de Dieu.

Ce don que nous recevons du Père nous met en relation avec lui et avec le Christ. L’Esprit-Saint est, si vous voulez, comme la mémoire rendant présent ce mystère de Dieu qui choisit de demeurer en nous. Et puis, ce don de l’Esprit, reçu gratuitement, nous permet de nous transformer, c’est-à-dire, de nous changer nous-mêmes. Bien sûr il ne s’agit pas d’une transformation illusoire pour améliorer notre bien-être par exemple. Il s’agit de se recevoir de Dieu lui-même, comme fille et fils du Père, autrement dit d’accueillir mon histoire telle qu’elle est comme un chemin de liberté, à inventer à la suite de Jésus. Enfin, ce don de l’Esprit nous fait vivre en communion avec l’humanité entière. Dans le Christ, il n’y a que des sœurs et des frères à aimer.

Notre existence : une page d’Evangile à vivre

Chacune de nos existences est une page d’Évangile à vivre, en laissant l’Esprit-Saint mener l’aventure. Au dedans pour connaître l’intimité du Père, au dehors pour faire connaître la bonté et la tendresse de Dieu au monde entier. C’est encore la Parole de Dieu qui se donne à voir et à entendre par les témoins d’aujourd’hui de cet Esprit.

Le Musée jurassien d’art et d’histoire ferme ses portes ce soir sur l’exposition exceptionnelle de la Bible de Moutier-Grandval. Une œuvre du 9ème siècle conservée au British Museum de Londres. Une foule dense et impressionnante est venue de partout visiter ce chef d’œuvre, participant pour beaucoup aux activités organisées à l’occasion de la présence de cette Bible. Cette Bible est bien plus qu’un manuscrit chargé d’histoire. Elle est la Parole qui aujourd’hui encore donne le sens à chacune de nos vies.

Vous me permettez de terminer en citant une femme poète, assistante sociale et mystique en même temps, Madeleine Delbrêl, décédée il y a 61 ans. Elle décrivait dans un de ses ouvrages la mission qui s’ouvre devant nous : « Une fois que nous avons connu la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir ; une fois que nous l’avons reçue, nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous ; une fois qu’elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous : nous appartenons dès lors à celles et à ceux qui l’attendent ». Amen

Fête de la Pentecôte
Lectures bibliques : Actes 2, 1-11; Psaume 103; Romains 8, 8-17; Jean 14, 15-26

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