Nigeria: 200 personnes tuées dans de nouveaux massacres en zone chrétienne

Plus de deux cents personnes ont été tuées dans de nouveaux massacres en zone majoritairement chrétienne, à l’est du Nigeria, dans la nuit du 13 au 14 juin dernier. Les victimes sont des personnes contraintes de fuir leur ferme qui s’étaient réfugiées dans le village de Yelewata.

Selon l’œuvre d’entraide catholique Aide à l’Eglise en détresse (AED-ACN), les assaillants ont d’abord pénétré dans le village de Yelewata, à l’est du Nigeria, en criant «Allahu Akbar» (Dieu est grand) avant de tuer plus de 200 personnes sans distinction. Ils ont mis le feu aux maisons et ont tué à coups de machette et d’armes à feu ceux qui tentaient de fuir. Plus tôt dans la soirée, la police avait repoussé une attaque contre l’église Saint-Joseph de Yelewata, où dormaient 700 déplacés.

Les tueries ont eu lieu, tôt le samedi matin, dans l’Etat de Benue, majoritairement chrétienne. Depuis plusieurs années, cet Etat est souvent le théâtre de violences communautaires entre agriculteurs, chrétiens, et éleveurs Fulani (Peuls), des nomades venus du nord en majorité musulmans. Les agriculteurs accusent les bergers, pour la plupart d’origine peul, de faire paître leur bétail dans leurs fermes et de détruire leurs produits. Les éleveurs insistent sur le fait que les terres sont des itinéraires de pâturage qui ont été garantis par la loi en 1965, cinq ans après l’indépendance du pays.

« Un véritable calvaire »

«Les victimes sont des personnes qui avaient été expulsées de leurs fermes par des bandes de bergers Peuls connus aussi comme Fulani, puis accueillies dans une structure de la paroisse Saint-Joseph», explique à l’agence Fides le Père Remigiu Ihyula. Il est coordinateur de la Commission Développement, Justice et Paix du diocèse de Makurdi, dans l’État de Benue. «En plus d’avoir commis ce massacre, les assaillants ont saccagé la structure. Les survivants sont terrorisés et manquent désormais de tout, de la nourriture aux vêtements, en passant par les matelas, les couvertures et les médicaments», ajoute le prêtre.

Selon le Père Ihyula, «le massacre a été largement relayé par les médias internationaux en raison du nombre élevé de morts, mais ici, nous vivons un véritable calvaire. Un jour, ils tuent trois personnes, le lendemain dix, et ainsi de suite».

A la suite de ces massacres, des populations de Makurdi, chef-lieu de l’Etat de Benue, toutes religions confondues, ont manifesté dans les rues pour protester contre les meurtres. S’adressant à ces manifestant, le Président du Nigeria, Bola Tinubu, leur a déclaré avoir ordonné aux différents services de sécurité du pays, de mettre fin à cette vague de tueries qu’il a qualifié d’actes «inhumains et contraires au progrès», a rapporté la BBC.

Plus de 1000 morts en deux ans

Interrogé par la BBC, Kabir Adamu, analyste nigerian, expert de la sécurité dans le pays, a relevé que 1’043 personnes ont été tuées à Benue entre mai 2023 et mai 2025. Il a rappelé que le changement climatique a entraîné la désertification et l’irrégularité des pluies dans les régions septentrionales du Nigeria. De ce fait, les éleveurs sont contraints de migrer vers le sud dont fait partie l’Etat de Benue, alors que les ressources naturelles y sont déjà limitées.

«La croissance rapide de la population dans ces régions intensifie encore la concurrence pour des terres et des eaux limitées, créant un cycle auto-renforçant de stress environnemental, de migration et d’escalade des conflits», ajoute Kabir Adamu.

Lutte confessionnelle

Un point de vue que ne partage pas le Père Remigiu Ihyula. Selon lui, « les bandes de bergers Peuls sont motivées par une idéologie islamiste. Ils veulent conquérir les terres des agriculteurs chrétiens pour pouvoir ensuite fonder un État islamique. En tant que responsable de la Commission Justice et Paix du diocèse de Makurdi, j’ai cherché le dialogue avec les Peuls. Mais ils l’ont toujours rejeté».

Pour l’Organisation musulmane nigerianne, Jama’atu Nasril Islam (JNI), ces massacres sont «horribles, barbares et inacceptables, dans une société civilisée». Dans une déclaration publiée par le quotidien nigerian Leadership, Alhaji Muhammad Sa’ad Abubakar, le sultan de Sokoto, a exprimé sa «profonde douleur et une grave inquiétude» face à ces «massacres persistants et insensés de Nigérians innocents». «De nombreux citoyens sans défense ont été une fois de plus injustement massacrés.»

Le JNI a aussi appelé tous les niveaux de gouvernement, les institutions religieuses, les organisations de la société civile et les dirigeants communautaires à «se rassembler en synergie et en sincérité pour mettre fin à ce carnage répété et évitable», ajoutant que «ça suffit». Citant le Coran (5:32), la déclaration a rappelé aux Nigérians et aux dirigeants le caractère sacré de la vie humaine: «Quiconque tue une âme, sauf pour une âme ou à cause d’une corruption [commise] sur terre, c’est comme s’il avait tué l’humanité entière». (cath.ch/ibc/ag/bh)

Ibrahima Cisse

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