Bien naturellement, mes cinq autres amis ont levé leur tête de leur popcorn et m’ont demandé ce à quoi cela faisait allusion. «C’est vrai?», m’ont-ils presque lancé en cœur. Probablement un des professeurs a peut-être fait allusion à son existence, mais manifestement je ne m’en souvenais pas.
Face à mon impéritie, je me suis levée pour aller surfer et me renseigner. Il arrive fréquemment que les films américains inventent de toutes pièces des histoires. Ils brodent sur ce qui existe et leur spéculation est précisément la source de notre divertissement. Un peu comme le trop célèbre Da Vinci Code.
Franchement cette notion de «Bible perverse» ne me disait rien. Figurez-vous que Wikipédia a affiché une réponse des plus instructives. Il y a bien eu au XVIIème siècle une Bible, appelée «perverse» ou «vicieuse». À la suite d’une erreur, d’une coquille typographique, cette bible imprimée en anglais a vu un privatif oublié. De sorte que la phrase qui aurait dû interdire une pratique se retrouvait à l’encourager. Au lieu du «Tu ne dois pas commettre d’adultère – You shall not commit adultery», il y avait un «You shall commit adultery – tu dois commettre l’adultère.»
«Chaque créature de Dieu n’était-elle pas un instrument de Dieu, comme l’a si bien écrit François d’Assise dans sa prière?»
En soi ce n’est qu’une simple coquille, nombre de nos livres rencontrent de telles fautes. Cependant dès qu’il s’agit de la Bible, de la religion, cette insignifiante étourderie semble revêtir un sens caché et se voile d’un mystère existentiel.
Pourquoi n’ai-je pas entendu parler plus avant de cette Bible? Serait-ce l’apanage et le monopole des seuls metteurs en scène de s’amuser avec des sujets tels que la Bible perverse?
Pourquoi la théologie se désintéresse-t-elle des sujets qui justement captivent plus les intérêts séculiers et les esprits laïcs? Qu’est-ce qui a motivé les théologiennes et les théologiens à déclarer cet incident comme anodin?
Mes cinq ami.es me bombardaient de questions. Qui invoquant la grande maladie du secret de l’Église. Qui déplorant la propension religieuse de l’Église à dissimuler les dissidences et à étouffer les querelles. Bref, revenait en force la rengaine éternelle du soupçon de complot de l’Église contre la vérité. Je saisissais à nouveau le hiatus entre les études de théologie et ce que le monde comprenait des religions. Somme toute, nous aurions plus de succès si nous traitions de sujets tels que les codes à déchiffrer dans les tableaux de scènes bibliques, ou bien les raisons de la coquille typographique de la Bible perverse.
«Dans nos tendances humaines à tout vouloir régenter et maîtriser, il nous reste encore à apprendre de la vulnérabilité en matière de foi»
A mes ami.es, je tentais d’expliquer que les protestants réformés n’attachaient guère une importance déterminante et essentielle à ce genre d’erreurs. Elles sont humaines. Eux rétorquaient que si Dieu avait créé chaque être vivant, cette erreur avait un sens et une portée. Chaque créature de Dieu n’était-elle pas un instrument de Dieu, comme l’a si bien écrit François d’Assise dans sa prière? Et la Bible n’était-elle pas le livre du christianisme? Galvanisée par leurs arguments, quelques lignes d’un professeur, Bernard Reymond sont remontées à la surface: «La Bible donne accès à la Parole de Dieu, sans se confondre avec elle. On peut la comparer à un disque qui permet d’entendre, parfois avec des défauts, une symphonie, mais qui n’est pas la musique elle-même.»
Quoique bien athées déclarés, mes ami.es posaient un principe très protestant. Dieu nous parle à la fois par la raison et par la Bible, qui devaient se confirmer et se corriger mutuellement. Quel sens cette erreur humaine aurait-elle? «Tu commettras l’adultère.» Je n’en sais rien. Une anecdote? Par pour ceux qui l’ont commises et qui ont été punis. Un peu d’humour? Pourquoi pas. Dans nos tendances humaines à tout vouloir régenter et maîtriser, il nous reste encore à apprendre de la vulnérabilité en matière de foi.
Nadine Manson
2 juillet 2025
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