Credo de Nicée-Constantinople: faut-il le reformuler ou mieux le comprendre? 4/4

Le Credo formulé au conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381) se veut un résumé de la foi chrétienne. Certaines formules utilisées s’avèrent cependant incompréhensibles pour de nombreux chrétiens. Faut-il dès lors reformuler le Credo ou essayer d’en comprendre le sens ? Décryptage de trois articles souvent contestés: Dieu, le Père tout-puissant; Jésus consubtantiel au Père et l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique.

Christophe Herinckx, CathoBel

Il y a 1700 ans, les pères du concile de Nicée répondaient au prêtre Arius, qui niait la divinité du Christ, par l’adoption d’une profession de foi résumant l’essentiel de la foi chrétienne. Complété au concile de Constantinople en 381, ce Credo est, aujourd’hui encore, la référence pour dire la foi commune des chrétiens, qu’ils soient catholiques, orthodoxes, anglicans ou protestants – du moins un grand nombre d’entre eux.

La foi est acte subjectif, mais aussi un contenu objectif

Un certain nombre de fidèles éprouve toutefois un malaise par rapport à différentes formules utilisées dans le Credo, car elles ne leur semblent pas refléter ce en quoi ils croient concrètement. Certains termes leur semblent abstraits ou incompréhensibles, éloignés de la foi vivante. D’aucuns souhaiteraient voir remplacer le Credo de Nicée-Constantinople, lors des célébrations, par une forme de prière plus incarnée.

Quoi qu’il en soit d’une éventuelle reformulation de la foi – ce qui, en soi, est tout à fait possible – il convient d’être conscient d’une fonction capitale que remplit le Credo: il ne se réfère pas seulement à la foi comprise comme acte de confiance en Dieu – ce qu’on peut appeler la foi subjective –, mais exprime surtout ce en quoi les chrétiens croient – c’est-à-dire la foi comme contenu, ou la foi objective.

« Ce symbole de foi forme un tout cohérent, organique, dans lequel chaque formule trouve sa place en étant liée à toutes les autres. »

D’où cette question: le malaise que certains éprouvent à l’égard du Symbole de Nicée-Constantinople ne traduit-il pas, parfois, une difficulté à l’égard de certains aspects de la foi elle-même? Comme la divinité du Christ, clairement confirmée par le premier concile de Nicée? Mais si ce peut être le cas, cela repose une autre question: comprend-on ce que veulent dire les formules utilisées dans ce Credo – formules qui, dans l’absolu, pourraient être remplacées, la foi visant en définitive un Mystère insondable?

Le Credo forme un tout cohérent

Sans (bien sûr) aucune prétention à l’exhaustivité, penchons-nous sur trois articles du Credo particulièrement problématiques pour certains d’entre nous, et tentons d’en décrypter le sens. Une lecture même rapide montre à quel point ce symbole de foi forme un tout cohérent, organique, dans lequel chaque formule trouve sa place en étant liée à toutes les autres. Reformuler cette confession de foi, en partie ou dans sa totalité, impliquerait par conséquent de veiller à ce que cette cohérence, qui exprime le caractère organique de la foi chrétienne elle-même, ne soit pas rompue. Auquel cas ce serait le fondement apostolique essentiel de la foi qui serait mis à mal.

« La toute-puissance de Dieu unique se manifeste dans son action de création. »

Un seul Dieu, Père, tout-puissant et créateur

« Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre… » Ainsi s’ouvre le Credo. Ce qui pose surtout problème dans ce premier article, c’est la notion de toute-puissance que l’on attribue à Dieu le Père. Pour bien la comprendre, il ne faut pas la séparer des autres éléments avec lesquels elle s’articule dans cet énoncé : Dieu unique, Père, créateur. Dieu est le Mystère ultime qui, en tant que tel, ne peut être qu’unique. C’est ce que dit aussi la révélation que Dieu fait de lui-même au Peuple hébreu, et reprise par les chrétiens. La toute-puissance de Dieu unique se manifeste dans son action de création: il fait être l’univers à partir de rien, et toute existence dépend de sa volonté. Cet acte créateur est continu. Si Dieu cessait de créer, il n’y aurait plus rien…

Un amour infini et miséricordieux

Mais si Dieu est tout-puissant, c’est aussi en tant qu’amour infini et miséricordieux. C’est cet amour, qui est l’être même de Dieu, qui est tout-puissant. Or, la toute-puissance de l’amour ne peut s’exercer à travers la violence et la coercition, qui empêcheraient le mal de proliférer. Le mal est vaincu par la toute-puissance de l’amour de Dieu lorsqu’elle se déploie mystérieusement au cœur de la faiblesse, et transfigure, de l’intérieur, le mal et la souffrance en vie. C’est ce que manifeste en particulier la mort et la résurrection du Christ.

« Le Fils a été engendré par le Père, non pas créé, de sorte qu’il possède la même « substance » divine que le Père. »

«Consubstantiel au Père»: ça veut dire quoi?

« Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père […], vrai Dieu né du vrai Dieu. Engendré non pas créé, consubstantiel au Père… » Ce deuxième article du Credo proclame l’identité profonde de Jésus, reconnu par les chrétiens comme « Christ », c’est-à-dire celui qui a reçu la plénitude de l’Esprit Saint. Le terme de « consubstantiel » utilisé ici est sans doute celui qui pose le plus de difficultés. Il reprend le latin consubstantialis, qui traduit lui-même le terme grec originel homoousios. On pourrait également traduire homoousios par « de même nature » (comme dans l’ancienne traduction officielle), « de même substance » ou « de même essence ».

Le Christ, vrai Dieu comme le Père

Le concept d’ousia, qui est la « substance », l’être profond d’une chose, est issu de la philosophie grecque. Au concile de Nicée, son utilisation vise à définir le plus précisément possible en quel sens le Christ était, selon le Nouveau Testament, Fils unique de Dieu. Pour Arius, le Christ était la première créature de Dieu, mais il n’était pas Dieu. Ce à quoi Nicée répond : le Fils a été engendré par le Père, non pas créé, de sorte qu’il possède la même « substance » divine que le Père. Il est donc « vrai Dieu » tout comme le Père. Tout comme un être humain possède la même nature humaine et est autant humain que ses parents.

« Si l’Église est sainte, c’est au sens où elle est habitée par Dieu et appelée à ressembler de plus en plus au Christ. »

L’Eglise «une, sainte, catholique et apostolique»?

 « Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique ». Ajouté au concile de Constantinople, cet article qui concerne l’Église est peut-être celui qui pose le plus de difficultés à de nombreux chrétiens. Comment peut-on croire en l’Église sainte vu ses errements passés et présents, ses infidélités à sa vocation d’être témoin de l’Évangile de Jésus Christ? Or, c’est précisément cette vocation de l’église que proclame le Credo, vocation qui détermine ce qu’est l’être profond de l’Église. Précisons d’abord qu’on ne croit pas en l’église comme on croit en Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. On croit en l’Église au sens où on croit qu’elle a reçu une mission de la part du Christ, et dans la mesure où l’Esprit Saint agit dans l’Église en vue de l’accomplissement de cette mission.

Appelée à ressembler au Christ

Si on croit que l’Église est une, c’est au sens où, malgré ses multiples divisions, il n’y a fondamentalement qu’une seule Église du Christ, comme communion en devenir de tous les chrétiens. Si l’Église est sainte, c’est au sens où elle est habitée par Dieu et appelée à ressembler de plus en plus au Christ. Elle est catholique, non pas au sens restreint de « catholique romaine », mais aussi au sens d’universelle, appelée à rassembler l’humanité dans sa diversité. Elle est apostolique, car elle repose sur la transmission du témoignage des apôtres. (cath.ch/cathobel/mp)

Rédaction

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