Le premier mot que Dieu dit aux humains fait référence à l’arbre.
Philippe Lefebvre: En Genèse 1, le Très-Haut exhorte l’homme à «fructifier». Pour ce faire, l’homme doit être enraciné en Dieu. C’est grâce au terreau divin dans lequel nous plongeons nos racines que nous allons produire des choses qui sont à la fois de l’ordre de Lui et de nous.
Le thème de l’arbre et du fruit traverse absolument toute la Bible, de la première à la dernière page. Dans l’Ancien Testament, le Psaume 1 dit: «Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, (…) Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt (…).»
« Ève, fourvoyée par le Serpent va chercher le fruit hors d’elle-même »
Le premier Temple, construit avant Salomon est en bois, ainsi que l’Arche d’alliance. Ils auraient pu être en or, en pierre… donc la matière ici a une grande force symbolique.
Que représentait symboliquement l’arbre?
L’arbre est souvent un point de repère. Quand Abraham arrive dans la Terre Promise, il parvient tout d’abord au chêne de Moré. C’est comme si ce dernier l’attendait. Et Moré veut dire «l’enseignant». On retrouve donc assez vite l’idée que les arbres ont quelque chose à nous apprendre. Ensuite, Abraham s’installe près du chêne de Mambré, qui pourrait étymologiquement se rapporter à la ‘parole’. En fait, tout son parcours est jalonné par les arbres.
Et l’on pense bien sûr à l’Arbre de la connaissance…
C’est un élément central de la Bible. Il doit être mis en lien avec le premier mot de Dieu à l’homme selon lequel il doit donner du fruit. Ève, fourvoyée par le Serpent va chercher ce fruit hors d’elle-même. Le Serpent dit ainsi: «Vous ne pouvez rien faire par vous-mêmes, Dieu vous a refusé cela, alors prenez le à l’extérieur!» Sur cette tension est fondée toute la théologie biblique.
Une idée donc aussi présente dans le Nouveau Testament…
Absolument. Et ce n’est pas pour rien que cette image de l’arbre revient constamment dans la prédication de Jésus. Jean est particulièrement pertinent à ce propos: «Je suis la vigne, vous êtes les sarments: celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.» (Jean, 15-5) Nous sommes donc, si l’on peut dire, «greffés» sur Dieu, et les fruits spirituels ne peuvent se faire que dans un mode d’échange entre Lui et l’homme. Le péché, c’est chercher en dehors de soi ce que l’on pourrait produire en soi, c’est courir dans toutes les directions faute de s’enraciner et de donner du fruit.
Et chez d’autre évangélistes…
On retrouve la métaphore de l’arbre dans tout le Nouveau Testament. Dans Luc, Jésus réalise un véritable «parcours arboricole». Il est lui-même le fruit, lorsque Élisabeth dit à Marie: «(…) béni aussi est le fruit de ton sein» (Luc, 1-42). Il cueille des fruits à tous moments, notamment lorsqu’il fait descendre Zachée de l’arbre. Au chapitre 23, lorsque Jésus est crucifié, Luc met en scène les croix comme une forêt, et Jésus s’interroge: «Car si l’on traite ainsi l’arbre vert, qu’en sera-t-il de l’arbre sec?» (Luc, 23-31).
« Les Hébreux concevaient probablement le paradis comme un jardin à la persane »
Lorsqu’il est cloué sur le bois, il répond au bon Larron: «En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.» La croix est infamante, c’est un arbre mort. Mais c’est une sorte de prémice des arbres qui vont porter du fruit au paradis, c’est-à-dire dans le «jardin des arbres». L’arbre tend vers le ciel et est planté dans la terre, il joue le rôle de trait d’union, réunit toutes les dimensions.
Il s’agit de la seule mention du paradis dans les évangiles.
Oui, les Hébreux concevaient probablement le paradis comme un jardin à la persane. Ces jardins, d’immenses domaines avec une fontaine centrale, un mur d’enceinte (racine du mot paradeisos en grec) et de grands arbres, les impressionnaient beaucoup.
L’image du jardin est ainsi également présente lors de la résurrection, alors que les femmes venues au tombeau prennent Jésus pour le jardinier. Cela renvoie aussi au jardin d’Éden, au centre duquel Dieu a placé l’arbre de la connaissance. Mais le Seigneur l’y a mis pour que l’homme s’en inspire, médite en le regardant sur la sagesse qu’il peut lui apporter. Alors que l’homme décide finalement de s’emparer de son fruit… (cath.ch/rz)
Philippe Lefebvre rappelle qu’il y avait dans le Proche-Orient biblique, beaucoup plus d’arbres qu’aujourd’hui. Les besoins en bois, notamment de construction, ont fait qu’à une certaine époque, l’exploitation forestière a été intense, et des paysages entiers ont disparu. Ainsi que la faune qu’ils abritaient. On ne trouve, par exemple, plus de lion dans ces régions, alors qu’au vu de sa présence dans l’iconographie et dans les textes antiques, notamment la Bible, ce devait être un animal assez courant.
De belles scènes de forêts existent dans la Bible. Par exemple dans le Premier Livre de Samuel, lorsque Jonathan, fils du roi Saul, entre dans une forêt et y trouve du miel. Ou dans la célèbre scène où Absalon se retrouve suspendu par la chevelure aux branches d’un térébinthe lors d’une bataille qui se déroule dans une forêt (2 Samuel- 18).
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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