L’Eglise presbytérienne se soucie de la reconstruction morale

Rwanda: Priorités après le génocide

Paris/Kigali, 5 octobre 1999 (APIC) Plus de cinq ans après le génocide d’avril 1994, le Rwanda commence tout juste à sortir du cauchemar, guettant le moindre signe d’espoir alors que se poursuit le gigantesque et patient effort de reconstruction d’une société dont toutes les bases ont volé en éclats. Dans la revue « Réforme », le pasteur André Karamaga, nouveau président de l’Eglise presbytérienne du Rwanda (EPR), fait le point de la reconstruction morale en compagnie de Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante de France (FPF).

Les Eglises du Rwanda ont traversé une terrible tourmente quand il fut avéré qu’une partie de leurs hiérarchies était directement impliquée dans le génocide, lors duquel de nombreux pasteurs et prêtres furent assassinés. Aujourd’hui, une vingtaine d’ecclésiastiques sont emprisonnés, dont Mgr Misago, évêque catholique de Gikongoro. La culpabilité collective et le traumatisme au sein des Eglises ne sont pas encore dépassés, note « Réforme », même si certaines ont explicitement fait leur mea culpa.

Le pasteur André Karamaga, bien connu en Suisse romande, où il a séjourné, travaillait au sein de la Communauté évangélique d’action apostolique (CEVAA) lorsqu’il fut appelé à prendre la présidence de l’Eglise presbytérienne du Rwanda, avec pour mission d’organiser sa reconstruction après l’épreuve qu’elle venait de traverser.

La justice de l’agachacha

Selon lui, si la paix règne aujourd’hui, c’est en raison d’un paradoxe : « Pour les gens, le début de la guerre au Congo fut le début de la sécurité au Rwanda. La situation était telle que les militaires disaient: ou bien nous combattons au Congo, ou bien nous continuons la guerre au Rwanda. Et c’est vrai que la paix et la sécurité sont revenues. On est reparti de zéro ou presque, explique le pasteur. Il a fallu reconstituer les différents rouages, recruter et former les personnels, et en particulier la quasi totalité des magistrats. Ce qui explique que des gens ont passé cinq ans en prison avant d’être reconnus innocents. Même si je comprends les raisons de cette lenteur, si cela continue comme ça, il faudra 200 ans avant de faire justice. »

Au début de l’année 1999, on a tenté de désengorger le système en libérant des personnes dont les dossiers étaient vraiment par trop minces. Mais ce fut très mal ressenti par la population. Aujourd’hui, on se tourne vers une forme de justice plus traditionnelle, « l’agachacha ». Non pas la justice populaire, comme on pourrait le penser en Europe, souligne André Karamaga, mais « une façon de faire émerger la vérité en faisant appel à des sages reconnus par chaque village ».

Une mission idéaliste

Pour sa part, l’Eglise presbytérienne locale n’a pas esquivé le douloureux examen de conscience qui s’imposait. Elle a publiquement demandé pardon au peuple, en tant qu’Eglise. Elle a reconnu s’être tue alors qu’on massacrait ; elle a admis avoir accompagné la tribalisation et l’ethnicisation imposées par les colonisateurs. Et « la population a accepté cet acte d’humilité », précise enfin le pasteur Karamaga. (apic/cip/spp/tg)

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