Ils sollicitent une fatwa du Cheikh suprême d’Al-Azhar

Nazareth: Affaire de la mosquée, les islamistes demandent l’intervention de l’Egypte

Nazareth, 11 octobre 1999 (APIC) L’affaire de la mosquée de Nazareth, qui met à mal la crédibilité du gouvernement israélien pour avoir laissé pourrir la situation, risque chaque jour davantage de tourner à l’épreuve de force. Un groupe d’islamistes de la ville de Galilée s’est rendu lundi au Caire pour demander l’intervention de l’Egypte dans cette querelle qui divise chrétiens et musulmans et qui risque de remettre en question la visite du pape en Terre Sainte prévue en mars prochain.

La délégation musulmane a l’intention de solliciter une « fatwa » – un décret juridique basé sur le droit islamique – du Cheikh Suprême de la Mosquée d’Al-Azhar, instance qui fait foi pour une grande partie du monde musulman sunnite. Les militants veulent qu’Al-Azhar constate que la parcelle de terrain qu’ils convoitent au pied de la Basilique de l’Annonciation à Nazareth soit déclarée propriété de l’administration des biens musulmans, c’est-à-dire un « waqf ».

L’appel au Cheikh Suprême Jad Al Haq se veut une réponse aux récentes prises de position du Vatican et des responsables de l’Eglise catholique locale opposés à la construction d’une mosquée dans cet endroit ultrasensible. A Pâques, cette confrontation à fort arrière-plan politique – il s’agit aussi du contrôle de la Municipalité, disputée entre le Mouvement islamique et le parti Hadash (communiste) du maire chrétien Ramiz Jaraisy ! – , a dégénéré en émeute dans les rues de Nazareth.

Si le pape s’en mêle, le reste du monde musulman aussi

« Si le pape s’en mêle, le reste du monde musulman aussi », a averti dimanche Ahmed Zouabi, porte-parole des islamistes à Nazareth. Selon le quotidien israélien « The Jerusalem Post », Zouabi a déclaré que le Vatican, avec les chefs de l’Eglise locale, essaye de saboter le compromis négocié par le gouvernement israélien. Ce « deal » rejeté par les chrétiens, permettrait aux musulmans de construire une petite mosquée sur la moitié du terrain convoité, tandis que le reste serait destiné comme auparavant à une place pour accueillir les pèlerins attendus dans la ville de l’Annonciation à l’occasion du Grand Jubilé de l’an 2000.

Le porte-parole des islamistes a déclaré que les musulmans ont accepté l’offre du gouvernement israélien. La proposition de compromis de la Commission ministérielle mise sur pied pour aplanir la dispute entre le « waqf » et la ville a quelque peu « perturbé la communauté chrétienne », selon les paroles de Mgr Giacinto Boulos Marcuzzo, évêque auxiliaire du patriarche Michel Sabbah. Du côté chrétien, on estime en effet que la proposition de la Commission revient finalement à récompenser la violence et les faits accomplis. La semaine dernière, le Tribunal de District de Nazareth a décidé que le terrain que veut aménager la Municipalité de Nazareth n’appartient pas au « waqf ».

Nonobstant cette décision, la Commission ministérielle, présidée par le Ministre de la sécurité publique Shlomo Ben-Ami, a fait savoir qu’elle avait déjà décidé il y a une dizaine de jours de permettre la construction de la mosquée sur une partie du terrain contesté (700 m2). Pour Ben-Ami, la décision de justice n’influence pas la décision de la Commission, qui a toujours estimé que le terrain appartenait en fait à l’Etat. Interrogé par le quotidien israélien « Ha’aretz », le ministre a déclaré que le terrain était tout de même donné au « waqf » parce que le gouvernement Netanyahou avait déjà suggéré de lui en faire cadeau.

Amateurisme et légèreté du gouvernement israélien

Quand la Commission ministérielle chargée de résoudre la dispute à Nazareth a suggéré la construction d’une petite mosquée sur le terrain contesté, elle ne savait pas que les chefs des quatre principales Eglises chrétiennes avaient déjà fait connaître au Premier Ministre Ehud Barak leur refus de toute solution de cette sorte. Le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Michel Sabbah, les patriarches grec-orthodoxe et arménien, ainsi que le custode des lieux saints, Mgr Giovanni Battistelli, ont écrit une lettre commune à Ehud Barak le 11 septembre dernier, le priant « de faire usage de ses bons offices pour résoudre cette controverse aussi rapidement que possible » et d’empêcher la construction sur cet emplacement au pied de la Basilique de l’Annonciation. Devant l’imminence du grand Jubilé, affirment-ils, Israël devrait agir avec fermeté « afin que Nazareth puisse retrouver son caractère de ville de l’Annonciation, ville ouverte et accueillante pour tous ». Après avoir rappelé que le terrain en question est propriété publique, ils ont ajouté que son occupation « n’est pas compatible avec une vision de paix et d’harmonie entre toutes les croyances », et que si celle-ci se poursuit, « elle continuera à être source de frictions et de disputes, à l’avenir ».

Shlomo Ben-Ami a déclaré tout ignorer de cette lettre, qui ne lui a pas été transmise par le bureau du Premier Ministre, démontrant une nouvelle fois la légèreté et l’amateurisme avec laquelle une affaire aussi sensible est gérée depuis fin 1997 par les gouvernements israéliens successifs.

Quant aux patriarches, ils doivent se rencontrer prochainement pour formuler les prochaines démarches visant à mettre en échec la construction de la mosquée de la discorde. Le maire de Nazareth, s’appuyant sur le jugement du Tribunal de District qui attribue le terrain à l’Etat et non au « waqf », veut désormais faire évacuer le site occupé illégalement par les islamistes, qui y on érigé une tente de protestation il y a deux ans déjà. Pendant ce temps, le ton monte entre chrétiens et musulmans.

« Voulez-vous une nouvelle croisade ? »

La semaine dernière, dans une atmosphère tendue, plus de 3’000 musulmans se sont réunis pour la prière du vendredi. A cette occasion, les imams dirigeant la prière ont commenté la décision du Tribunal de District et les menaces des chefs religieux chrétiens de fermer les lieux saints à Noël si la mosquée se construit.

L’un d’entre eux a lancé: « Nous avons toujours été victorieux dans les guerres contre les croisés, voulez-vous une nouvelle croisade? », rappelant que les juifs et les chrétiens ont toujours été contre les musulmans. Deux députés arabes membres de la Knesseth, élus sur la Liste Arabe Unie, Abd al-Malik Dahamshe et Muhammad Hasan Kena’an, ont réaffirmé que le site appartenait au « waqf ». A la sortie de la prière, quelques fanatiques ont crié « Par le sang et le feu, nous obtiendrons la rédemption de Shihab al-Din », le nom du lieu baptisé d’après cheikh musulmane vénéré, Shihab al-Din. Les islamistes considèrent que cette place est le lieu de sa sépulture, ce qui en fait un lieu sacré. Si le gouvernement israélien n’intervient pas de façon décidée, tous les ingrédients sont réunis pour une nouvelle confrontation dans la plus grande ville arabe d’Israël. (apic/haa/jpost/be)

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