Le Forum culturel libanais dénonce une « dérive obscurantiste »
Beyrouth/Paris, 15 octobre 1999 (APIC) La mise en accusation du chanteur-compositeur libanais Marcel Khalifé, poursuivi par le parquet de Beyrouth « pour atteinte à l’islam » pour avoir osé chanter un verset du Coran, n’a pas fini de susciter des vagues. A Paris, le Forum culturel libanais, une association regroupant journalistes et intellectuels libanais résidant en France, dénonce la « dérive obscurantiste » qui vise de nombreux créateurs et intellectuels dans le monde arabe.
Au Liban même, hommes politiques, personnalités religieuses, journalistes et artistes font front commun depuis le début du mois contre cette atteinte manifeste à la liberté. Le Forum culturel libanais se solidarise à son tour avec Marcel Khalifé. Il affirme que les mesures prises par les autorités judiciaires libanaises à l’encontre de Marcel Khalifé, « l’année même où Beyrouth a été proclamée capitale culturelle du monde arabe, constitue une atteinte dangereuse aux droits de l’homme et à la dignité humaine ». La justice libanaise a décidé début octobre de poursuivre le chanteur-compositeur sous le prétexte qu’il aurait « avili les valeurs religieuses » de l’islam dans une de ses chansons.
Une atteinte dangereuse à la liberté
Le Forum culturel libanais souligne que cette mesure s’inscrit « dans une dérive obscurantiste dont sont victimes de nombreux créateurs et intellectuels arabes, dans leur droit à la liberté d’expression ». Le Forum tient à soutenir le chanteur libanais et à défendre la liberté d’expression au Liban et dans le monde arabe. Le chanteur Marcel Khalifé, rendu célèbre dans le monde arabe par ses chansons éditées pendant la guerre du Liban (1975-1990), risque six mois à trois ans de prison.
Le chanteur « sacrilège » a été dénoncé par Dar el-Fatwa, la plus haute instance religieuse sunnite du Liban, qui se réfère à ce que dit la Mosquée d’Al-Azhar au Caire, qui fait autorité dans le monde musulman sunnite: « Tout arrangement musical d’un verset coranique est interdit afin d’empêcher toute atteinte à l’islam ». Contrairement à Dar el-Fatwa et au mufti de la République, cheikh Mohammed Rachid Kabbani, de hauts dignitaires chiites n’ont rien trouvé de « sacrilège » dans la chanson incriminée, « qui exprime des préoccupations humanitaires ».
En Egypte aussi, l’obscurantisme frappe
En Egypte aussi, l’obscurantisme frappe et la censure fait des ravages. La vedette égyptienne de cinéma Yousra a elle aussi dénoncé « un climat non propice à la création au sein de l’industrie du cinéma égyptien en raison de l’intervention de plus en plus fréquente de la censure », rapporte le quotidien libanais « L’Orient-Le Jour ». Yousra participe à la troisième édition du Festival international du cinéma de Beyrouth qui rend hommage à l’ensemble de son œuvre ainsi qu’à celle de l’actrice française Isabelle Huppert.
L’actrice égyptienne considère que le poids de la censure était moins lourd lors de l’âge d’or du cinéma égyptien dans les années cinquante. Yousra, une des actrices vedettes du célèbre réalisateur égyptien Youssef Chahine, a été poursuivie en justice à plusieurs reprises en Egypte pour « atteinte à l’islam et aux bonnes mœurs ». Un avocat islamiste égyptien a récemment déposé plainte pour « adultère et conduite licencieuse » sous prétexte qu’elle apparaissait sur l’affiche de l’un de ses films étendue aux côtés de l’acteur Achraf Abdel Ali. Yousra a joué le rôle principal dans L’Emigré, le film de Chahine, également poursuivi en justice pour « atteinte à l’islam ». (apic/orj/be)
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