Tout en assumant une continuité claire avec le pape François sur les appels à la paix et au désarmement, Léon XIV a montré un changement d’approche, en offrant une forme de réhabilitation des médiations institutionnelles parfois contournées par François. Les ambassadeurs interrogés par I.MEDIA remarquent que le pape semble faire confiance à la secrétairerie d’État et aux autres dicastères.
Léon XIV, qui a appelé dès sa première prise de parole à «une paix désarmée et désarmante», a tenu un cap fixe, répétant le mot «paix» à dix reprises dès sa première apparition. Mais il a aussi formulé des propositions précises, offrant par exemple le Vatican comme plateforme pour des négociations directes entre la Russie et l’Ukraine.
Les mots clairs et fermes du pape Léon XIV formulant une condamnation d’Israël lors du bombardement de l’église de la Sainte-Famille à Gaza ont également été remarqués par les diplomates. Les pays promouvant une reconnaissance de l’État de Palestine s’appuient sur l’expérience du Saint-Siège, un État précurseur, puisque cette reconnaissance remonte déjà à 2015.
Les diplomates remarquent aussi sa curiosité vis-à-vis de pays d’Europe occidentale que François observait avec plus de distance et de méfiance. Son audience aux catéchumènes lors du Jubilé des jeunes est apparue comme un signal clair de son intérêt et même de son étonnement face au spectaculaire rebond des baptêmes des jeunes constaté en Suisse, en France et, dans une moindre mesure, en Belgique et au Royaume-Uni.
Un ambassadeur d’un pays d’Europe centrale relève aussi son esprit très cultivé et polyvalent et la profondeur de ses homélies. Dans la lignée du pape François, ses interventions sur les sujets liés à l’intelligence artificielle et à l’emprise des algorithmes ont également montré sa compréhension des enjeux contemporains, perçue comme un fruit de sa formation scientifique.
De nombreux ambassadeurs soulignent sa bonne compréhension des enjeux internationaux dans des contextes très variés, qu’ils perçoivent comme le fruit de ses douze années de service comme prieur général des Augustins.
Ses visites dans une cinquantaine de pays lui ont permis de connaître des réalités diverses, d’autant plus qu’il ne se contentait pas de visiter les institutions mais s’intéressait à tous les milieux de vie, aussi en se rendant dans les familles des élèves scolarisés dans des établissements scolaires tenus par sa congrégation. Beaucoup louent son sens du terrain et de la complexité des situations humaines, tout en remarquant aussi ses capacités de canoniste et de théologien.
Un ambassadeur africain relève les clarifications opérées par le nouveau pape sur des sujets sensibles comme la famille, le célibat des prêtres, la coopération internationale et la paix, y voyant un signe de sagesse et de prudence. Il remarque aussi la vitesse de son élection, voyant en lui une personne sachant construire le consensus, et donc à même de résoudre les tensions dans l’Église.
Son expérience missionnaire au Pérou est également un facteur important, qui lui donne une connaissance des cultures du Sud. Sa nationalité américaine, qui semblait un facteur discriminant aux yeux de beaucoup, ne l’a finalement pas disqualifié. Robert Francis Prevost semble bien avoir ancré sa vision de l’Église et du monde par son expérience de terrain en Amérique latine, comme prêtre puis comme évêque.
Après ces premiers 100 jours d’observation, viendra le temps des premières décisions, et potentiellement des premiers conflits. Les diplomates s’attendent, à partir de cet automne, à un remaniement profond de la Curie, mais progressif, de façon graduelle et prudente.
Ils considèrent ses séjours à Castel Gandolfo comme un moyen de se libérer de la pression de la Curie romaine et de pouvoir discerner librement, notamment afin de stabiliser la situation financière du Vatican en trouvant les bons leviers afin de préserver l’indépendance du Saint-Siège.
Après des premiers mois contraints par le programme du Jubilé, le véritable axe du pontificat sera rendu plus visible en 2026, avec ses premiers voyages internationaux. Deux grandes tournées en Afrique et en Amérique latine apparaissent plausibles, et devraient manifester l’attention du pape pour un hémisphère Sud qui concentre la majorité des forces vives du catholicisme. (cath.ch/imedia/cd/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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