Chanoine Jean-Pierre Voutaz – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS
Allumer le feu sur la terre
Bienheureux Frères et Sœurs,
En ce dimanche estival rempli de vie et de lumière, le Seigneur nous invite à recevoir ou à retrouver le feu intérieur qui recentre notre vie, lui donne sens et direction pour avancer de manière renouvelée vers le bonheur du ciel. Feu, lumière et joie nous visitent, avec des commencements qui semblent insignifiants mais qui sont essentiels, tel la collecte des brindilles qui deviendront feu dévorant.
A. la correction de l’injustice, la mienne (Jr 38,4…10)
Dans la première lecture, la situation politique, économique et sociale de Jérusalem est tendue. Nous sommes vers 600 avant Jésus-Christ, les armées étrangères font le siège de la ville et les autorités n’arrivent plus à coacher le moral des troupes et des habitants de la cité. Et, en plus, Jérémie le prophète, celui qui devrait dire du bien au nom de Dieu, empire la situation : cet idiot annonce la défaite. C’en est trop ! les puissants demandent sa peau. Il est descendu dans une citerne vide, boueuse, pour ne plus entendre sa voix, pour ne plus le voir, et qu’il soit embourbé jusqu’au cou. Venons-en au présent : Lors de tensions familiales, de séparations, de difficultés au travail, lors de craintes politiques, économiques ou sociales, il est plus facile de traiter les autres d’idiots, caricaturant leurs travers, que d’accueillir une voix qui invite à reconnaître des torts de mon côté à moi. Mais c’est lui qui a commencé, il est pervers narcissique, fou à lier, dictateur… et la petite voix qui me remet en question, qui m’invite à voir les événements de manière plus ample que par le prisme de ma déception, je n’en veux pas. Tais-toi.
Et tout à coup, à la cour royale, une voix se manifeste : ce qui a été fait à Jérémie, c’est mal : ils l’ont jeté dans la citerne, il va mourir de faim car on n’a plus de pain dans la ville. En cours de séparation, en rupture de contrat, en se battant, dans des nuits angoissées, réaliser au cœur de l’épreuve qui continue que moi j’ai trop parlé, que j’ai surréagi, que j’ai aussi fait des dégâts, c’est la visite du feu de Dieu. La lumière entre en moi. Et Jérémie est sorti de son trou : mon comportement commence à changer. Là où je le peux, dans ma vie, dans la lumière reçue, je modifie un élément d’injustice.
B. La contagion du témoignage (He 12,1-4)
Le début du chapitre 12 de la lettre aux Hébreux, que nous venons d’entendre, part de la réalisation que le mal que je fais m’entrave. La parole m’invite alors à deux actions complémentaires, une dirigée vers le mal, l’autre vers le bien, afin que le feu de Dieu embrase ma vie.
C. Le feu de l’Esprit (Lc 12, 49-53)
Le Christ est venu allumer le feu. Par amour pour nous, il a pris les chemins de cette terre il a accepté défections et trahisons, rejets et crucifixion. Il a dépassé les découragements et par sa mort, Il a été jusqu’à la résurrection. Il nous réveille aujourd’hui et nous invite à poser des choix pour que son amour entre dans nos vies, les enflamme et réveille ainsi le monde.
L’évangile reprend l’idée que lorsqu’une seule personne se lève au nom de Dieu pour contredire la voix dominante, elle vit souvent la violence qu’a expérimentée le prophète Jérémie, c’est l’idée de la division au nom de la parole de Dieu, la tragédie de l’amour qui n’est pas aimé. C’est aussi le resplendissement de l’action de celui qui est maltraité et qui répond à la haine par l’amour, à la suite du Christ. Les combats pour aimer construisent ce monde, les modèles de sainteté nous encouragent. Créés par Dieu, rachetés par son Fils et recevant le feu d’amour de l’Esprit, nous sommes invités à entrer plus profondément dans l’espérance.
D. Conclusion
Aujourd’hui, à l’occasion de cette messe dominicale, nous avons deux groupes particuliers qui vivent de ce feu de l’esprit et que je mentionne avec émerveillement : un pèlerinage et une action de grâce.
Le pèlerinage. En Valais, c’était hier la solennité de saint Théodule, premier évêque du diocèse au 4ème siècle. Il résidait à Martigny et a construit à Agaune la première église en l’honneur de Saint-Maurice et de ses compagnons martyrs. Hier donc, un pèlerinage à pied et un réseau de croyants s’est mis en route depuis Martigny pour prier pour les vocations. Cela a débuté par une messe à 11h00, puis la montée à l’Hospice : 43 kilomètres en vingt heures de marche, des temps de prière et de veillée dans les villages, pour arriver ici en-haut. C’est une expérience de dépassement de soi, un cri vers Dieu, un éclair d’amour qui répond de manière originale à l’amour de Dieu.
L’action de grâce. Aujourd’hui même, Anne-Marie Maillard, femme consacrée associée à la Congrégation, remercie le Seigneur et ses amis qui ont collaboré avec elle durant la quinzaine d’années où elle a vécu dans cet Hospice, entre autres en portant l’organisation et la collaboration estivale des pèlerinages alpins et des messes radiophoniques. C’est l’occasion de dire merci à vous tous que nous rencontrons dans nos couloirs ou par les ondes. En fin d’homélie, maintenant donc, j’offre à Anne-Marie une bouteille de liqueur du Grand-Saint-Bernard verte. Le vert dit l’espérance, la joie d’avoir semé la vie et de continuer de la semer dès cet hiver en paroisse. La liqueur dit les joies des fins de repas, des dialogues, des partages, des encouragements mutuels… et parfois même des desserts flambés. Que ce symbole d’amitié t’aide et nous aide à nous donner à Dieu dans la constance, l’endurance et la persévérance d’un feu qui dure, qui grandit et embrase le monde, le feu de l’Esprit-Saint. Amen.
20e Dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Jérémie 38, 4-10; Psaume 39; Hébreux 12, 1-4; Luc 12, 49-53