Jésus réserve un accueil plutôt rude aux foules qui font route avec lui. Une vraie douche froide. D’autant plus surprenant qu’il ne s’adresse pas à une élite, à des héros, mais au tout-venant qui se presse autour de lui pour l’entendre, et, peut-être, quêter une guérison.
Se retournant, Jésus leur signifie assez brusquement qu’il n’est pas un prophète ordinaire ou un simple maître de vie. L’enseignement qu’il dispense, les guérisons qu’il opère, tout son comportement sont d’un autre ordre. Ils laissent pressentir une source surhumaine, divine.
« Le choix du Christ est sans partage, au point de l’emporter sur toutes les solidarités… »
Au moment de son baptême, alors qu’il priait, l’Esprit divin l’a investi, et les témoins ont entendu une voix du ciel qui le reconnaissait comme le Fils bien aimé du Père. Le fils du charpentier de Nazareth incarne la présence divine.
Vouloir le suivre, mettre ses pas dans les siens, c’est choisir Dieu. Une décision qui se joue sur le registre d’un absolu : tout ou rien, pas de demi-mesure. Le choix du Christ est sans partage, au point de l’emporter sur toutes les solidarités, jusqu’à celles qui sont les plus sacrées pour le cœur humain comme l’amour des parents, de la famille, ou de sa propre vie.
« Jésus rappelle qu’on ne s’engage pas à sa suite comme on rejoint le fan-club d’une vedette »
Aux hommes et aux femmes qui font route avec lui et qui ne sont certainement pas des surhommes, Jésus rappelle qu’on ne s’engage pas à sa suite comme on rejoint le fan-club d’une vedette. Vouloir être chrétien engage tout l’être, à la vie et à la mort : « qui ne renonce pas à tout ne peut pas être mon disciple… Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. »
La condition a beau être inouïe aux oreilles de la foule, Jésus n’en insiste pas moins, la répétant par trois fois. Des générations de martyres en feront l’expérience au cours de l’Histoire.
« A ceux et celles qui veulent mettre leurs pas dans les siens ; ne pas se précipiter tête baissée »
Se décider pour le Christ ne relève pas d’un accès de fanatisme religieux. Jésus sait bien que la foule qui le presse n’est pas une armada de héros ; elle est versatile. Tout en insistant sur le caractère radical de la démarche, il recommande à ceux et celles qui veulent mettre leurs pas dans les siens de ne pas se précipiter tête baissée.
Il les invite à se méfier des enthousiasmes puérils, des coups de cœur sans lendemain, d’une certaine sentimentalité religieuse. Qu’ils soient donc réalistes en prenant la mesure de leurs propres forces et des handicaps qui les menacent. Qu’ils fassent preuve de discernement, comme les héros des deux petites paraboles qu’il propose pour nuancer son enseignement.
Pierre Emonet SJ | Vendredi 5 septembre 2025
Lc 14, 25-33
En ce temps-là,
de grandes foules faisaient route avec Jésus ;
il se retourna et leur dit :
« Si quelqu’un vient à moi
sans me préférer à son père, sa mère, sa femme,
ses enfants, ses frères et sœurs,
et même à sa propre vie,
il ne peut pas être mon disciple.
Celui qui ne porte pas sa croix
pour marcher à ma suite
ne peut pas être mon disciple.
Quel est celui d’entre vous
qui, voulant bâtir une tour,
ne commence par s’asseoir
pour calculer la dépense
et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?
Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever,
tous ceux qui le verront vont se moquer de lui :
‘Voilà un homme qui a commencé à bâtir
et n’a pas été capable d’achever !’
Et quel est le roi
qui, partant en guerre contre un autre roi,
ne commence par s’asseoir
pour voir s’il peut, avec dix mille hommes,
affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ?
S’il ne le peut pas,
il envoie, pendant que l’autre est encore loin,
une délégation pour demander les conditions de paix.
Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas
à tout ce qui lui appartient
ne peut pas être mon disciple. »
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