«Je rends grâce à Dieu pour le témoignage exemplaire de ce fils fidèle de l’Église, qui n’a pas faibli même en temps de persécution», a confié le pape dans un télégramme publié le 27 septembre par le Bureau de presse du Saint-Siège. «Je me souviens avec admiration des difficultés et des humiliations qu’il a courageusement supportées pendant les années d’épreuve, lorsqu’il a continué à servir le Christ dans le ministère pastoral, même au risque de sa propre liberté», écrit encore Léon XIV.
Né le 23 mai 1931 dans une famille nombreuse de Ferneziu, en Transylvanie, Lucian Mureșan grandit dans un contexte marqué par la Seconde Guerre mondiale puis par la chute du roi Michel 1er. Le régime communiste qui se met alors en place se place sous le giron de l’URSS et ouvre une période de persécution religieuse.
Suivant le modèle soviétique appliqué par Staline en Ukraine, le régime communiste interdit et dissout l’Église grecque-catholique roumaine en 1948. Le jeune Lucian Mureșan est alors contraint d’interrompre ses études et d’assumer différents travaux manuels sur des chantiers, tout en poursuivant en secret sa formation.
En 1955, l’Église catholique latine continuant pour sa part à bénéficier d’une certaine existence institutionnelle malgré des libertés très limitées, il entre au séminaire latin d’Alba Iulia. Il est toutefois expulsé quatre ans plus tard par les autorités, puis placé sous surveillance. Pendant dix ans, il travaille comme ouvrier, notamment dans une carrière de pierres, tout en poursuivant clandestinement ses études théologiques.
Ordonné prêtre en secret en 1964 par l’évêque Ioan Dragomir lors d’une cérémonie organisée dans le sous-sol d’un immeuble, il exerce son ministère dans la clandestinité pendant plus de 25 ans. Il se consacre alors à la formation des jeunes et à la survie de la foi dans l’éparchie de Maramureș, dont il devient le responsable clandestin en 1986. Soucieux d’obtenir quelques appuis en Occident, le régime de Nicolae Ceaușescu, au pouvoir de 1965 à 1989, concède alors quelques droits à l’Église catholique latine, mais demeure répressif à l’égard des gréco-catholiques.
Après la chute du communisme, l’Église gréco-catholique se reconstitue. Mgr Lucian Mureșan est nommé évêque de Maramureș en 1990, puis devient, en 1994 archevêque métropolitain de Făgăraș et Alba Iulia. En 2005, Benoît XVI érige ce siège en archevêché majeur, et Mgr Mureșan devient donc le premier archevêque majeur de l’Église grecque-catholique roumaine.
Primat de l’Église roumaine, il préside également la Conférence épiscopale de Roumanie à trois reprises, de 1998 à 2001, de 2004 et 2007 et de 2010 à 2012. Il joue un rôle central dans la reconstruction des structures ecclésiales, la restitution des biens confisqués, et la réorganisation pastorale.
Créé cardinal en 2012 par Benoît XVI, il devient membre du dicastère pour les Églises orientales et représente son pays au sein de l’Église universelle, notamment lors du Synode sur la famille en 2014. Néanmoins, ayant déjà dépassé le seuil des 80 ans lors de sa création cardinalice, il ne participe ni au conclave de 2013 ayant conduit à l’élection du pape François, ni à celui de 2025 ayant élu Léon XIV.
Toutefois, la limite d’âge de 75 ans ne s’appliquant pas aux évêques des Églises orientales, il reste en poste jusqu’à la fin de sa vie, assumant d’être un témoin de la foi vécue dans la persécution. La fonction épiscopale étant assumée dans une logique de ›paternité spirituelle’ et non nécessairement de gouvernement pratique, il était, à 94 ans, le plus vieux cardinal ayant encore officiellement la charge d’un diocèse.
En 2019, le cardinal Mureșan avait accueilli le pape François en Roumanie pour la béatification de sept évêques martyrs du communisme. Parmi eux figure le cardinal Iuliu Hossu (1885-1970), auquel le pape Léon XIV a rendu hommage au Vatican le 2 juin dernier. « Je peux affirmer que Iuliu Hossu était avant tout un homme de Dieu, qui nous a laissés en héritage sa lutte ininterrompue pour la Vérité et pour la Justice », expliquait le cardinal Mureșan dans un message envoyé à cette occasion, en précisant qu’alors jeune prêtre, il avait pu lui rendre visite dans sa résidence surveillée.
Il concluait en citant les derniers mots du bienheureux martyr avant de mourir : «Ma lutte est finie ! La vôtre continue ! Menez-la jusqu’à la fin ! ». Ces derniers mots du cardinal Hossu sont donc aussi, à travers ce message, parmi les derniers mots publics du cardinal Mureșan. (cath.ch/imedia/cv/mp)
Maurice Page
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