Jésus vient de proposer à ses apôtres un programme qui les dépasse. Est-il vraiment possible de toujours pardonner, de ne jamais être une occasion de chute pour son prochain ? Déconcertés, conscients de leur propre fragilité, les apôtres lui demandent d’augmenter leur foi.
Jésus les prévient qu’il ne s’agit pas de quantité mais de qualité. Même un petit grain peut faire bouger le monde et obtenir l’impossible. Et d’illustrer son propos par une image qui ne manque pas d’audace, sur leur ordre un arbre irait se transplanter dans la mer. Le défi est de taille.
« La barque de l’Église n’a pas fait définitivement naufrage, grâce à des hommes et des femmes fragiles »
Que celui ou celle qui en douterait veuille bien parcourir l’histoire du christianisme. Le message du fils du charpentier de Nazareth, s’est taillé un chemin à travers les siècles au point d’envahir le monde en dépit des pires difficultés, sans succomber définitivement aux nombreuses épreuves et tentations qui ont tenté de le dérouter.
Traversant des tempêtes en tous genres, la barque de l’Église n’a pas fait définitivement naufrage grâce à des hommes et des femmes fragiles, qui n’avaient pas l’étoffe des héros, mais suffisamment de foi pour affronter les pires tortures et la mort.
« Des hommes et des femmes à la santé chancelante ont développé des œuvres sociales »
Avec un petit grain de foi certains ont renversé des structures sociales injustes, aussi solidement établies que l’esclavage et l’apartheid. De simples babouchkas ont tenu en échec l’athéisme de l’empire soviétique en multipliant les baptêmes et la prière. Des hommes et des femmes à la santé chancelante et aux moyens dérisoires ont fondé et développé des œuvres sociales ou des mouvements politiques qui, contre vents et marées, ont durablement tiré l’humanité vers le haut.
Une énergie, un élan plus grand qu’eux et venu d’ailleurs les habitaient, un grain de foi les rendaient créatifs, endurants contre toute attente, capables de transplanter des arbres dans la mer. Ces hommes, ces femmes, ne s’imaginaient pas être les artisans du salut du monde, mais de simples serviteurs quelconques. Sans prétentions. C’était leur grandeur.
« Dans l’imaginaire populaire, les héros remplacent les simples serviteurs dont parle Jésus »
Dans une Exhortation sur la sainteté dans le monde, le pape François a épinglé une vieille hérésie des premiers siècles du christianisme, qui refait régulièrement surface. Le pélagianisme soutient que le chrétien est l’artisan de son salut, un combattant qui, à la force de son poignet, accumule des mérites et gagne du crédit auprès de Dieu.
En mettant l’accent sur l’observance des lois et une fidélité crispée, elle rêve d’une Église de héros auxquels le Seigneur reconnaissant ne peut que se mettre à leur service. Exit la gratuité du salut : la grâce de Dieu est prise en otage. Dans l’imaginaire populaire, les héros remplacent les simples serviteurs dont parle Jésus.
Pierre Emonet SJ | Vendredi 3 octobre 2025
Lc 17,5-10
En ce temps-là,
les Apôtres dirent au Seigneur :
« Augmente en nous la foi ! »
Le Seigneur répondit :
« Si vous aviez de la foi,
gros comme une graine de moutarde,
vous auriez dit à l’arbre que voici :
›Déracine-toi et va te planter dans la mer’,
et il vous aurait obéi.
Lequel d’entre vous,
quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes,
lui dira à son retour des champs :
›Viens vite prendre place à table’ ?
Ne lui dira-t-il pas plutôt :
›Prépare-moi à dîner,
mets-toi en tenue pour me servir,
le temps que je mange et boive.
Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour’ ?
Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur
d’avoir exécuté ses ordres ?
De même vous aussi,
quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné,
dites :
›Nous sommes de simples serviteurs :
nous n’avons fait que notre devoir’ »
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