Politique de la « terre brûlée » pour isoler la guérilla hutue
Bujumbura, 29 septembre 1999 (APIC) Une trentaine de fidèles catholiques ont été abattus pendant la messe lors de l’attaque de l’église de Nyambuye, dans les collines surplombant la capitale du Burundi, Bujumbura, rapporte mercredi la BBC. La radio-télévision britannique affirme qu’un groupe d’hommes en uniforme militaire ont ouvert le feu dimanche dans une église de la province de « Bujumbura Rural ». Des sources missionnaires craignent un nouveau génocide anti-hutu au Burundi.
Des missionnaires sur place dénoncent par ailleurs les « camps de concentration » dans lesquels des milliers de civils hutus de cette région ont été entassés de force depuis une bonne semaine dans des conditions sanitaires désastreuses. Des dizaines de déplacés de Runyaga, Kanyosha et Isale sont déjà morts d’épuisement et de mauvais traitements. « Hommes et femmes sont séparés, les hommes sont interrogéés violemment et parfois atrocement torturés, certains ont eu les yeux arrachés », selon l’agence missionnaire MISNA basée à Rome.
La BCC, se référant également à MISNA, rapporte que des centaines de personnes étaient en prière lors de l’attaque de l’église de Nyambuye, une succursale de la paroisse de Kamenge. Parmi les morts, la majorité des fidèles sont des Hutus. Nombre de survivants ont cherché refuge dans les camps de regroupement forcés contrôlés par l’armée, où se trouvent plus de 200’000 villageois des localités entourant Bujumbura. Selon des témoins, les assaillants étaient des militaires, dont de nombreux soldats de nationalité ougandaise. Ils ont saccagé et pillé de nombreuses habitations dans la province de « Bujumbura Rural », poursuivant une politique de la « terre brûlée » dans le but d’ôter tout soutien à la rébellion hutue dont les attaques sont de plus en plus meurtrières.
Réarmement des milices, un tournant dangereux
Depuis plusieurs semaines, l’armée burundaise, composée en majrité de membres de la minorité tutsie au pouvoir, a commencé à réarmer les milices tutsies pour faire face aux attaques incessantes des rebelles hutus. Des diplomates occidentaux en poste dans la capitale burundaise Bujumbura estiment qu’il s’agit là d’un « tournant dangereux » dans la guerre civile qui ravage le Burundi depuis 1993 et qui a déjà fait entre 150 et 200’000 morts, essentiellement des civils. Des missionnaires qui désirent garder l’anonymat pour des raisons de sécurité n’hésitent pas à parler d’un risque de « nouveau génocide » du genre de celui qui s’est passé en 1994 au Rwanda.
La réorganisation des milices tutsies semble avoir été provoquée par l’attaque le mois dernier par les rebelles hutus du marché de Kanyosha, qui a coûté la vie à des centaines de personnes. Malgré les dénégations officielles sur la distribution d’armes aux Tutsis, un représentant du gouvernement a reconnu qu’il encourageait l’autodéfense de la population « parce que nous n’avons pas assez de troupes pour contrôler chaque banlieue de la ville ». La plupart des gens de Bujumbura sont armés, reconnaît-on officiellement. Fin août, lors d’une attaque rebelle qui a laissé plus de 50 morts sur le terrain, les milices tutsies ont combattu aux côtés de l’armée gouvernementale pour repousser les assaillants dans les collines entourant Bujumbura.
L’assassinat du président Ndadaye a relancé la guerre
Les milices tutsies affirment qu’elles veulent éviter d’être victimes d’une « campagne génocidaire », mais des diplomates occidentaux et des organisations humanitaires à Bujumbura les rendent également responsables du massacre de milliers de Hutus après les troubles qui ont suivi l’assassinat en octobre 1993 du premier président hutu du Burundi, Melchior Ndadaye, un président élu démocratiquement. Depuis l’assassinat de Ndadaye par des militaires tutsis, l’opposition hutue affirme que le régime en place pratique « un système d’exclusion et d’apartheid » imposé par « une armée monoethnique et régionale au service d’une oligarchie militaire aux intérêts égoïstes bien connus ».
Punir les « terroristes génocidaires »
Retournant il y a quelques semaines d’Afrique du Sud, où il a discuté des efforts de paix au Burundi avec le président sud-africain Thabo Mbeki, le président burundais Pierre Buyoya n’était pas d’humeur à faire des compromis, rapporte l’agence de presse panafricaine PANA. Faisant référence aux négociations de paix qui se poursuivent à Arusha, en Tanzanie, auxquels les tutsis militants de son gouvernement sont opposés, il a déclaré: « Maintenant ce n’est plus le temps pour les mots, nous devons multiplier nos actions pour punir réellement ces terroristes génocidaire », en visant les rebelles hutus.
Ces dernières semaines, plus de 250’000 Burundais ont été expulsés de leurs villages par l’armée qui traque les rebelles hutus et regroupés dans des camps autour de Bujumbura, où au moins 29 d’entre eux sont morts en une semaine en raison de conditions sanitaires très précaires. Ces villageois hutus de la province de « Bujumbura Rural », qui encercle la capitale, ont été regroupés de force dans une trentaine de « camps de concentration » dans une dizaine de communes. Selon une responsable de l’Office de coordination de l’Assistance Humanitaire (OCHA) des Nations unies – qui coordonne au Burundi le travail de diverses ONG – , jointe depuis Nairobi par l’Agence France Presse, ces déplacés ont grossi de 75% en une semaine la population de ces camps qui comptent désormais plus de 320’000 personnes. (apic/afp/misna/bbc/pana/be)
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