Une préface inédite du pape François pour un livre posthume de Gustavo Gutiérrez

Le dernier ouvrage du théologien péruvien Gustavo Gutiérrez, publié à titre posthume en octobre 2025, présente une surprise: une dédicace du pape François. «Tout au long de sa longue vie, Gustavo a été un fidèle serviteur de Dieu et un ami des pauvres. Sa théologie a façonné la vie de l’Église», y déclare feu le pape.

Décédé en 2024, le dominicain Gustavo Gutiérrez, l’un des pères de la théologie de la libération, a laissé derrière lui une dernière œuvre écrite. Le pape François s’est plus d’une fois référé à ce théologien précurseur, lui rendant notamment hommage dans un message rédigé le 28 mai 2018 à l’occasion de ses 90 ans.

Les deux hommes sont aujourd’hui à nouveau réunis, à travers la publication en italien du dernier ouvrage de Gutiérrez, sous le titre Vivere e pensare il Dio dei poveri (édition Queriniana, 2025). Le livre contient une préface de François, dans laquelle le pape argentin redit son admiration et son amitié pour le théologien péruvien. L’Osservatore Romano en a publié des extraits.

«À sa mort, j’ai dit, écrit le pape, ›aujourd’hui, je pense à Gustavo, Gustavo Gutiérrez. Un grand homme, un homme d’Église qui savait se taire quand il le fallait, qui savait souffrir quand il le fallait et qui savait donner tant de fruits apostoliques et une théologie si riche.’ Dans ce dernier livre, Gustavo nous offre une fois de plus les fruits de son engagement, de sa prière et de sa réflexion. Je tiens à souligner dans ces pages sa fidélité profonde et durable à l’Église tout au long de son parcours. Une fidélité vécue avec humilité, parfois avec douleur, et fondamentalement avec liberté.»

Le rêve d’une Église pour les pauvres

Le pape François rappelle ensuite en quelques phrases l’aventure théologique que fut le Concile Vatican II. Le cardinal Juan Landázuri Ricketts, archevêque de Lima, y avait participé en tant que jeune théologien, présentant la réalité pastorale et sociale de l’Amérique latine. «’L’irruption des pauvres’, comme l’appelle Gustavo, exigeait la justice et une manière différente de vivre la foi, de la penser, de la dire; en définitive, d’être Église, écrit François. L’évolution du Concile a offert des modèles fondamentaux dans cette perspective.»

Un esprit synodal avant l’heure

Animés par cet élan conciliaire, de nombreux groupes chrétiens du continent latino «ont accueilli la lettre et l’esprit de Vatican II avec enthousiasme et dévouement», comme l’a montré la deuxième Conférence générale de l’épiscopat latino-américain (Medellín, 1968), à laquelle a participé saint Paul VI, et mise en place, notamment, par Gustavo Gutiérrez.

Tous ces théologiens, prêtres, évêques étaient en fait «déjà animés d’un esprit synodal», remarque le pape François. «Ils ont tissé un réseau de confiance et d’amitié autour de cette expérience ecclésiale qui a favorisé des décisions pastorales, des documents et des réflexions théologiques: ceux-ci ont marqué, et continuent de marquer, l’identité ecclésiale de l’Amérique latine et des Caraïbes.»

Le pape évoque enfin la question brulante qui habitait Gustavo Gutiérrez: «Comment pouvons-nous parler de Dieu à partir de la souffrance des innocents?» «Enracinée dans la libération que le Christ nous offre, sa théologie affirme la gratuité de l’amour de Dieu qui nous implique dans l’histoire. La théologie de Gustavo reste dans l’Église non pas comme un beau trésor du passé, mais comme une tâche toujours ouverte (…) Gustavo nous a donné les outils théologiques essentiels pour ne jamais oublier les pauvres.» (cath.ch/or/vn/lb)

Lucienne Bittar

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