Action de Carême: Assumer ses responsabilités: Qui? Pour quoi? Jusqu’où?

Dans un monde toujours plus globalisé, dans une société toujours plus individualiste, la question de la responsabilité personnelle et collective se pose de manière aiguë. Le forum d’action de l’Action de Carême, réuni à Berne le 24 octobre 2025, a rassemblé des témoignages et ouvert quelques pistes réflexion.

Devant une centaine de personnes rassemblées à la «Waisenhaus» de Berne, Lucrezia Meier Schatz, présidente du Forum de fondation de l’Action de Carême, a présenté en préambule la vision de la responsabilité née de son expérience personnelle. Répondant aux questions de la journaliste Rahel Giger, l’ancienne conseillère nationale du canton de St-Gall a relevé quelques points forts. Pour elle, l’élément principal est la volonté de faire quelque chose ensemble avec d’autres pour changer une situation donnée. «En ce sens je pourrais dire que la responsabilité est d’abord un cadeau fait dans la confiance. En politique comme dans ma vie personnelle et familiale je l’ai toujours ressentie comme un encouragement». Les responsabilités permettent ainsi de grandir. Plus qu’un devoir moral, la responsabilité devient un élément porteur.

«J’ai appris très jeune que si je n’étais pas d’accord avec une situation ou une décision, la meilleure manière d’agir était de s’engager, de prendre ses responsabilités. Cela peut aussi rimer avec le plaisir et la satisfaction.

Un engagement difficile sur le long terme

Aujourd’hui, une des responsabilités de Lucrezia Meier-Schatz est celle de grand-maman. «C’est une manière d’être présente pour les générations futures». Cela implique la volonté de prendre du temps pour les autres, de se laisser toucher, d’entrer en dialogue, de répondre aux attentes. Retirée de la politique active, elle reconnaît que la responsabilité peut aussi être liée à la peur de ne pas être à la hauteur, de trahir ses valeurs.

Ce qui vaut pour la vie personnelle, vaut aussi pour les organisations et la société en général. «J’ai toujours beaucoup aimé l’action de la vente de roses organisée par l’Action de Carême, car elle permet à un grand nombre de personnes de prendre une petite part de responsabilité. Aujourd’hui l’engagement sur le long terme est souvent difficile pour les jeunes mais aussi pour les plus âgés.»

Le ‘je’ est devenu plus important que le ‘nous’. On préfère les projets ponctuels au risque de perdre la vision globale sur le long terme qui est assez capitale pour les questions de développement. «Avoir pu rencontrer, au travers de mon engagement à l’Action de Carême, les plus démunis en Inde ou ailleurs a été aussi une forte motivation d’engagement», a soutenu Lucrezia Meier Schatz.

Le rôle du politique et des banques

Un table ronde a ensuite réuni des responsables dans divers domaines. Isabelle Chassot, Conseillère aux États fribourgeoise, a apporté son regard de politicienne active. Liberté rime avec responsabilité, explique-t-elle. Le rôle du politique est d’offrir des conditions cadres pour que la liberté et la solidarité s’expriment dans le respect de la dignité de la personne humaine. «On sait au moins depuis les 10 commandements de la Bible que l’on ne peut pas tout laisser à la liberté personnelle.»

Dans la pratique, l’exercice est souvent délicat, surtout en période de restriction budgétaire. «Il faut tenir la ligne de crête en dans un jeu d’équilibre pour remplir les diverses missions de l’État: la sécurité, la santé, la formation, la culture ou l’aide au développement… «

Peter G. Kirschläger, professeur et directeur de l’institut d’éthique sociale de l’Université de Lucerne, pointe la responsabilité des entreprises multinationales qui parviennent à échapper largement à l’impôt. Lors de discussions budgétaires ces questions sont trop souvent éludées.

«Même pour 10 millions, je ne retournerais jamais dans une banque classique»

Olivier Schrott, aujourd’hui expert financier auprès de la Banque alternative, ne se berce plus d’illusions. «Même pour 10 millions, je ne retournerais jamais dans une banque classique. Si la règle numéro 1 reste l’argent et la maximisation des profits, l’avenir de la planète sera difficile.»  Après avoir gravi tous les échelons de la banque d’apprenti à de hautes responsabilités, il prône un recentrage sur la satisfactions des besoins de base, se nourrir, se loger, se soigner, participer à la vie sociale… «Sinon nous allons dans le mur.»

Les combat menés par les ONG pour contrôler la finances ne sont pas inutiles, rassure Peter Kirschläger. Aujourd’hui, on parle de durabilité de responsabilité sociale, de respect des droits humains. C’est aussi le rôle des Églises. Seules des pressions de la société civile et du monde politique peuvent permettre de renforcer le droit. Si la Suisse affirme vouloir défendre les droits de l’homme et la démocratie, elle ne peut pas ignorer ces questions lorsqu’on parle de commerce international ou de contrôle des banques.

Un regard sud-africain

Témoin de la réalité des pays du Sud, l’avocate sud-africaine Jessica Lawrence, spécialisée dans la défense des droits humains, a présenté son travail pour établir et  faire respecter les droits des communautés locales face aux entreprises minières. Née dans un pays encore soumis à l’apartheid, elle pris très jeune le sens de la responsabilité envers sa communauté locale et nationale. Aujourd’hui elle se bat pour faire prévaloir le respect de droits humains et de la démocratie face aux appétits des compagnies minières. «Les mécanismes de contrôle volontaire sont inopérants», estime-t-elle. Le combat est long et souvent fastidieux, mais l’Afrique du Sud est devenu un État assez fort  au plan international et diplomatique pour se faire entendre. Ce qui n’est pas le cas de la plupart des autres pays africains dont la voix n’est pas écoutée.

Pour des multinationales responsables

La responsabilité et le rôle de la Suisse  dans le cadre de la justice, du négoce international et du développement ont été abordés dans le cadres de divers ateliers qui ont réuni les participants dans l’après-midi. Il a été, entre autres, question des initiatives pour des multinationales responsables, et «Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement», dite initiative pour l’avenir, soumise au vote le 30 novembre prochain.

Même si le cadre de la journée n’a permis que d’effleurer le débat, le forum d’action de l’Action de Carême a néanmoins donné l’occasion aux participants de mieux saisir la complexité et l’importance du thème de la responsabilité qui reste à la base de tout engagement social et politique.  (cath.ch/mp)

Maurice Page

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