Évangile de Dimanche: Les Béatitudes, contestation d'un certain monde

Bienheureux, a-t-il dit? On songe aussitôt à une félicité à portée de mains, pour bien vite déchanter. En lieu et place des recettes miracles attendues, le Christ propose une série de situations à rebrousse-poil, difficilement acceptables par ceux dont le credo est «mieux vaut être bien portant et riche que pauvre et malheureux».

Le bonheur n’est-il pas la réussite, la richesse, la considération, le succès, l’assurance de ne manquer de rien, de gagner sur tous les plans? La pauvreté, les larmes, le refus de la violence, l’engagement pour la justice, le pardon ou le fait d’être persécuté n’ont jamais balisé le chemin du bonheur. Seuls les benêts, au mieux des originaux, osent affirmer que le vrai bonheur n’est pas du côté des gagnants, des puissants capables de faire trembler les autres.

« Les Béatitudes ne sont pas un programme moral; elles suggèrent un autre chemin »

Jésus ne promet pas le succès immédiat. À l’entendre, les Béatitudes sont une promesse, un pari sur l’avenir. Les bienheureux dont il parle ne quittent pas le monde violent et injuste dans lequel ils vivent et continuent de souffrir. Mais leur seule présence le conteste et le démasque. Le vrai bonheur est ailleurs.

Les Béatitudes ne sont pas un programme moral, un catalogue de devoirs et d’obligations à observer. En désavouant une société fondée sur la violence, la guerre, la rapacité économique, le mépris du droit, elles suggèrent un autre chemin pour rejoindre le vrai bonheur.

« La réussite mondaine: une vaste ‘trumperie’ incapable d’apaiser la nostalgie d’un vrai bonheur »

Il avance modestement avec ceux et celles qui ne se laissent pas piéger par l’argent, qui refusent la violence, s’engagent pour la justice sans craindre les critiques, avec des hommes et des femmes libres qui ne se laissent pas séduire par le chant des sirènes.

Par leur présence et leurs choix, ceux que Jésus dit bienheureux rappellent au monde que le désir obstiné de félicité qui habite au plus profond de chaque être humain n’est pas une utopie. La réussite mondaine fondée sur l’argent, la violence et le mépris du droit, n’est qu’une illusion, une vaste ‘trumperie’ incapable d’apaiser la nostalgie d’un vrai bonheur, cette blessure inguérissable du cœur humain.

« Les Béatitudes, «carte d’identité du chrétien» et plus largement de ceux qui luttent contre la violence »

Dans une formule dont il avait l’art, le pape François a défini les Béatitudes comme «la carte d’identité du chrétien». Élargissons le propos. Pas seulement des chrétiens, mais de tous ceux et celles qui, sans distinction de religion ou d’idéologie, choisissent d’interrompre la chaîne des pouvoirs abusifs et luttent contre tous types de violences et d’exactions.

Ils sont proclamés bienheureux parce que leur présence et leur action multiplient les germes d’un autre monde celui auquel rêve une humanité en recherche du bonheur.

Pierre Emonet SJ | Vendredi 31 octobre 2025


Mt 5, 1-12a

En ce temps-là,
voyant les foules, Jésus gravit la montagne.
Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait.
Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur,
car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent,
car ils seront consolés.
Heureux les doux,
car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice,
car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux,
car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs,
car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix,
car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice,
car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte,
si l’on vous persécute
et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous,
à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse,
car votre récompense est grande dans les cieux ! »

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