«Le phénomène des présumées apparitions survenues à Dozulé doit être considéré, de manière définitive, comme non surnaturel, avec toutes les conséquences que cette détermination implique», indique le cardinal Victor Manuel Fernández. Le préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi (DDF) s’exprime ainsi dans une lettre rendue publique le 12 novembre 2025 et adressée à l’évêque de Bayeux-Lisieux, Mgr Jacques Habert.
Le nom de Dozulé était devenu célèbre à la fin du XXe siècle, après qu’une mère de famille résidant dans ce village de Normandie, Madeleine Aumont (1924-2016), a témoigné avoir eu des apparitions du Christ entre 1972 et 1978. Un phénomène jamais authentifié par l’Église.
La lettre du cardinal Fernandez, datée du 3 novembre dernier et rendue publique après une audience accordée par Léon XIV au préfet du DDF, s’intitule L’Unique Croix du Salut. Dans ce texte de neuf pages, le cardinal Fernández invite Mgr Habert à confirmer l’opposition de l’Église à tout culte lié à ces phénomènes, conformément à une ordonnance signée en 1985 par son prédécesseur Mgr Jean Badré, et confirmée par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi.
L’actuel préfet du DDF relève que ces événements «ont suscité un certain intérêt spirituel, mais aussi de nombreuses controverses et difficultés d’ordre doctrinal et pastoral», sur lesquelles il entend répondre suite «à diverses demandes de clarification» adressées à son dicastère. Il souhaite aussi faire une mise au point face à «certaines interprétations théologiques et symboliques qui en ont découlé», notamment sur la question de la vénération de la croix.
Des catholiques s’étaient constitués en association pour faire ériger une gigantesque croix de 738 mètres, prétendument en réponse à une demande du Christ qui serait apparu une cinquantaine de fois à Madeleine Aumont. Le cardinal Fernandez répète la position de Mgr Jean Badré, alors évêque de Bayeux-Lisieux, dès le début des années 1980. «En aucun cas, la construction d’une croix monumentale entreprise à Dozulé, par une association dont le siège est à Paris, ne peut être un signe authentique de la manifestation de l’Esprit de Dieu», indiquait l’évêque dans un communiqué du 10 avril 1983.
Dans une autre déclaration publiée le 8 décembre 1985, Mgr Badré avait haussé le ton en dénonçant la «propagande fanatique» de personnes diffusant le message de Dozulé «sans aucun respect de l’autorité de l’évêque». Il avait reçu l’appui de Rome, comme le rappelle le cardinal Fernández. «Le dicastère pour la Doctrine de la Foi n’a pas manqué de soutenir l’action des évêques du diocèse de Bayeux-Lisieux dans la tâche difficile de faire face à des problèmes qui ont continué à semer la confusion», écrit-il dans sa lettre.
Quarante ans après sa première prise de position, le DDF répond donc à la demande de l’actuel évêque, Mgr Habert, de «procéder à un discernement supplémentaire des événements liés à la Haute-Butte de Dozulé, afin de conduire toute l’affaire vers une conclusion définitive». Ceci conformément aux Normes procédurales pour le discernement de phénomènes surnaturels présumés publiées par le dicastère en mai 2024. Le DDF autorise ainsi l’évêque local à déclarer que «le phénomène des apparitions présumées de Dozulé est reconnu comme non surnaturel, c’est-à-dire qu’il n’a pas une authentique origine divine».
L’un des principaux points de contentieux concerne la demande de construire une immense «Croix Glorieuse». La demande de bâtir dans ce village une croix «comparable à la ville de Jérusalem» constitue une demande incompatible avec la tradition de l’Église, qui souligne la «valeur unique» du Golgotha, lieu de la crucifixion du Christ, est-il rappelé.
«Comparer la croix demandée à Dozulé à celle de Jérusalem risque de confondre le signe avec le mystère, et de donner l’impression que l’on peut ‘reproduire’ ou ‘renouveler’ au sens physique ce que le Christ a déjà accompli une fois pour toutes», est-il indiqué.
En effet, «la foi catholique enseigne que la puissance de la Croix n’a pas besoin d’être reproduite, car elle est déjà présente dans chaque Eucharistie, dans chaque église, dans chaque croyant qui vit uni au sacrifice du Christ», insiste le préfet du DDF. «Ce nouveau symbole risquerait de déplacer l’attention de la foi vers le signe visible, en le rendant absolu et en alimentant une sorte de ›sacralité matérielle’ qui n’appartient pas au cœur du christianisme.»
«La Croix n’a pas besoin de 738 mètres d’acier ou de béton pour être reconnue: elle s’élève chaque fois qu’un cœur, sous l’action de la grâce, s’ouvre au pardon, qu’une âme se convertit, que l’espérance renaît là où elle semblait impossible, et même lorsqu’un croyant, embrassant une petite croix, se confie au Christ», est-il indiqué.
L’Église encourage les expressions de foi qui conduisent à la conversion et à la charité, mais elle met en garde contre toute forme de «sacralisation du signe» qui conduirait à considérer un objet matériel comme une garantie absolue du salut.
Rome voit également une «erreur théologique» dans l’invitation faite aux croyants de se rendre au pied de cette croix pour obtenir le pardon de leurs péchés. L’Église catholique «enseigne que le pardon ne vient pas d’un lieu physique, mais du Christ lui-même, que la rémission des péchés s’obtient par les sacrements, en particulier à travers le sacrement de pénitence, et qu’aucun objet ne peut remplacer la grâce sacramentelle», avertit le préfet argentin. «La croix est certes un signe de salut, mais une croix que nous construisons n’est pas un lieu de pardon automatique: le pardon vient du Christ.»
La même méfiance s’applique au thème du «retour imminent du Christ», très présent dans ce récit des apparitions présumées de Dozulé. Dans le récit de l’apparition du 31 mai 1974, il est écrit que le Christ «demande que la Croix Glorieuse et le Sanctuaire soient élevés pour la Fin de la Sainte-Année [1975], car elle sera l’ultime Sainte-Année». Alors que l’année jubilaire 2025 se rapproche de son terme, cette phrase conduit le préfet du DDF à constater sobrement que «de toute évidence, cette annonce présumée ne s’est pas réalisée».
«Bien que le thème du retour du Seigneur fasse partie intégrante de la foi chrétienne», le cardinal argentin rappelle que l’Église «se méfie des interprétations millénaristes ou chronologiques de ce retour, qui risquent de fixer les temps ou les modalités du jugement dernier».
Dans cette optique, «le discernement ecclésial exige qu’il n’y ait pas d’éléments sensationnels ou apocalyptiques qui génèrent de la confusion. Par conséquent, les messages qui parlent de ‘fin imminente’ ou de ‘date proche’ peuvent alimenter des attentes infondées ou des visions déviantes par rapport à l’espérance chrétienne», pointe le préfet du DDF. (cath.ch/imedia/cv/rz)
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