Dans son appel solennel aux pèlerins, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, Patriarche latin de Jérusalem, rappelle que beaucoup de chrétiens travaillent dans le secteur du tourisme, notamment comme chauffeurs de bus, restaurateurs, personnel hôtelier, artisans nacriers ou guides touristiques. L’absence des pèlerins ces deux dernières années en raison de la guerre à Gaza est pour eux une catastrophe économique, car ils ont perdu une bonne partie de leur source de revenus.
«Nous ne vivons pas encore une paix complète, mais la guerre est finie, et le pèlerinage est tout à fait sûr. Il est donc temps aussi de venir en Terre Sainte pour exprimer votre proximité avec cette Église».
En raison de la fermeture des frontières, de nombreuses personnes ne peuvent plus se rendre sur leur lieu de travail en territoire israélien. L’agglomération de Bethléem, largement dépendante des touristes, souffre des conséquences de leur absence. Sans travail et sans revenus, les classes moyennes glissent vers la pauvreté. Le taux de chômage est estimé à 60% à Bethléem en 2025, contre 30% pour le reste de la Cisjordanie, selon un rapport de la Banque mondiale. En seulement 14 mois, l’indice de développement humain (IDH) de la Cisjordanie a diminué de 6%, ce qui représente une perte équivalente à 16 années fastes, rapporte Terre Sainte Magazine, la revue de la Custodie franciscaine de Jérusalem.
Après deux ans sans festivités, la municipalité de Bethléem a décidé que cette année, les animations et traditions populaires qui entourent les célébrations religieuses de Noël auront lieu. Maher Nicola Canawati, est le nouveau maire de Bethléem depuis mai dernier. «Un maire qui, selon la loi, doit être un chrétien, une disposition maintenue par les dirigeants palestiniens pour préserver la plus ancienne communauté chrétienne au monde, qui vit à Bethléem, en Terre Sainte, en Palestine», précise-t-il. Il a annoncé que la traditionnelle illumination du sapin de Noël de la ville se tiendrait le 6 décembre prochain.
«Rejoignez-nous pour célébrer l’espoir, prier pour la paix et partager avec le monde le message indestructible de Bethléem: la lumière est plus forte que les ténèbres et l’amour est plus fort que la peur», invite le maire dans une vidéo enregistrée en anglais.
Depuis le 7 octobre 2023, aucun cœur n’était vraiment à la fête. Cette année-là, les autorités locales, en concertation avec les Églises de Jérusalem, avaient décidé d’annuler les festivités qui entourent habituellement les célébrations religieuses de Noël. Une manière, «en tant que chrétiens, d’être solidaires de tous ceux qui souffrent de la guerre», avaient justifié les Églises.
«Dans les moments de douleur et même si Gaza saigne, la lumière ne s’est pas éteinte grâce à l’esprit de Bethléem», affirme aujourd’hui Maher Nicola Canawati, qui regrette que cette décision ait à l’époque été interprétée comme une «annulation» de Noël.
Cette année, les traditions populaires feront leur retour. En plus de l’illumination du sapin, un marché de Noël sera organisé du 12 au 14 décembre, ainsi qu’une «Nuit internationale», le 19 décembre, où les missions diplomatiques seront invitées à partager les traditions de Noël de leurs pays, relève la municipalité. La parade des scouts devrait également avoir lieu les 24 décembre et 6 janvier, et cette fois en musique.
La ville de naissance de Jésus fait partie des localités de Cisjordanie occupée les plus touchées par les conséquences du 7 octobre. L’absence de touristes, couplée à l’annulation des permis de travail en Israël, et à la banqueroute de l’Autorité palestinienne, ont mis à mal une population où le chômage s’élève aujourd’hui à 60%, estime la municipalité.
Les Bethléemites espèrent que ce début de retour à la normale convaincra touristes et pèlerins de revenir. Quelques groupes et visiteurs individuels se sont déjà annoncés pour Noël, mais les hôtels de Bethléem, Beit Sahour et Beit Jala restent majoritairement vides.
A l’occasion de sa visite à Rome, où il a été reçu par le pape Léon XIV le 24 septembre dernier, le maire de Bethléem a brossé un tableau sombre de la vie actuelle dans la ville natale du Christ. «Bethléem couvrait autrefois 37 km². Aujourd’hui, après l’annexion, les colonies et le mur de séparation qui sépare Bethléem de sa sœur et de son cœur, Jérusalem, pour la première fois dans l’histoire, nous sommes confrontés à de nombreux problèmes en tant que Bethléemites», a-t-il expliqué.
Maher Nicola Canawati a une nouvelle fois souligné son inquiétude face au déclin du nombre de chrétiens dans les territoires occupés palestiniens. «Les chrétiens palestiniens ne sont plus que 168’000 en Terre Sainte, alors qu’ils sont plus de 4 millions dans le monde entier. Cela montre à quel point les chrétiens sont sous pression», a-t-il fait remarquer.
«Cela me brise le cœur de voir des gens quitter Bethléem», a-t-il déclaré, soulignant que rien que l’année dernière, plus de 1’000 chrétiens ont obtenu l’autorisation d’immigrer au Canada, aux États-Unis et dans d’autres pays».
L’économie de Bethléem est dévastée: tous les hôtels, soit 84 établissements, sont fermés. «Les boutiques de souvenirs, les ateliers qui produisent les magnifiques objets en bois d’olivier, en nacre et les bijoux que nous fabriquons à Bethléem sont fermés. Totalement fermés», a déclaré le maire de la ville palestinienne.
Plus de 120’000 habitants de l’agglomération de Bethléem-Beit Sahour-Beit Jala et les villages alentour, a-t-il dit, travaillaient auparavant en dehors de la ville, «certains d’entre eux avaient contracté des emprunts, et maintenant ils n’ont même plus de quoi mettre du pain sur la table».
La pénurie d’eau et les restrictions de mouvement aggravent encore la situation, étouffant la population. Maher Nicola Canawati a expliqué que l’eau est rationnée car les Palestiniens de Bethléem ne sont pas autorisés à creuser et à puiser leur propre eau: «Nous achetons notre eau aux Israéliens, et ils ne nous vendent qu’un cinquième de ce dont une personne aurait besoin par jour».
Ayant déjà terriblement souffert pendant le confinement lié au Covid, l’économie de Bethléem, qui dépend du pèlerinage et de l’hospitalité – avec près de trois millions de visiteurs annuels avant ces événements désastreux –, est dévastée depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. (cath.ch/vaticannews/tsm/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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