A n’en pas douter cet appel doit monter vers le ciel avec véhémence de la part de bien des soldats affrontés à l’ennemi, comme du cœur de leurs familles laissées dans l’angoisse. Et dans combien de situations moins extrêmes, ce cri ne jaillit-il pas: « Sauve-nous! »
Ce verbe apparaît quatre fois dans l’évangile de saint Luc proposé pour la solennité du Christ-Roi: dans la bouche des chefs, dans celle des soldats et d’un malfaiteur crucifié à côté de Jésus. Regardons cette scène.
Trois hommes, crucifiés, dépouillés de tout, mourant sur une croix. Et le peuple reste là. À observer. Quel attrait peut-il trouver à attendre leur dernier soupir? Qu’est-ce qui se joue là, dans cet ultime regard porté sur les derniers instants de l’itinéraire d’un homme? Voilà qui met en question notre regard sur les personnes qui s’approchent de la mort, sur notre présence à leur côté. Restons-nous là… à observer?
« Traiter de roi cet homme en train de mourir abandonné… Quelle dérision »
Les chefs eux, tournent Jésus en dérision: il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie. N’est-ce pas ce qu’ils avaient secrètement espéré? Faut-il entendre une pointe de déception dans leur moquerie? Jésus n’était donc pas ce Sauveur à la toute-puissance magique ? Devant la croix, ce rêve, cette illusion se brise.
Les soldats aussi se moquent. Eux insinuent: si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même. Quelle dérision! Traiter de roi cet homme en train de mourir abandonné de tous. L’inscription sur la croix est sans doute ce qui fait dire aux soldats: celui-ci est le roi des Juifs, car cet écriteau lui attribue la fonction royale en Israël: c’est un problème de pouvoir, de pur pouvoir politique.
Un des malfaiteurs lui aussi l’injurie: n’es-tu pas le Christ? Voilà qu’en quelques lignes, les titres de Messie, de roi des Juifs, de Christ sont attribués à Jésus. Même teintés d’ironie, n’expriment-ils pas l’attente secrète des cœurs?
« Sommes-nous suffisamment ouverts pour accueillir ce que Jésus estime bon pour nous? »
Jésus crucifié est donc entouré de deux brigands, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Rappelons-nous cette scène où la mère des apôtres Jacques et Jean s’approche de Jésus pour lui demander: Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. Jésus répondit: vous ne savez pas ce que vous demandez.
Repense-t-elle à sa démarche, la mère des fils de Zébédée, présente au pied de la croix? Cela nous renvoie à nos propres prières, à nos demandes adressées à Jésus. Certes, nous n’allons pas jusqu’à lui ordonner ce qu’il devrait faire, mais sommes-nous suffisamment ouverts pour accueillir ce qu’il estime bon pour nous?
Sauve-toi toi-même, et nous aussi! telle est la demande d’un des larrons. Car si Jésus les sauvait, il pourrait retrouver sa liberté, voire même sa vie de voyou! Son regard est tourné vers le passé. Au contraire, son compagnon est tout orienté vers un avenir et il lui tend une perche: nous méritons ce qui nous arrive; il l’invite à une prise de conscience et à l’acceptation. Bel exemple de solidarité dans cet environnement de haine et de violence!
« Quelle leçon pour nous! Faire place à l’espérance, aujourd’hui, dans le chaos de notre monde »
Puis il s’adresse à Jésus. D’où lui vient cette foi, cette confiance? Comme il s’est tourné vers son compagnon, il se tourne maintenant vers ce royaume. Faut-il que son cœur soit ouvert à l’espérance pour voir au-delà de ce condamné une promesse d’avenir?
Quelle leçon pour nous! Faire place à l’espérance, aujourd’hui, dans le chaos de notre monde. Et si Jésus parlait aussi pour nous: tu seras aujourd’hui avec moi. Or, il est avec nous!
Sœur Véronique | Publié initialement le vendredi 18 novembre 2022
Lc 23, 35-43
En ce temps-là,
on venait de crucifier Jésus,
et le peuple restait là à observer.
Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient :
« Il en a sauvé d’autres :
qu’il se sauve lui-même,
s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
Les soldats aussi se moquaient de lui ;
s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée,
en disant :
« Si tu es le roi des Juifs,
sauve-toi toi-même ! »
Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui :
« Celui-ci est le roi des Juifs. »
L’un des malfaiteurs suspendus en croix
l’injuriait :
« N’es-tu pas le Christ ?
Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! »
Mais l’autre lui fit de vifs reproches :
« Tu ne crains donc pas Dieu !
Tu es pourtant un condamné, toi aussi !
Et puis, pour nous, c’est juste :
après ce que nous avons fait,
nous avons ce que nous méritons.
Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait :
« Jésus, souviens-toi de moi
quand tu viendras dans ton Royaume. »
Jésus lui déclara :
« Amen, je te le dis :
aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
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