Assises de la jeunesse à Lausanne: des pépites, des rêves et des projets

Isabelle Vernet, responsable de la pastorale des 15-25 ans dans le canton de Vaud, a déclaré «avec une immense fierté et joie» les premières Assises de la jeunesse en Suisse romande ouvertes. S’en est suivi un tonnerre d’applaudissements qui a fait vibrer la grande salle de la paroisse Saint-Joseph de Lausanne. Ces assises ont débouché sur une dizaine de projets concrets que les jeunes ont a charge de développer.

En tout, 160 personnes, parmi lesquels quelque 80 jeunes, une quarantaine d’agents pastoraux, une douzaine de prêtres, autant de religieux et religieuses ainsi que quatre séminaristes ont participé à l’événement, inédit en Suisse romande. Isabelle Vernet espérait trouver des pépites, voir des rêves émerger et des projets se concrétiser. «Nous souhaitons vous accompagner, portés par cette espérance», a-elle lancé.

Mise en œuvre de projets

Il était bien question de projets à concrets que les participants devaient emporter au terme de cette journée. Car pour Philippe Becquart, co-animateur de cette journée, «il s’agissait de la dernière étape méthodologique d’une démarche synodale concernant les jeunes à mettre en œuvre». «Ce n’est pas pour parler du synode que nous sommes rassemblés aujourd’hui, mais pour mettre en œuvre le type d’expérience qu’il suppose.»

Isabelle Jonveaux, qui enseigne à la faculté de Théologie de l’Université de Fribourg a lancé la journée en donnant une synthèse de l’enquête sur la foi et les jeunes* qu’elle a menée l’hiver dernier pour le SPI. Ce que représente la foi pour les jeunes, leurs préoccupations – vie sociales, éthique, couples, sexualité, économie – et la manière dont l’Eglise y répond, la transmission de la foi et le délicat dialogue à ce sujet entre les jeunes et leurs parents, la pratique religieuse, quelques uns parmi les thèmes abordés dans l’enquête.

Isabelle Jonveaux a ouvert les assises en donnant une synthèse des résultats de l’enquête sur les jeunes et la foi | © Bernard Hallet

Les réactions ont été plus nombreuses sur l’application « Padlet » mise en place pour l’occasion: «Je trouve que l’Eglise n’a pas d’abord pour vocation de nous donner des réponses à nos problèmes à des questions sociales etc., estime Louise. Le cœur de sa mission est de transmettre l’enseignement de notre Seigneur Jésus et de nous donner la vie par les sacrements! Bien sûr que cela va impliquer dans un second temps toute notre vie personnelle, sociale etc.» « La plupart des jeunes qui ont reçu une éducation religieuse durant leur enfance n’entretiennent pas forcément une relation profonde avec Dieu une fois adultes. Malheureusement, il y a souvent un manque d’accompagnement de la part des parents ou de la communauté au moment où ils grandissent, et je trouve cela vraiment dommage », déplore Julia.

Objectivité de l’enquête

Au fur et à mesure des différents chapitres égrenés, illustrés par des infographies, les personnes présentes dans la salle ont pu réagir de vive voix ou en direct, via une application. Réactions à chaud, étonnements tous azimuts ont occupé les temps de parole. La formation et les enseignements et la messe ont notamment fait réagir.

Certains se sont d’emblée posé la question de l’objectivité de l’enquête sachant que le questionnaire avait été principalement diffusé dans le réseau des pastorales jeunesse de Romandie. La sociologue des religions a précisé qu’elle avait, pour éviter ce biais, nuancé en créant des catégories selon l’éloignement des sondés par rapport à la religion et leur degré de croyance.

Formation en continu au-delà du catéchisme

Isabelle Jonveaux a observé que la messe fait l›objet d’une grande demande d’explication des différentes phases du rite et des gestes du prêtre, notamment chez les pratiquants. «Le manque d’explication entraîne un manque de compréhension», a pointé un participant, «alors pourquoi pas améliorer les propositions de catéchèse en ne se concentrant pas seulement sur la préparation aux sacrements mais aussi sur la liturgie de la messe?» demande un autre. Davis Roy-Camille, jeune catéchiste engagé en Eglise dans le canton de Neuchâtel, estime que le catéchisme ne devrait pas s’arrêter aux sacrements: «Il faut un apprentissage en continu. Ça manque! Les laïcs devraient proposer des formations».

Compréhension de la messe

Samuel, 20 ans, originaire de Neuchâtel, tout juste baptisé trouve que, durant le catéchuménat, 1h30 de formation une fois par mois n’est pas suffisante. Il lui manque cet «après» que l’Eglise devrait proposer aux jeunes. Il a participé à une journée de catéchisme à la fraternité St-Pierre. «Ils expliquent bien la messe en latin. Il faut dire qu’ils prennent le temps, c’est moins stress que pendant la formation du catéchuménat. Il s’informe aussi sur la chaîne Youtube «Claves», spécialisée sur la forme extraordinaire du rite. Il estime que les prêtres devraient donner plus souvent des enseignements sur la messe, «puisqu’ils sont au cœur de la célébration».

«En tant que servante de messe, constate Julia, je suis encore souvent surprise de voir que certains jeunes servants ne connaissent même pas le sens profond de ce qu’ils font. Ils ignorent la signification des gestes du prêtre, la raison pour laquelle ils sont accomplis, et à quoi ils servent exactement. Beaucoup ne connaissent même pas les différentes étapes de la messe ni leur nom.» Et de suggérer: «Peut-être devrions-nous également remettre en question la qualité et la pertinence des enseignements donnés par les personnes qui accompagnent ces jeunes. Leur rôle est essentiel, et s’ils ne transmettent pas clairement le sens des gestes, des rites et des étapes de la messe, il devient difficile pour les jeunes de s’y engager pleinement et de comprendre ce qu’ils vivent.»

17 groupes se sont formés pour une conversation dans l’Esprit | © Bernard Hallet

Esther Solari, engagée dans la pastorale des 15-25 ans, n’est pas surprise par ce regain d’intérêt pour la formation en Eglise en général, et la messe en particulier: «Dans la formation ›Théophilos’ (une formation libre de théologie à destination des 18 – 35 ans qu’elle a créée il y a trois ans), l’intérêt de ces jeunes va croissant pour la liturgie. En trois ans, une cinquantaine de jeunes, venant de toute la Suisse romande, ont suivi cette formation d’un an. Ils se questionnent et questionnent l’Eglise sur son enseignement», observe-t-elle.

Autre surprise du sondage: le fait que les femmes vont moins à la messe que les hommes alors qu’elles se disent plus croyantes. Le sondage révèle qu’elles sont plus actives en Eglise, notamment dans les chorales et le catéchisme. «Je ne me l’explique pas, commente Luisa, 24 ans, étudiante en pharmacie. Mais je constate en tout cas que les hommes sont beaucoup plus nombreux à la messe en latin où il n’y a quasiment pas de femme.» Une de ses amies n’est en revanche pas surprise pour l’autre versant de l’activité: «dans toute ma scolarité, collège inclus, je n’ai eu que trois hommes au catéchisme.»

Toutes les deux ne seraient pas dérangées si les fidèles pratiquaient un peu moins, mais faisaient de bonnes actions dans leur vie quotidienne: altruisme, éthique et soucis des plus fragiles sont pour elles aussi importants que d’aller régulièrement à la messe dominicale.

Environnement et prière

Un participant s’étonne que 30% des sondés disant avoir une relation à Dieu ont peu recours à la prière. Pour lui, ce n’est pas cohérent. Une mauvaise surprise pour Faustine, originaire du canton de Fribourg. Cette étudiante en biologie de 21 ans est «très frappée» de voir que l’écologie intéresse peu ou pas ceux qui se disent avoir une relation à Dieu et surtout moins que les jeunes éloignés de l’Eglise. «La Création est un grand cadeau! Il y a beaucoup à faire dans le domaine de l’environnement!».
Elle voudrait organiser des ramassages de déchets, «ce n’est pas pour le petit impact que cela aurait, mais ces actions complétées par des séance d’information sur le climat permettraient des échanges avec d’autres jeunes et une sensibilisation plus grande à ce sujet.» «Notre Terre est aussi création de Dieu, ajoute Mélia. Il est dommage et préoccupant que la protection de notre planète ne soit quelque chose qui préoccupe pas plus.»

Autre point marquant: le fait que la tendance de la pratique s’inverse entre la ville et la campagne. Les résultats de l’enquête n’ont pas laissé les participants indifférents. Le repas, qui a suivi la messe, a été très animé.

Philippe Becquart a donné les indications pour cette conversation dans l’Esprit qui devait aboutir à des propositions concrètes | © Bernard Hallet

L’après-midi, l’ensemble des participants ont formés 17 groupes pour une conversation dans l’esprit, deuxième temps fort de cette journée. Il s’agissait, selon les indications de Philippe Becquart, d’une démarche incarnée, pas d’un exercice intellectuel. Les participants devaient se mettre à l’écoute de ce que Dieu voulait ici et maintenant. Chacun ayant deux minutes pour s’exprimer, «sans jugement».

> Vers l’enquête du SPI <

Un troisième temps a permis de faire émerger différents projets avant qu’ils ne soient présentés sur la scène. « Il y a eu des propositions concrètes tournées vers les personnes du troisième âge: visites en EMS pour partager un repas, un goûter et échanger, mais pas nécessairement dans le domaine spirituel », détaille Isabelle Jonveaux. Un groupe eut mettre sur pied un projet de visite aux prisonniers.

Un représentant de chaque groupe a eu une minute pour présenter le projet qui a émergé des discussions | © Isabelle Vernet

Plusieurs projets de formation ont été présentés: une formation sur la Parole de Dieu, mais à l’échelle régionale, plus largement que la paroisse. « Ce sera l’occasion d’un rassemblement que demandaient certains jeunes, indépendamment des JMJ ou d’un pèlerinage ». Un groupe souhaite lancer une plateforme regroupant tous les projets des jeunes en Suisse romande. Un autre veut mettre sur pied une rencontre de jeunes avant la messe pour une explication de l’Evangile du jour et une préparation à la messe. L’idée d’un Conseil des jeunes refait surface. Evoqué il y a quelques mois, le projet prévoit de faire remonter les attentes des jeunes à l’évêque des jeunes, actuellement Mgr Alain de Raemy.

« Nous sommes satisfaits de cette grande journée, se réjouit Isabelle Jonveaux. Il était important que des prêtres, des agents pastoraux soient eux aussi présents afin que les seuls responsables en pastorale jeunesse ne portant pas seuls ces projets. et la participation a été importante ». Y aura-t-il d’autres Assises de la jeunesse? « Nous ne savons pas encore, mais Michel Racloz, (représentant de l’évêque pour le Canton de Vaud) y est favorable, mais l’événement aura une autre forme puisque l’enquête sur les jeunes et la foi ne connaîtra pas de développement ». (cath.ch/bh)

*Isabelle Jonveaux a diffusé un questionnaire en Suisse romande auquel elle a reçu 500 réponses exploitables. La plupart des jeunes qui ont répondu sont proches de l’Église catholique. Elle a également mené des entretiens qualitatifs avec certains jeunes. La sociologue a complété ses recherches en étudiant les questions posées par des jeunes sur ciao.ch (Centre d’Information jeunesse Assisté par Ordinateur – une plateforme destinée aux jeunes Romands de 11 à 20 ans). Le panel s’étend de ceux qui pratiquent régulièrement aux jeunes ayant un rapport ponctuel à l’Église.

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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